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J'aperçois quatre faits remarquables, propres à jeter quelque jour sur le mystère de la volonté. Le premier est, que la volonté suppose toujours un objet, c'est-à-dire, une idée dirigeante. Cette condition est aussi essentielle à la volonté qu'il est essentiel au mouvement d'avoir une direction.

Le second fait est: que je vois très-souvent un mouvement opposé à la sensibilité motrice, celui de la réflexion. Ce second mouvement peut, en troisième lieu, augmenter, diminuer ou changer le mouvement de la sensibilité, suivant que l'attention agit dans le sens du sentiment moteur, ou bien dans un sens opposé. J'observe, en quatrième lieu, que, tout ce que je puis attribuer à la volonté ne dépasse jamais le domaine des idées, c'està-dire que les opérations de l'âme s'achèvent, d'un côté dans le pays des idées, des idées, tandis que de l'autre les opérations de l'automate s'exécutent dans les organes, de manière que ces deux ordres de phénomènes se font chacun dans son domaine, mais toujours en harmonie l'un avec l'autre (1).

(1) Je veux marcher et je marche, signifie réaliser une idés, arriver au résultat qu'on s'étoit proposé idéalement ; c'est aller d'une idée à une autre idée; la réalisation même de l'idée de

§ 10. J'ai dit que la marche des appetits et des passions, même celle des idées associées, avoit sa route tracée dans les organes; cela suppose une certaine organisation, qui ne s'effectue et ne se réalise que par une suite de préférences et de volontés.

Chaque préférence, chaque acte de volonté laisse une trace particulière dans l'organe, et la liaison de toutes les traces d'idées (1),

meure étrangère à la volonté. Aucun conte de fée ne présente une plus grande merveille que celle de notre volonté, si nous avions assez de lumière pour nous en étonner.

(1) Chaque mouvement, qui se fait dans les organes, donné à cette organe une disposition à répéter ce même mouvement. Je suppose, par exemple, que l'art de marcher exige cent mouvemens musculaires, que l'enfant est obligé d'apprendre à cent reprises différentes. Chacun de ces cent mouvemens étant répété un grand nombre de fois, devient de plus en plus facile; le mouvement communiqué prendra donc naturellement la route de ces mouvemens faciles, comme l'eau d'un ruisseau prend la route tracée de son lit.

Mais chacune de ces cent reprises et de ces cent leçons a été volontaire pour l'enfant, donc la somme totale des cent reprises qui compose l'action finale de marches, est volontaire, c'est-à-dire, composé de la volonté du moment présent, précédée, et préparée dans son exécution, par les quatre-vingt-dix-neuf volontés antérieures. Les cent actes de volonté correspondans aux cent mouvemens musculaires, ont aussi établi dans l'âme une chaîne d'idées et de préférences, correspondante dans toute son étendue, à la chaîne des mouvemens musculaires ; car les idées se licnt entr'elles tout aussi bien que les mouvemens musculaires. Nous avons donc deux chaînes placées dans

de toutes les traces de sentimens et de toutes les préférences forme une chaîne dans l'automate, dont tous les chaînons sont composés de préférences et d'actes particuliers de volontés particulières. Ainsi je vois dans l'automate une organisation préparée d'avance, mais développée par la volonté, et j'aperçois dans l'âme une suite de préférence et d'exertions de volontés, sans laquelle l'organisation n'auroit pas appris à obeir à la volonté.

Il y a dans l'âme une force appelée réflexion, qui peut agir contre l'impulsion de la sensibilité ; cette force peut avoir non-seulement une direction opposée à celle de la sensibilité, mais elle peut de plus avoir une intensité plus ou moins grande que celle du sentiment: elle ne sauroit donc être confondue avec la sensibilité. Toujours guidée par quelque pensée, la volonté ne peut sortir de l'idée, tout ce qui est au-delà de sa détermination, tout ce qui est mouvement, action et exécution est du domaine de l'automate (1).

l'homme, l'une dans l'âme, l'autre dans l'automate, et c'est par la correspondance de leur action, que je marche lorsque je veux marcher.

(1) Il est certain que je puis agir contre le mouvement de la sensibilité. Il existe donc dans l'âme unë force opposée à

CHAPITRE VI.

Des autres agens de l'homme.

S1. Des mouvemens volontaires et involontaires. § 2. L'action de la volonté paroît se porter sur l'organe de l'idée. § 5. Il y a une mémoire d'idées et une mémoire de mouvemens. § 4. Les mouvemens se lient ensemble comme les idées. § 5. L'automate obéit à la la sensibilité et à la volonté. § 6. La sensibilité est différente de l'irritabilité. § 7. Ordre des mouvemens dans l'homme. § 8. La volonté ne peut exécuter. § 9. La volonté peut agir sur la sensibilité et sur l'irritabilité; modifier et renforcer la première, et faire jouer la seconde. § 10. Le mouvement ne peut jamais étre confondu avec la pensée.

§ 1.

ON

N distingue les mouvemens de l'automate en mouvemens volontaires et involontaires.

celle de la sensibilité, et qui peut devenir supérieure à celle de la sensibilité. C'est dans cette force que consiste la liberté, qui peut agir ou dans la direction de la sensibilité, ou contre la sensibilité, comme nous le verrons dans la suite; principe sublime qui nous enseigne que c'est dans la raison que consiste la véritable indépendance de l'être pensant et sensible.

Les mouvemens volontaires sont ceux qui se font en conséquence d'un acte de la volonté. Ils supposent la présence d'une idée, une comparaison et une préférence, et de plus la détermination de la volonté pour l'exécution de cette idée.

Les mouvemens involontaires ne sont que des mouvemens communiqués, qui s'achèvent machinalement et sans l'intermédiaire de l'âme par une suite de mouvement dans les organes. Ils supposent l'action immédiate de la sensibilité sur l'irritabilité.

§ 2. Le point de contact de la volonté avec l'automate se trouve, pour ainsi dire, placé dans l'idée, à qui il faut nécessairement supposer un organe matériel, lié intimement avec l'automate, et des rapports préétablis avec l'âme. Le phénomène de la sensation prouve ce double rapport: d'un côté la sensation naît dans l'amé; de l'autre l'organe de la sensation est mis en mouvement dans ce que nous appelons le sens approprié à la sensation; et de plus il se passe, dans la partie invisible de l'organe, quelque chose qui met la sensation en liaison avec d'autres sensations ou idées, de manière que ces sensations ou ces idées peuvent se rappeler l'une

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