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CHAPITRE II.

Besoin et désir.

S 1. Le désir excite l'idée. § 2. Le désir est la sensation du sixième sens, son objet est le besoin de quelqu'organe. § 3. Le sixième sens est l'intermédiaire entre l'âme et l'automate. § 4. Grande affinité entre les idées et les sentimens. $ 5. Chaque mouvement de sensibilité est le résultat de ce qu'on a précédemment senti.

§ 1. La vie de l'automate suppose un cerLA

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tain ordre et une certaine intensité dans les mouvemens des organes. Mais tous ces mouvemens ne peuvent se prolonger sans secours étranger, et sans quelques cojets extérieurs.. L'individu périroit si la faim, la soif et le besoin de respirer ne le rappeloient sans cesse à la vie, et l'espèce périroit si l'amour pouvoit jamais s'éteindre dans le cœur de l'homme.

§ 2. Il faut considérer le sixième sens comme semblable à tous les autres. D'un côté il est en communication avec l'âme par la sensibilité; de l'autre il est en communication avec les objets appelés besoins qui se trouvent en rapport avec sa nature particulière.

Le besoin de boire est un mouvement des organes qui se trouve avoir des rapports naturels avec le désir de boire, c'est-à-dire avec la sensation de la soif.

J'appelle besoin, l'agent excitateur de la sensibilité placé dans l'organe du sixième sens, et j'appele désir, la sensation qui résulte de l'action de cet agent sur l'âme. La sensation de la soif est l'expression d'un certain mou→ vement de l'organe du besoin, comme la sensation d'un son est l'expression d'un certain mouvement de l'organe de l'ouïe. Le besoin est à la sensation de ce besoin appelée désir, ce que le mouvement de tout autre sens est à la sensation excitée par ce mouvement. Le besoin de manger est à la sensation de la faim ce que le mouvement du sens de la vue qui produit telle couleur, est à la sensation de cette couleur; avec cette différence, que nous ne portons pas dans nous-mêmes, les couleurs et les sons, tandis que les agens des mouvemens de sensation du sixième sens, marchent avec nous; et faisant partie de nous-mêmes sont inséparables de l'homme.

Le besoin est annoncé et connu par le désir.' Le désir est donc le véritable langage du besoin, mais un langage énigmatique, dont le

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mot se trouve placé dans ce qu'on appelle jouissance.

Les besoins de l'organisation ne s'adressent pas toujours à l'âme par la sensibilité. Il y en a qui n'agissent que par l'irritabilité, comme la circulation du sang, la secrétion des humeurs, la digestion, etc.

D'autres besoins ne parlent que foiblement et par intervalles à la sensibilité, parce qu'ils peuvent pour se satisfaire se passer du secours des idées. La respiration, la toux, les soupirs, les éternuemens, les évacuations, les vomissemens, les bâillemens, les mouvemens d'inquiétude produits par la douleur, le besoin de repos ou de mouvement etc., sont de l'espèce des besoins appelés demi - volontaires, non qu'ils ne soient volontaires qu'à moitié, mais parce que dans la plupart des cas ils ne le sont point du tout.

Ce sont surtout les besoins de la faim, de la soif et de l'amour, qui, par la sensibilité s'adressent aux idées des cinq sens, chargées pour ainsi dire de courir le monde pour les satisfaire.

3. L'on voit que le sens de l'organisation,

ou le sixième sens est l'intermédiaire entre l'âme et l'automate, comme l'œil est l'intermédiaire entre l'âme et les couleurs.

Quand la sensibilité agit sans idées, elles produit des sensations sourdes, latentes, sans nom, incapables d'éveiller le sentiment du moi réfléchi.

4. Les besoins excitent la sensibilité motrice, et nous avons vu, que, dans le domaine de l'imagination, l'initiative des idées appartenoit à la sensibilité. Il paroît, qu'entre la sensibilité et les idées des cinq sens existent des rapports capables de faire naître des liens d'association très-forts et très-puissans: la force de ces liens est en raison de la force des sentimens associateurs. Sans doute que, dans les organes de ces idées, il peut exister des dispositions plus ou moins grandes à s'associer ensemble. Ces dispositions peuvent en partie avoir leur origine dans la première éducation, où rien n'est indifférent, et où toutes les impressions qui ne se manifestent pas sur l'heure, vont se déposer au fond de l'âme comme des germes destinés à ne se développer que dans l'avenir; de manière que l'action du moment est déjà une action pour l'avenir.

Dans le domaine de l'imagination les associations des idées sont à considérer comme l'expression de la sensibilité; chacune de ces associations porte l'empreinte du sentiment

moteur, en sorte que, parmi des idées données la plus vivement frappée est la première de la série, et ainsi de suite. L'idée de ce que l'on préfère n'est-elle pas en avant de toutes les autres? La passion dominante n'est dominante que parce que l'idée dirigeante de cette passion, est toujours la première des idées, et que les actions qui sont dans le sens de cette idée, sont toujours les premières que l'on fait, et par conséquent les premières que l'on fera encore.

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§ 5. Remontez d'association en association. jusqu'au premier jour de l'enfance, et vous n'aurez que des séries d'idées produites chacune par le sentiment dominant du jour, et plus ou moins altérées par celui du lendemain ; de manière que la vie la plus longue, ne sera que le résultat exact des sentimens qui ont associé et désassocié les idées, Chaque moment donné sera l'expression parfaite de tout ce qu'on a senti et pensé dans tous les momens qui ont précédé. Pensée consolante et terrible à la fois, qui nous apprend que, lorsque nous croyons ne faire que la destinée du jour présent, nous influons encore sur celle de la vie entière: ce qui double l'importance de nos pensées et de tous nos sentimens, en

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