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La réaction des idées sur la sensibilité est cause du grand effet de l'imitation de certains objets. Les beaux-arts préfèrent les sujets qui, représentant les passions, sont par là même préparés à reproduire des mouvemens passionnés. Car ce que nous appelons, représentation des passions suppose la représentation précise de tout ce qui est propre à émouvoir les passions.

Nous ne voyons que par notre propre sensibilité, c'est-à-dire nous ne voyons que, ce qui étant en rapport avec elle, est capable de l'émouvoir. Les animaux domestiques savent très-bien distinguer le maître irrité du maître

qui les caresse; mais s'ils savoient peindre, sans doute que leur portrait du maître irrité seroit bien différent de ceux que nous faisons nous-mêmes des passions de nos semblables. Les beaux-arts supposent trois choses. 1. Une imitation parfaite.

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3. L'expression complète de l'harmonie. Sans l'imitation parfaite, le Christ de la Transfiguration, au lieu d'être le Sauveur du monde, ne seroit que du bois ou de la toile peinte. Sans un choix d'objets capables d'é

mouvoir la sensibilité, l'imagination privée de sentiment, demeureroit glacée, sans idées et sans vie. Enfin sans l'harmonie point de beauté, point de poésie, rien d'idéal, rien qui élève l'âme au-dessus de la prose de l'existence.

DÉVELOPPEMENS.

LES PASSIONS.

CHAPITRE PREMIER.

§ 1. Les idées des cinq sens n'ont de mouvement que par la sensibilité. § 2. L'idée dirigeante tient par sa partie matérielle aux besoins de l'automate, et par sa partie spirituelle à la volonté. § 3. Dans les passions la sensibilité agit toujours par les idées. §4. Toute passion agréable ou désagréable tend vers une jouissance capable de l'éteindre. S 5. L'imitation suppose association dans les idées et dans les mouvemens. § 6. Toutes les lois de l'imagination laissent quelque empreinte dans les idées associées.$7. La passion dominante enchaîne non-seulement les idées, mais encore les mouvemens correspondans à ces idées. § 8. La force originelle des passions est déposée dans l'organisation. § 9. De la désassociation des idées. § 10. Les associations d'idées sont tenaces en raison de la force du sentiment associateur. § 11. Tout sentiment nouveau éprouve une résistance dans les associations anciennes. § 12. Du sentiment dominant. § 15. Tout mouvement qui se fait dans

le sens du sentiment dominant est agréable, § 14. Accélération dans les mouvemens des passions.

§ 1. UNE sensation est ce qu'elle est : sa

simple présence dans l'âme n'est d'aucun effet, et la seule contemplation d'une idée ne sauroit produire aucune émotion ni aucune action.

Il n'est pas moins vrai que je n'éprouve aucune passion quelconque sans avoir quelqu'idée qui en détermine le mouvement, et pour ainsi dire la direction et la route. La détermination du mouvement de sensibilité vient donc de l'idée dirigeante, mais l'idée dirigeante n'est mue que par la sensibilité.

2. L'idée aussi est un être mixte; elle tient d'un côté au moi, c'est-à-dire à l'âme, et de l'autre à un organe. Par son organe elle tient à tous les organes où résident les besoins physiques, et par sa partie spirituelle, (par celle que le moi éprouve) elle tient à la volonté, dont les opérations sont purement spirituelles. En effet, nous avons vu que la volonté se déterminoit d'après son propre choix, qui est le résultat d'une opération purement spirituelle, produite par la comparaison entre plusieurs idées ou plusieurs sensations,

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et comme la volonté n'est jamais déterminée que d'après ces comparaisons, elle ne l'est jamais mécaniquement.

§3. Dans les passions l'association des idées se fait par l'intermédiaire de l'idée dirigeante; chaque passion a son idée dirigeante que j'ap pelle son objet; cette idée souvent émue par un même sentiment appelé désir, trouve dans les organes des dispositions préformées cornespondantes à cet objet. J'ai faim, voilà le désir, dont l'origine est dans l'organisation; je pense au pain, voilà l'idée dirigeante. J'en mange, voilà la jouissance, qui, en vertu des lois de l'organisation vient éteindre le désir, et avec lui tous les mouvemens. Ce même désir prolongé et combattu par des obstacles, peut dans une famine devenir une passion, et en avoir tous les caractères. L'action centrale des passions" sera toujours dans l'idée dirigeante, qui devient le centre de tous les mouvemens, et de toutes les idées associées.

§ 4. On peut établir comme principe, qu'à tout désir répond une jouissance déterminée, que les passions les plus tristes ont leur vœu, et une direction unique vers l'objet capable de les éteindre. Je ne parle point ici des sentimens moreaux, qui supposent d'autres prin

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