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tempérans, modérés dans leurs passions, et tels dans leurs jouissances que le prouve leur doctrine, où ils n'auroient pu faire entrer les souvenirs, si leurs plaisirs n'avoient été dignes de quelque mémoire. Epicure étoit le plus tempérant des hommes, il a connu l'amitié et a été vivement regretté de ses amis nombreux.

§ 5. Nos idées tiennent à nos sentimens, et nos sentimens à l'état des organes. Il y a donc les rapports les plus intimesentre les idées et les organes. Les idées heureuses et agréables sont toutes en deça des bornes de la tempérance, et tous les rapports fâcheux se trouvent au delà de ces bornes.

Les hommes livrés aux plaisirs des sens, loin de transporter la jeunesse dans l'âge des souvenirs, ne retrouvent dans cet âge prétendu des souvenirs qu'une réalité fâcheuse, née de l'affaissement des organes.

Il y a cette grande différence entre la vieillesse précoce et la vieillesse naturelle, que la vieillesse précoce a le sentiment continuel de son affaissement, augmenté par le contraste de ses souvenirs et de toutes ses maximes; tandis que la vieillesse naturelle conserve sans cesse l'harmonie des idées avec la sensibilité. Cette vieillesse ne regrette rien, parce que tous ses

goûts

goûts ayant changé avec l'âge, des plaisirs nouveaux sont venus couvrir ceux d'un âge qui n'est plus. L'harmonie des idées avec les sentimens, l'accord des goûts avec les principes, celui des jouissances avec les désirs, voilà ce qui peut durer toujours. La vieillesse de l'homme vertueux ressemble au crépuscule des pays septentrionaux, où la dégradation imperceptible du jour est accompagnée d'une harmonie dans les teintes du ciel, qui dure jusqu'au moment où un jour nouveau commence à poindre non loin de là sur l'horizon. Le vieillard précoce, n'a de souvenir que pour son tourment tandis le vieillard de la nature se rajeunit que par l'espérance; l'un regrette, regrette, l'autre espère, le premier vit pour les souffrances, le second pour l'avenir; l'un est le flambeau qui fume au lieu de brûler, l'autre le soleil qui ne se couche que pour ceux qu'il laisse en arrière.

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De la liberté de l'homme. Si l'homme demeure libre dans les passions.

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1. La volonté agit par les idées. § 2. Doutes sur le système de Bonnet. § 5. En quoi consiste la liberté de l'homme. § 4. La raison est le principe de la liberté. § 5. La liberté n'est pas une force. § 6. La liberté précède la volonté. $7. Comment l'indépendance de la volonté peut se perdre. § 8. La raison est une force réelle. $ 9. Le mouvement de la sensibilité peut être arrété par un sentiment opposé. § 10. L'intelligence agrandit la liberté. § 11. La raison calme parce que ses mouvemens sont différens de ceux de l'imagination. § 12. Réflexion mitoyenne entre l'imagination et l'intelligence. S15. Ce que les anciens entendoient par gravité. § 14. La volonté est une force.

1.

l'homme

IL importe de prouver que fait lui-même sa destinée, que les passions, qui le subjuguent, il ne les a que parce que telle a été sa volonté, et qu'en obeissant à elles il ne fait qu'obéir au maître qu'il s'est donné lui-même.

Il faut voir jusqu'à quel point il peut-être subjugué par la sensibilité la sensibilité, et pour cela reprendre sous œuvre la grande question de la liberté de l'homme.

Il n'y a pas de passion sans objet, c'est à dire sans idée dirigeante. C'est à ces idées que la volonté s'attache, et c'est par elles que les passions sont volontaires.

R

0

La volonté suppose 1.o des idées; 2.o des comparaisons; 3.° un résultat de ces comparaisons appelé un choix; 4. une détermination née de ce choix. Il résulte de l'analise de l'imagination et de l'intelligence, que ces deux facultés ont des mouvemens opposés, qui, en se troublant réciproquement, peuvent néanmoins produire cette harmonie dont résulte le bonheur de l'homme.

2. Si la liberté étoit, comme dit Bonnet, subordonnée à la volonté, il n'y auroit pas de liberté, car le mot de subordonné ne peut signifier ici qu'un effet dont la volonté seroit

la cause.

L'exécution de la volonté se fait par l'automate qui à tel mouvement de l'organe d'une idée produit tel mouvement musculaire. Je veux lever le bras, et je le lève.

L'âme peut ne pas agir d'après les préfé

rences de sa sensibilité, parce que l'âme est douée d'une force opposée au mouvement de' la sensibilité, qui est celle de la raison émanée de l'intelligence; et c'est à agir ou n'agir pas d'après les préférences de la sensibilité, que consiste la liberté de l'homme. L'on voit donc que c'est dans la raison que réside le véritable empire de l'être pensant, puisque la raison seule lui donne le pouvoir de n'être pas entraîné par les mouvemens de la sensibilité.

L'âme douée de deux forces opposées peut ne point se déterminer pour le choix du sentiment moteur, parce qu'elle peut agir encore par une force capable de surmonter le mouvement de la sensibilité, et c'est la faculté d'arrêter le sentiment par la raison, ou bien d'agir par raison selon le sentiment, qui constitue la liberté de l'homme.

pour

3. Qu'est-ce qui porte l'âme à se décider le choix de sa raison plutôt que pour celui de sa sensibilité? C'est le pouvoir qu'elle a de s'opposer au mouvement de la sensibilité par un mouvement contraire. D'où viennent ces forces opposées ? Je n'en sais rien. Ce que je vois clairement, c'est que la raison se cultive et se perfectionne, que sa force croît avec la culture qu'on lui donne, et avec les

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