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SUR

LES LOIS ET LA NATURE

DE L'IMAGINATION.

TROISIÈME SECTION.

DE LA RÉACTION DES IDÉES.

CHAPITRE PREMIER.

La sensibilité a des liaisons intimes avec le système musculaire.

E

§ 1. Je viens de faire l'analise des deux premiers élémens de l'imagination, dusentiment et de l'idée. La tâche la plus difficile me reste à faire, celle d'expliquer la réaction des idées, qui fait le troisième élément de l'imagination. Jusqu'ici je n'ai parlé que de sentimens et d'idées. Je vais dans cette partie m'occuper de leur influence sur les organes, et de la réaction des organes sur les sentimens et les idées.

§ 2. La psychologie est presque toute à

refaire. Au lieu de l'élever à la métaphysique, il falloit au contraire la faire descendre dans l'organisation, afin de saisir les phénomènes de l'être mixte dans toute leur composition.

3. Les métaphysiciens qui ont parlé de l'âme ont le plus souvent considéré la sensation dans sa plus grande abstraction, comme un phénomène non composé, comme une simple modification de l'âme. Je crois que cette définition n'est pas vraie même en ne considérant la sensation que dans l'âme. J'ai des raisons de croire, que la sensation dont nous avons la conscience, simple en apparence, se trouve néanmoins dans la réalité toujours complexe, quoique la réflexion ne soit pas en état de la décomposer toujours. Nous avons vu avec Leibnitz qu'il y avoit nécessairement des modifications dans l'âme, dont le moi réfléchi, ne pouvoit avoir aucune connoissance. Ainsi donc ce moi renfermé dans les organes de la pensée confuse de l'homme, semblable à l'enfant qui vient de naître, se trouve entouré de mille impressions inconnues et enveloppées, destinées sans doute à se développer sous d'autres rapports (1).

{1} Comment croire que, ce qui est enveloppé, puisse ne pas

§ 4. Il faut pour procéder avec méthode, prendre la sensation à sa naissance, c'est-à-dire dès la première impression que l'objet extérieur qui l'a fait naître, vient à produire sur les nerfs. Cette impression paroît porter avec elle deux actions, pour ainsi dire, divergeantes, l'une sur l'âme, l'autre sur les organes, où l'action semble se dérober à toutes nos recherches.

La sensation arrive complexe dans l'âme et sous une forme assez confuse, la simple attention peut suffire pour en développer dans la suite une foule de parties et de rapports (1).

se développer chez les êtres sensibles, pour qui seuls l'avenir existe. Comment l'univers pourroit-il former un toat, si ce n'est en réunissant l'avenir au présent, et ce qui est déjà avec les choses qui se préparent à être ? Avec quoi remplir l'éternité de l'existence si ce n'est avec les choses non développées ?

(1) La plus grande vivacité de la sensation produite par l'attention, ne fait que développer dans les sensations, ce qui y étoit enveloppé. La première sensation produite par la présence de l'objet, quoique d'abord un peu confuse, contenoit donc tout ce que dans la suite l'attention y a trouvé. Le développement même des rapports n'est que le développement des idées opéré par l'acte de la comparaison.

Une grande partie des plaisirs faussement attribués à l'habitude vient de ce que l'usage d'une chose, d'un mets par exemple, développe dans la saveur de ces mets des sensations partielles, non aperçues d'abord dans la sensation confuse. Nous croyons quelquefois que l'habitude agit sur les mêmes idées, lorsqu'elle agit en réalité sur des points différens d'une même idée. C'est précisément cette habitude qui ne s'émousse point; tel est, par

Il faut, que l'action de l'objet extérieur sur les nerfs ait une singulière activité, pour produire dans l'âme même des effets si multiples et des phénomènes placés si hant qu'ils échappent à tous les regards, tellement que pour connoître la sensation, il faut la sentir, et être, pour ainsi dire elle-même. Mais l'effet de l'impression sur sur le système nerveux arrive non-seulement dans l'âme, mais encore dans tous les organes placés sous la dépendance de l'âme. Là se passent des mystères qui ne peuvent être révélés que par les faits.

§ 5. Une sensation de quelqu'un des cinq sens, celle d'une odeur par exemple, ne peut arriver à l'âme qu'entourée de quelques sensations de plaisir ou de douleur. Ces sensations de plaisir ou de douleur peuvent s'unir à l'odeur par exemple de la rose. Ce sont ces sensations de plaisir ou de douleur, souvent obscures ou latentes, fortement associées avec une sensation des cinq sens, qui portent en elles

exemple, l'amour qu'on a pour une personne spirituelle et sensible inépuisable en sentimens et en idées; tel est surtout l'effet de la grâce qui multipliant la beauté, forme une source permanente d'harmonie et de plaisirs toujours simples et toujours variés. L'habitude en elle-même ne peut être sentie, elle peut nous faire éviter des peines, mais elle ne sauroit donner aucum plaisir ; ses bienfaits ne sont que négatifs.

un principe d'action capable d'agir sur la force musculaire, dans laquelle réside l'exécution des mouvemens volontaires.

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Les cinq sens, placés dans l'organe de la sensibilité, et faisant partie de tout le système nerveux, sont néanmoins, dans leur manière d'agir, bien distincts du sixième sens. Considérés isolément les cinq sens semblent dépourvus de tout principe d'action, qu'ils ne peuvent tenir que de leur association avec la sensibilité, qui seule fait éprouver le plaisir ou la douleur, et qui liée avec la force musculaire, prépare l'exécution de ce que l'âme a trouvé bon de préférer et de vouloir. Quand la pupille se contracte à la présence d'une forte lumière, c'est parce que cette lumière est trop forte pour l'organe. Dans ce cas ce n'est pas le sens de la vue qui agit, c'est la sensation de douleur attachée à la partie de l'organe, qui n'est point la partie qui transmet à l'âme la sensation de tel ou tel rayon coloré; car en parlant d'organes et de nerfs, il faut bien se dire que nous ne voyons de tout cela que la boëte de la montre, et jamais ni le mouvement ni les rouages. Lorsque la sensation de plaisir ou de douleur, attachée à tel ou tel mouvement vient à s'émousser par l'habitude, ce mouvement peut

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