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jours, quant à cela. Et mesmes Athenee en son dixieme livre dit que cela se faisoit tous les jours. PHIL. Vous souvient il d'une Rommaine qui avet un mari punais, et penset que tous hommes sentissent aussi mal que luy? Il faut bien dire que ceste là n'estet pas ainsi baisee par ses parens. CELT. Il me souvient de qui vous entendez. c'est de la femme de Duellius2 or je vous respon, qu'il n'y a regle si generale qui n'ait quelque exception. Joinct qu'aucuns racontent cela d'une autre que d'une Rommaine, asçavoir de la femme de Hieron 3 roy de Syracuse: ce qui est plus vray semblable, et aussi (si j'ay bonne mémoire) tesmoigné par plus d'auteurs. PHIL. Quant à moy je n'ay point leu cela que de ceste-ci. Mais je m'advise que sans y penser vous estes sorti des limites de votre propos. car vous avez commancé à parler de l'entrebaisement des hommes. CELT. Je sçay bien le chemin pour y retourner. Mais avant que de laisser celuy sur lequel nous sommes, dite moy s'il vous souvient

Athénée, X, II.

2 Duellius, ou mieux Duilius, selon les Fastes capitolins. Voy. Garatoni,, Exc., VII, ad Cic. or. pro C. Planc., c. 25, éd. Orelli. L'erreur provient du rapport établi par le copiste avec le mot duellum qui précédait. Ĉf. Cic., Orat., 45. « Jam senex et trementi corpore in quodam jurgio audivit exprobrari sibi os fœtidum tristisque se domum contulit: quumque apud uxorem questus esset quare nunquam se monuisset ut huic vitio mederetur fecissem, inquit illa, nisi putassem omnibus viris sic os olere.» Hieronym. adv. Jov., I. Op. ed. Francf., t. II, P. 36 B.

3 Hieron. Voy. Plut., De cap. ex host. util., c. XI; Apophthegmata regum, c. XXI.

de ce que fit Caton1 à un senateur qui avoit baisé sa femme, en presence de sa fille. PHIL. Nenni. comment donc? luy en fit il quelque punition? CELT. Ouy, et bien grande, car il le deposa de son office. PHIL. Mon Dieu, que seret-ce si nous avions beaucoup de tels Catons, et s'ils voyoyent les entrebaisements qui se font aussi bien en public et en pleine rue qu'ailleurs, je ne diray pas des maris et femmes, ou des parens et parentes mais entre personnes qui ne peuvent alleguer aucun parentage, ou alliance, ni mesmes (bien souvent) aucune cognoissance : comme aussi vousmesmes tantost avez bien sceu dire. car tant s'en faut que ceste coustume de baiser les uns apres les autres une grande troupe de dames ou damoiselles (cogneues ou incogneues) commance à s'abolir, qu'au contraire elle est en vogue plus jamais. CELT. Vrayement ces damoiselles ne peuvent pas dire à leurs maris qu'elles ne sçavent que sentent les autres hommes, comme disoit ceste femme du roy Hieron, ou bien de Duellius Rommain. Mais dite moy, si une damoiselle se void en danger d'estre baisee par un gentilhomme qui a la grosse vérole, ne peut-elle pas trouver quelque moyen d'eschapper? Car pour vous dire la vérité, le long temps qu'il y a que je suis parti de France, m'a faict oublier cela, entre autres choses. PHIL. Il n'y a point de remede. car il

1 Caton. Voy. Plut., Marcus Cato, XXXV.

faut obéir à la coustume. Une fois seulement je vi une damoiselle qui trouva une invention pour eschapper mais ce fut en priant le premier qui vint pour la baiser, de l'avoir pour excusee, pource qu'elle avet encore de la fievre. De laquelle excuse elle n'uset pas pour l'egard de cestuy là, ni de plusieurs autres qui estoyent venus de compagnie, mais d'un seulement qui estoit souspeçonné d'avoir esté au pays de Suerie: lequel toutesfois il eust falu baiser aussi bien que les autres.

CELT. Ainsi, tout bien comté et rabatu, ceste coustume se trouvera n'estre ni belle ni honneste: et ne m'esbahi pas si plusieurs autres nations s'en moquent. PHIL. Encore ne sçavez vous pas tout. car il-y-a aussi une espece de danse1 en laquelle

Une espèce de danse. « Il y avait la danse au chapelet, où celui qui menoit la danse portoit un chapelet ou guirlande. Chacun menoit la danse à son tour et embrassoit la dame qu'il tenoit par la main : «En saisine et possession qu'il ne doit point dancer aux nopces n'y autre part, avec sa dicte dame, ne la prendre au chapelet. » Arr. Am., p. 69, Lacurne. En note: « De là l'expression suivante dans Yver: puis estant lassés de chanter en chapelet. Remarquons encore l'expression suivante du xve siècle (J. J., 164, p. 54, an. 1409) lesquels compaignons avoient disnez et fait bonne chiere ensemble par maniere de chapelet l'un aprez l'autre, ainsi que autrefoiz les bonnes gens du pais l'ont accoustumé de faire. » Jean Taboureau, dans son Orchesographie publiée à Langres en 1588, sous le pseudonyme de Toinot Arbeau, dit : « Les danses sont practiquees pour cognoistre si les amoureux sont sains et dispos : à la fin desquelles il leur est permis d'embrasser leurs maîtresses, affin que respectivement ils puissent sentir et odorer l'un et l'autre s'ils ont l'haleine souefve, de façon que de cet endroit, oultre plusieurs commoditez qui reussissent de la

