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Paul BAY: CONTES ET POÈMES

(Une plaquette. Bruxelles, O. Hoerée.)

Un jeune homme de bonne volonté s'initie dans ce petit recueil à l'ivresse des vers et aux tourments de la prose. S'il est de moins louables délassements, il n'en est point de plus périlleux et pour peu que M. P. Bay fasse montre de persévérance, il ne tardera pas, après en avoir goûté les délices, à se garder de leurs dangers. Car, il ne suffit pas, comme il paraît le croire, d'accueillir, avec une indulgente fierté, les sollicitations d'une fantaisie primesautière. L'art a de plus hautaines exigences.

Déjà M. Bay s'en est rendu compte puisque malgré les faiblesses inséparables d'une œuvre de début, son livre requiert l'attention. Un styliste s'y révèle et plusieurs de ses contes dénotent un précieux souci d'art que l'on rencontre de moins en moins chez les jeunes littérateurs d'aujourd'hui.

Mais que d'épithètes! Que d'audacieuses images! J'admets à la rigueur des lieux merveilleusement beaux, j'accepte moins volontiers une sereine paix. Par contre, je réprouve absolument le désir qui tarit la salive d'une bouche. Péchés véniels que tout cela!

La prose de M. Bay a d'autres mérites: Je garde surtout le souvenir de quelques charmants paysages ensoleillés de juvénile sensibilité.

Que n'en puis-je dire autant de ses poèmes !

Ils sont navrants et en les dédiant «‹ à sa maman » M. Bay a quelque peu abusé d'une auguste indulgence. Comment en lisant des vers comme ceux-ci, sa douce maman lui accorderait-elle le baiser de tendresse enorgueillie auquel sa prose lui donnait droit?

Le peuple a soif de l'or, de l'or horrible,

De l'or, hibou, fauve dévorateur,
Le peuple veut de l'or, poison turpide,
Le peuple veut peser, dominateur.

Voilez-vous la face, nobles Muses!

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Fernand SEVERIN. POÈMES

André FONTAINAS.

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LA NEF DÉSEMPARÉE

(2 vol. Paris, Mercure de France.)

Qu'il me soit permis de signaler dès aujourd'hui ces deux

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beaux livres auxquels sera consacrée prochainement une étude détaillée.

Le recueil de poèmes de Fernand Séverin est un chef d'œuvre qui classe son auteur parmi les plus grands écrivains.

La Nef désemparée d'André Fontainas, sans posséder la même unité de conception, atteste un art hautain et volontaire qui se traduit par des poèmes somptueux bien qu'un peu hermétiques et l'intransigeante aristocratie de ces deux écrivains est d'un heureux exemple pour leurs jeunes confrères plus soucieux de tapageuse renommée que de gloire. GEORGES MARLOW.

Comte André MARTINET: LA SECONDE INTERVENTION FRANÇAISE ET LE SIÈGE D'ANVERS. (Un vol. in-80. Société Belge de Librairie,)

Pour faire suite à son étude de la première intervention française de 1831, M. André Martinet publie aujourd'hui le récit fidèle et minutieusement documenté des événements politiques et des longs protocoles diplomatiques qui ont marqué l'élaboration du traité des XXIV articles et l'obstination du roi de Hollande à ne pas s'y conformer.

C'est l'histoire non seulement de toute une époque, des conflits et des intrigues des cours européennes, mais c'est surtout pour nous l'exacte mise au point des circonstances troublées et compliquées desquelles sortit, fort enfin, bien libre et vaillant, notre jeune royaume.

L'auteur montre comment, dès le début des pourparlers, les hostilités apparurent leur inévitable conclusion. «< Durant plusieurs mois pleins de déceptions, d'alertes, la Belgique devra subir les fantaisies de la Conférence, endurer les caprices des Puissances, sans compter les accès de mauvaise humeur de la France. Et c'est miracle que le Roi, au milieu de tant d'injustes épreuves, ait su maintenir les colères de son peuple. »>

Car le peuple belge, en effet, tout frémissant encore de son jeune héroïsme victorieux, ne pénétrait pas les obscurs desseins, les scrupules hésitants, les lentes tergiversations des Ministres et des ambassadeurs. Il éprouvait uniquement l'affront du refus du roi Guillaume de retirer ses troupes des dernières garnisons du pays où elles étaient casernées, de payer les indemnités qu'il devait, de s'incliner, en un mot, devant le fait accompli. Et ce peuple ardent, enthousiaste de liberté pacifique, s'impatientait, se groupait de plus en plus étroitement autour de son roi.

