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vement où seroit-il, si ce n'est dans un organe? N'est-il pas reconnu par tous les bons physiologistes, qu'il y a un point central où tous les sens vont converger?

§ 6. Le premier effet du mouvement de la sensibilité est d'agir sur les idées des cinq sens, comme si le premier soin du şentiment étoit d'éveiller les idées, qui vont devenir ses gardiennes et ses guides, et qui ne se trouvent jamais plus infaillibles que lorsqu'elles ont été préparées, et, pour ainsi dire, formées et élevées d'avance, par la réflexion.

Les cinq sens, destinés à la faculté de connoître, paroissent avoir un caractère plus calme que le sens de la sensibilité. En effet, quatre des cinq sens, placés dans la tête, paroissent plus isolés; comme ils sont logés près du sensorium, ils ont moins de chemin à faire, moins de mouvemens à rencontrer que le sens de la sensibilité qui a, pour ainsi dire, tous les organes à traverser. Le cinquième sens celui du toucher, quoique répandu sur toute la surface du corps, paroît néanmoins très-indépendant de tous les mouvemens des autres organes; il n'y en a pas de plus calme, et il semble

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être éminemment destiné à étendre la faculté de connoître, puisqu'il est le guide de deux autres sens, particulièrement de celui de la

vue.

§ 7. Si on venoit à découvrir l'organe matériel de la réflexion, je ne serois nullement ébranlé dans mon opinion sur la nonmatérialité de l'âme. Intimement persuadé, que les rapports entre le mouvement et la pensée ont une loi de la nature, je ne saurois renoncer à l'idée de l'immuabilité de cette loi; et si le mouvement suppose un organe, je ne sais pas pourquoi un point central des rapports entre le mouvement et la pensée, cesseroit jamais d'exister. La physiologie même indique un centre (1), un sensorium, où tous les mouvemens vont aboutir conséquent un organe, où tout ce qui appartient à l'être sentant et pensant, se trouve concentré, et où le mouvement et la pensée şemblent se rencontrer.

› par

(1) Eadem mente res dissimilimas comprehendimus, ut colorem, saporem, calorem, odorem, sonum; qui nunquam quinque nuntiis animus cognosceret, nisi ad eum omnia referrentur, et is omnium judex solus esset. Tuscul. L. I. Chap. 20:

CHAPITRE XI.

Du sentiment considéré dans son plus grand mouvement, appelé passion.

§ 1. Les besoins sont les premiers excitateurs des passions. § 2. Le désir éveille l'idée dirigeante. § 3. Les grands mouvemens de l'âme sont dans l'action de l'idée dirigeante. § 4. Le mouvement musculaire réagit sur le mouvement nerveux par les jouissances. § 5. L'unité de volonté dans l'âme et l'uniformité des mou vemens des organes produisent les passions. J 6. Et s'il y a un vice dans l'organisation ces mêmes mouvemens produisent la manie. $7. Accélération des mouvemens passionnés. $8. La réflexion peut arréter ce mouvement si on parvient à la faire naître. § 9. Le développement national modifié par le principe du gouvernement. § 10. Plus l'homme est sauvage, plus il est dominé par l'imagination.

1.

SUIVONS

IVONS la sensation du sixième sens, appellé sentiment, dans tous les phénomènes qu'elle présente. Un besoin vient à frapper quelque partie de l'organe de la sensibilité, peu près comme la lumière vient à frapper

l'organe de l'œil; (car la sensibilité a ses rapports avec tel organe ou tel mouvement, comme les autres sens ont leur rapport avec les corps ou les mouvemens, qu'ils sont chargés de mettre en connoissance avec l'âme). Au mouvement du besoin répond un sentiment, c'est-à-dire une sensation du sixième sens, connue sous le nom de désir;

à

peu près comme à l'action de la lumière sur l'organe répond la sensation d'une couleur, avec cette grande différence, que l'action de l'organe de la vue se termine à la sensation. qu'elle donne à l'âme, tandis que le désir étant un mouvement non achevé, indique toujours une direction ultérieure. Cette direction connue par les moralistes sous le nom d'aversion pour la douleur et d'amour pour le plaisir, fait le mobile des actions humaines; ce qui cependant n'est vrai que dans le domaine de l'imagination pure.

§ 2. Le plus souvent quelqu'idée des cinq sens est éveillée par le sentiment, et l'attention de l'homme cultivé se porte aussitôt sur l'idée, qui, comme un point fixé par l'attention,

(1) La force par laquelle l'intelligence agit, est ce que j'appelle cette action. L'attention est une force essentiellement

vient

vient arrêter plus ou moins le mouvement de la sensibilité.

Mais à toute action répond une réaction, et c'est toujours la réaction des idées qui produit les grands mouvemens des passions, puisque ce qu'on appelle action, ou exécution de la volonté, est toujours l'effet de la réaction de l'idée frappée par quelque sentiment. C'est l'idée dirigeante qui décide, comme dit Pinel (1), si le pacha enivré d'opium ira jouir de sa femme ou ordonner

un assassinat.

La réaction de la sensibilité, ou de l'idée mise en mouvement par la sensibilité, se fait sur l'organe muşculaire, et sans doute par l'irritabilité, qui est toujours muette pour l'âme quoiqu'aveuglément soumise à la volonté. Les organes musculaires paroissent avoir leur mémoire comme les organes de la sensibilité, c'est-à-dire que les mouvemens musculaires s'associent régulièrement l'un à l'autre, et se reproduisent dans un ordre

différente de la force de l'imagination. Nous avons vu que l'intelligence arrêtoit le mouvement de la sensibilité qui est celui de l'imagination; toute idée fixée par l'attention perd le mouvement qu'elle avoit acquis de la sensibilité.

(1) Piuel dans son Traité de la manie.

Q

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