on s'accommode d'une façon de baiser, laquelle me fait souvenir de ce qui se dit par proverbe, Cursu lampada tibi trado1. Mais qu'avez vous à rire? CELT. Je me ri de vostre Accommoder. car vous avez dict, On s'accommode d'une façon de

dance, elle se treuve necessaire pour bien ordonner une société. »>« Les anciennes gavottes étoient un recueil et amas de plusieurs branles doubles... en ces danses on baisoit et on donnoit le bouquet. » Furetière, Dict., vo Gavotte. Cf. Sermones Alberti Magni, Tolosa, 1883, p. 11.

1 Cursu lampada tibi trado. Voy. Varron, De re rust., III, 16, 9. Le scholiaste d'Aristophane, Gren., v. 131, dit qu'il y avait à Athènes trois courses aux flambeaux, l'une en l'honneur de Prométhée, l'autre en l'honneur de Vulcain, l'autre en l'honneur de Minerve, et que ces courses avaient lieu dans le Céramique. Pausanias, I, 30, 2, décrit avec précision l'une d'elles, celle en l'honneur de Prométhée. Elle consistait à courir depuis l'autel de Prométhée, qui était dans l'Académie, jusqu'à la ville en tenant des flambeaux allumés, et il s'agissait de conserver son flambeau allumé en courant. Si le premier coureur le laissait éteindre, il perdait ses prétentions à la victoire et elles passaient au second. Si le second ne conservait pas son flambeau allumé, c'est le troisième qui était vainqueur, et si tous les flambeaux s'éteignaient, le prix n'était à personne. Platon ajoute une circonstance particulière (De rep., I): il fallait que les concurrents se transmissent l'un à l'autre les flambeaux qu'ils portaient à la main. Dans la Rep. il est question de courses à cheval; dans les Lois, liv. VI, il n'est question que de courses aux flambeaux en général. Pour les courses à pied, voy. Bartoli, Sepolcri, I, 59; pour les courses à cheval: Choiseul, Voy. pitt., II, 4; R. Rochette, Lettre à M. le duc de Luynes, III, 28. Pour la course au flambeau allumé, voy. Muller, Arch., 423, 3; Tischbein, II, 25; Gerhard, Ant. Bildw, 63, 1. Pour les courses où l'on se passait le flambeau, voy. Lanzi, De' vasi ant. dep., 138; Panofka, Cabinet Pourtalės, 5. L'image fournie par la lampadédromis a été employée par Aristote, Phys., V, 4, 10; Themistius, Or. Petau, V, P. 145. Elle a servi à marquer le lien de la vie et de la mort dans Lucrèce, II, 78; Perse, VI, 61; Philon, I, p. 478, 23; Clem. Alex., Strom., II, p. 181 Sylburg.

baiser. PHIL. Ne vous ay je pas dict parcidevant que ce mot Accommoder servet maintenant à tout? Quant vous aurez sejourné quelque temps en la cour, vous ne trouverez pas ceste façon de parler estrange, ni aussi plusieurs autres que maintenant vous trouvez telles. CELT. Poursuyvez donc, s'il vous plaist, afin que je sache en quelle façon on s'accommode du baiser. PHIL. C'est qu'un nombre de gentils-hommes et de dames, dansans à une danse qui s'appelle Le branle du bouquet1, un de ces gentils-hommes et une de ces dames, estans les premiers en la danse, laissent les autres, (qui ce pendant continuent la danse) et se mettans dedans ladicte

Le branle du bouquet. Marg. de Navarre parle de branles de Gascogne, Nouv. XXVIII; Carloix, des branles du Haut-Barrois, VI, 37; Yver, des branles de Poitou, p. 573. Brantôme montre le comte de Brissac dansant des branles, des gaillardes, des canaries, VI, 141. Il oppose aux danses graves « les branles, voltes et courantes ». « Je luy ay veu (à Marguerite de Navarre) aussi aymer, dit-il, quelquefois le bransle de la torche ou du flambeau... Une fois estant à Lion, au retour du roy de Poullougne, aux nopces de Besne, l'une de ses filles, elle dansa ce bransle devant force estrangiers de Savoie, de Piedmont, d'Italie et autres, qui dirent n'avoir rieu veu de si beau que ceste reyne, si belle et grave, danser si belle et grave danse comme certes elle est : dont il y en heust quelqu'un qui alla raconter là dessus, disant que ceste reyne n'avoit point de besoing, comme les autres dames, du flambeau qu'elle tenoit en la main; car celluy qui sortoit de ses beaux yeux, qui ne mouroit point comme l'autre, pouvoit suffire, ayant autre vertu que de mener danser les hommes, puisqu'il pouvoit embrazer tous ceux de la salle, sans se pouvoir jamais estaindre comme l'autre qu'elle avoit en la main, et qu'il estoit pour esclairer de nuict parmy les ténèbres et de jour parmi le souleil mesme.» VIII, 74.

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