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précisément le contraire de ce qu'on efpérait; mais par la fuite conftante des obfervations, on eut plus qu'on n'aurait jamais ofé espérer. On eut une nouvelle preuve du mouvement annuel de la terre, et de la progreffion de la lumière; on connut la nutation de l'axe de la terre. (Voyez le chap. IV.)

Si la terre tourne dans fon orbite autour du foleil, et que la lumière foit inftantanée, il eft clair que l'étoile obfervée doit paraître aller toujours un peu vers le Nord, quandla terre marche vers le côté oppofé; mais fi la lumière eft envoyée de cette étoile, s'il lui faut un certain temps pour arriver, il faut comparer ce temps avec la vîteffe dont marche la terre ; il n'y a plus qu'à calculer. Par-là on vit que la viteffe de la lumière de cette étoile était dix mille deux cents fois plus prompte que le moyen mouvement de la terre. On vit, par des obfervations fur d'autres étoiles, que nonfeulement la lumière fe meut avec une énorme vîteffe, mais qu'elle fe meut toujours uniformément, quoiqu'elle vienne d'étoiles fixes, placées à des diftances très-inégales. On vit que la lumière de chaque étoile parcourt en

lumière qu'il avait découvert. Il ne s'agiffait cependant que de cette remarque fort fimple. Si le temps que la lumière met à traverfer l'orbite terreftre retarde l'apparition d'un phénomène, il doit influer également fur le lieu apparent des étoiles.

même temps l'efpace déterminé par Roëmer, c'eft-à-dire, environ trente-trois millions de lienes en près de huit minutes.

Maintenant je fupplie tout lecteur attentif et qui aime la vérité, de confidérer que fi la lumière nous arrive du foleil uniformément en près de huit minutes, elle arrive de cette étoile du dragon en fix années et plus d'un mois : car il faut fuppofer cette étoile au moins quatre cents mille fois plus éloignée que le foleil, finon la parallaxe eût été sensible; et que fi les étoiles fix fois moins grandes font fix fois plus éloignées de nous, elles nous envoient leurs rayons en plus de trente-fix années et demie. Or le cours de ces rayons eft toujours uniforme. Qu'on juge maintenant fi cette marche uniforme eft compatible avec une prétendue matière répandue partout. Qu'on fe demande à foi-même, fi cette matière ne dérangerait pas un peu cette progreffion uniforme des rayons; et enfin, quand on lira le chapitre des tourbillons, qu'on fe fouvienne de cette étendue énorme que franchit la lumière en tant d'années ; qu'on juge de bonne foi fi un plein abfolu ne s'opposerait pas à fon paffage ; qu'on voie enfin dans combien d'erreurs ce fyftême a dû entraîner Defcartes. Il n'avait fait aucune expérience, il imaginait : il n'examinait point ce monde,

il en créait un. Newton, au contraire, Roëmer, Bradley, &c. n'ont fait que des expériences, et n'ont jugé que d'après les faits.

Ces vérités font aujourd'hui reconnues: elles furent toutes combattues en 1738, lorfque l'auteur publia en France ces élémens de Newton. C'eft ainfi que le vrai est toujours reçu par ceux qui font élevés dans l'erreur.

CHAPITRE

I I.

SYSTEME DE MALLEBRANCHE AUSSI

ERRONE QUE CELUI DE DESCARTES;
NATURE DE LA LUMIERE; SES ROUTES;
SA RAPIDITÉ.

Erreur du père Mallebranche. Définition de la matière de la lumière. Feu et lumière font le même être. Rapidité de la lumière. Petiteffe de fes atomes. Progreffion de la lumière. Preuve de l'impoffibilité du plein. Obftination contre ces vérités. Abus de la fainte Ecriture contre ces vérités.

Le père Mallebranche qui, en examinant les

erreurs des fens, ne fut pas exempt de celles que la fubtilité du génie peut caufer, adopta fans preuve les trois élémens de Defcartes; mais

il changea beaucoup de chofes à ce château. enchanté, et fefant moins d'expériences encore que Descartes, il fit comme lui un systême.

Des vibrations du corps lumineux impriment felon lui des fecouffes à de petits tourbillons mous, capables de compreffion, et tous compofés de matière fubtile. Mais fi on avait demandé à Mallebranche comment ces petits tourbillons mous auraient tranfmis à nos yeux la lumière; comment l'action du foleil pourrait paffer en un inftant à travers tant de petits corps comprimés les uns par les autres, et dont un très-petit nombre fuffirait pour amortir cette action; comment ces tourbillons mous ne feraient point mêlés en tournant les uns fur les autres; comment ces tourbillons mous feraient élastiques; enfin pourquoi il supposait des tourbillons; qu'aurait répondu le père Mallebranche? Sur quel fondement pofait-il cet édifice imaginaire? Faut-il que des hommes qui ne parlaient que de vérité, n'aient jamais écrit que des romans ?

Qu'eft-ce donc enfin que la matière de la lumière ? C'est le feu lui-même, lequel brûle à une petite diftance, lorfque fes parties font moins ténues, ou plus rapides, ou plus réunies; et qui éclaire doucement nos yeux quand il agit de plus loin, quand fes particules font plus fines, moins rapides et moins réunies.

Ainfi une bougie allumée brûlerait l'œil qui ne ferait qu'à quelques lignes d'elle, et éclaire l'œil qui en eft à quelques pouces : ainfi les rayons du foleil épars dans l'efpace de l'air illuminent les objets, et réunis dans un verre ardent, fondent le plomb et l'or.

Si on demande ce que c'eft que le feu, je répondrai que c'eft un élément que je ne connais que par fes effets; et je dirai ici, comme par-tout ailleurs, que l'homme n'eft point fait pour connaître la nature intime des chofes, qu'il peut feulement calculer, mesurer, peser et expérimenter.

Le feu n'éclaire pas toujours et la lumière ne brille pas toujours; mais il n'y a que l'élément du feu qui puisse éclairer et brûler. Le feu qui n'est pas développé, foit dans une barre de fer, soit dans dú bois, ne peut envoyer des rayons de la furface de ce bois ni de ce fer, par conséquent il ne peut être lumineux; il ne le devient que quand cette surface est embrasée.

Les rayons de la pleine-lune ne donnent aucune chaleur fenfible au foyer d'un verre ardent, quoiqu'ils donnent une affez grande lumière. La raifon en eft palpable. Les degrés de chaleur font toujours en proportion de la denfité des rayons; or il eft prouvé que le foleil à pareille hauteur darde quatre-vingt-dix mille fois plus de rayons que la pleine-lune ne

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