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De la différence entre l'imagination et la mémoire.

§ 1. La sensation est la source où les deux facultés vont puiser. Quels sont les effets que la sensation produit. § 2. La memoire conserve trois choses dans les idées. § 3. La mémoire parott tenir à la sensibilité. § 4. Effet du sentiment moteur sur la mémoire. § 5. La mémoire et l'imagination sont deux forces différentes qui peuvent être concurrentes, ou opposées. § 6. Les idées se conservent dans la mémoire, par les mots même après que le mouvement qui les avoit associées n'existe plus. § 7. L'intelligence se prépare dans le calme, au combat avec les passions. § 8. L'imagination agit dans le sens du sentiment présent, la mémoire dans

du beau, et sous ce rapport il faut respecter la raison lorsqu'elle dicte ses lois au poëte; mais la raison même ne peut entrer dans la poésie, comme partie intégrante.

Les concetti, que Boileau veut bannir de la poésie, déparent la poésie, non parce qu'ils pèchent contre le bon sens, mais parce que les idées hétérogènes, réunies dans les concetti, ne pouvaut former un accord, sont contraires à l'unité de l'harmonie. Supposez que les idées, que vous reprochez au concetti, eussent ce bel accord, que l'on admire dans les comparaisons et dans les métaphores de Virgile et d'Horace, alors ces poésies ne seroient plus des concetti,

le sens d'un sentiment passé. § 9. C'est la différence des mouvemens qui fait la différence des deux facultés. § 10. La mémoire n'est qu'une combinaison d'idées, les combinaisons de l'imagination sont comme les mouvemens de la sensibilité, multipliés par le nombre des idées conservées dans la mémoire.

1.

le

LES philosophes plus ignorans que vulgaire, ont si long-temps confondu l'îmagination et la mémoire, que je me permets de développer ici avec quelque étendue les limites qui séparent ses deux facultés.

La source où l'imagination et la mémoire vont également puiser, est la sensation.

Tâchons de faire connoître tous les faits qui caractérisent la sensation.

Je vois ce feuillage, et j'éprouve la sensation de la couleur verte. Voyons tous les faits que cette sensation suppose.

J'éprouve dans l'âme une modification en conséquence de l'action de la lumière sur l'organe de l'œil, et j'appelle cette modification couleur verte. Ce phénomène, si simple en apparence, se trouve avoir produit dans l'organe de la sensation, un grand nombre d'effets.

1.° La sensation peut désormais reparoître

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dans l'âme sans l'action de l'objet, scul capable de produire cette première sensation.

2.° La sensation a développé des rapports dans son organe avec les organes de quelques autres sensations, de manière à pouvoir désormais agir sur ces organes, et être mis en mouvement par ces organes.

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3. La sensation a développé non-seulement les rapports qui constituent la mémoire, mais elle a de plus donné l'être à tous ses rapports avec les autres facultés préexistantes dans l'âme. Dès sa naissance la sensation se trouve assujettie aux lois de l'imagination: c'est-à-dire que son arrivée dans l'âme a suffi pour développer les rapports innés, qui se trouvent exister entre la sensibilité et les idées. L'idée une fois née dans la sensation, se trouve soumise à l'influence de chaque sentiment; ellemême exerce à son tour un empire non moins grand sur ces sentimens, le tout selon les lois de l'imagination que nous avons exposées dans la première partie.

4. La sensation donne l'être aux rapports de l'idée, non-seulement avec la sensibilité, mais encore avec la faculté plus relevée de l'intelligence; c'est-à-dire, que la sensation. une fois née dans l'âme, se trouve dès ce

moment assujettie aux lois de l'intelligence. Elle sera dès lors en rapport avec la force de cette faculté appelée attention; elle sera capable de développemens, elle pourra recevoir un mouvement opposé à celui de la sensibilité, etc.

5. Ce n'est pas tout. La volonté existe dans l'âme, et l'homme est destiné non-seulement à penser, mais encore à agir. La sensation devenue idée se trouvera en rapports immédiats ou médiats avec la force musculaire exécutrice de la volonté, et tandis qu'elle aura formé des liaisons avec d'autres idées, elle en aura commencé avec les mouvemens musculaires, de manière à devenir dans la suite, capable d'exécuter les mouvemens de la volonté. En un mot la sensation, en naissant dans l'âme, se trouve placée à la fois dans tous les rapports de son être particulier.

§ 2. Ces faits posés, voyons ce qui en résulte d'abord pour la mémoire, ensuite pour l'imagination.

Ce que je vais dire suppose l'analise de la mémoire; je ne puis qu'être court, et supposer quelquefois des idées que je n'ai point développées encore.

La mémoire conserve les idées, elle con

serve l'ordre de leur association, et leurs intensités relatives.

la

3. Les sens font naître les idées par sensation, et la sensibilité qui les associe selon ses propres lois, paroît avoir une force conservatrice, que nous appelons mémoire.

Le mouvement de la sensibilité ne peut finir qu'avec la vie; ce mouvement, nous le supposons infiniment varié. Voyons ses effets sur la mémoire, c'est-à-dire, observons l'action d'un sentiment moteur sur les idées associées.

§ 4. Si le mouvement du sentiment présent est opposé au mouvement conservateur de l'association ancienne, cette association sera peu à détruite. Si au contraire, le mou

peu

vement moteur est dans le sens du mouvement conservateur, la mémoire sera augmentée; si ce mouvement se trouve égal au mouvement de l'association, la mémoire sera simplement conservée.

En effet, ne voyons-nous pas une passion très-vive donner de grandes distractions, et faire oublier ce qui lui est étranger. Ne

voyonsnous pas au contraire cette passion raviver tous les souvenirs qui lui plaisent, et conserver tout ce qui ne lui est pas contraire ?

§ 5. La force de la mémoire peut donc être

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