Il n'y a rien d'étonnant à ce que des esprits pondérés et prévoyants se soient en ce moment préoccupés d'assurer avec toute certitude l'heureuse issue d'une guerre inévitable. L'intention était certes louable de ceux qui voulaient tenter seuls l'aventure; mais les partisans de l'intervention étrangère étaient plus sages, car, au delà de la satisfaction passagère d'amour-propre national, ils entrevoyaient l'exact péril : « Que l'expédition soit heureuse, dit M. Martinet, l'Europe arrêtera les Belges dès la première victime; qu'une défaite survienne, les plénipotentiaires se hâteront de reconstituer le Royaume des Pays-Bas. >> L'alternative était bien faite pour donner raison aux partisans de l'intervention.

Celle-ci, d'autre part, était nécessaire et logique si l'on considère les événements du point de vue français.

La France prévoyait que, des discussions sans cesse plus énervées des Puissances signataires du Traité et participantes à la Conférence, pouvait naître un conflit européen général. La politique intérieure des Ministres de Louis-Philippe exigeait en outre une prompte solution de diverses questions internationales et particulièrement celle des Pays-Bas. Mieux valait brusquer que d'être brusqués. Dans une guerre à laquelle la Prusse et l'Angleterre allaient prendre une part active, des vieux soldats de Napoléon qui rongeaient leur frein depuis quinze ans, trouveraient peut-être la revanche de Waterloo ?...

Le général Evain, qui avait été glorieux sous l'Empire, prit ses lettres de naturalisation et put ainsi accepter le commande. ment en chef de l'armée belge. Louis Philippe fit de sa fille la reine du nouveau royaume. La fièvre belliqueuse s'avive dans le pays entier. Des manifestations retentissantes parcourent les rues de Bruxelles. Les journaux publient des articles violents ou d'acerbes pamphlets, tandis que quarante-deux députés signent une adresse de protestation contre toute intervention étrangère.

C'est dans ces conditions que l'armée du maréchal Gérard franchit la frontière, au moment où Chassé terminait dans la citadelle d'Anvers les préparatifs d'une résistance désespérée.

M. André Martinet, après avoir exposé avec une conscience rigoureuse ces lents préliminaires agités, consacre la deuxième partie de son intéressant ouvrage à la relation des épisodes complets du siège et de la capitulation. Ce sont, après les relations documentées et les considérations historiques, des pages de vivante évocation guerrière.

Nous devons, à cette heure de notre histoire, où tant de questions essentielles pour notre vitalité et l'avenir de notre

pays s'agitent, lire attentivement le livre de M. André Martinet et en méditer sagement les enseignements. L'auteur a eu le rare mérite d'exposer sans passion et sans parti-pris des événements que le peu de recul ne nous permet guère généralement encore de considérer avec toute l'indépendance et surtout la netteté judicieuse qui conviennent. L'essentiel de leur moralité est pour nous de faire le partage de la nécessité ou simplement de l'utilité qu'il put y avoir dans le passé à accepter, voire à solliciciter, l'intervention étrangère. De quoi demain sera-t-il fait? Dans le conflit guerrier toujours possible, quel rôle notre pays aura-t-il à remplir? Sur qui comptera-t-il pour le mener à bien, selon ses intérêts et son honneur? En lui-même trouvera t-il la force suffisante ou devra-t-il connaître l'humiliation de tolérer, la honte de subir ou l'affront d'appeler le secours du voisin ? La leçon de l'histoire est la seule vraiment édifiante et irréfutable. Nous en trouvons une, éloquente entre toutes, dans un livre sincère et savant comme celui de M. André Martinet. Sachons profiter d'elle. PAUL ANDRÉ.

Georges DWELSHAUVERS.

MENTALE.

LA SYNTHÈSE

(Un vol. in-80. Paris, Alcan, 1908.)

Le livre de M. Dwelshauvers a pour objet la nature du fait de conscience. Il propose du problème fondamental de la psychologie une solution nouvelle, mais qui tient de près aux travaux d'un certain nombre de philosophes anciens et contemporains de tendances très diverses. L'œuvre de M. Dwelshauvers peut être considérée comme un effort de conciliation et de synthèse entre ces tendances.

Le point dont est parti M. Dwelshauvers, c'est la critique de la psychologie empiriste associationniste, telle qu'on la trouve chez les psychologues anglais du XVIIIe siècle, chez Condillac, et chez les savants du XIXe siècle qui ont marché sur leurs traces. Le chapitre Ier de La Synthèse Mentale reconnaît l'insuffisance des explications empiristes. Par cette critique et ses conclusions M. Dwelshauvers rattache son œuvre aux travaux contemporains de Bergson, de Höffding, et aussi de Pierre Janet.

D'autre part, il est visible qu'une nclination naturelle porte M. Dwelshauvers vers les philosophes qui mettent au premier plan le caractère dynamique de la réalité, pour qui la réalité apparaît avant tout comme une activité conçue sur le type de

l'activité vitale, ou mieux de l'activité spirituelle. Par ces tendances de sa pensée, M. Dwelshauvers peut être placé à côté de Maine de Biran, de Ravaisson et de Bergson.

Bergson a donné à ce courant d'idées une tendance nettement antirationaliste sur ce point essentiel, M. Dwelshauvers se sépare de lui. Il a subi la forte influence des grands philosophes rationalistes, de Platon, de Leibniz, de Kant, et celle de la pensée rationaliste contemporaine. Particulièrement il s'inspire de Lagneau, penseur puissant et concis, mais obscur, que M. Dwelshauvers a étudié avec une prédilection particulière.

Bergson rejette les lois de la raison comme n'étant pas les lois véritables de l'esprit, et il essaye de poser celles-ci. M. Dwelshauvers accepte les lois de l'esprit, pour une bonne part, telle que Bergson les propose, mais il essaye de ramener à ces lois les lois de la raison telles que le rationalisme les a posées. Nous allons tâcher de montrer comment M. Dwelshauvers opère cette conciliation de l'intuitionnisme et du rationalisme.

Qu'est-ce que le fait de conscience, l'état conscient tel qu'il apparaît dans une perception, dans une représentation d'objet ? Tel est, nous l'avons vu, le problème à traiter.

Ce problème, M. Dwelshauvers l'aborde par les mêmes voies que les psychologues empiristes classiques, par la correspondance entre les états organiques, particulièrement du cerveau, et les états psychologiques proprement dits.(chap. Ier.) Le fait psychologique de la perception ne saurait être expliqué par une image de l'objet reproduite dans le cerveau. Tout ce que la psychologie expérimentale a pu découvrir dans le cerveau comme correspondant à un état psychologique, ce sont des mouvements, et tout le mécanisme organique d'une perception se ramène à des combinaisons et à des reproductions de mouvements.

Ces combinaisons demeurent hétérogènes au fait psychologique. La nature de la conscience n'est pas saisie par l'analyse d'une somme de mouvements; l'activité de l'esprit est hétérogène à celle du cerveau, elle la dépasse. Qu'est-ce donc que cette activité, en quoi consiste-t-elle ?

Pas un instant M. Dwelshauvers ne songe à admettre que l'acte de conscience, qu'il appelle acte de l'esprit, soit la manifestation d'une substance spirituelle, d'une âme simple, telle que la conçoit Descartes. Jugeant cette hypothèse définitivement écartée, M. Dwelshauvers ne lui consacre pas une réfutation.

Si l'acte de l'esprit n'est ni le fait du cerveau en tant que tel, ni le fait d'une âme substantielle, que peut-il donc être ? Il est ce que M. Dwelshauvers appelle synthèse mentale.

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