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je die) quand il m'a taxé comme ne parlant pas langage Chrestien. car vous sçavez que les Italiens, et principalement Vénitiens, disent Parlaté Christian, quand ils veulent dire, Parlez un autre langage, lequel je puisse entendre : comme si un langage qu'ils n'entendent pas, ne devet pas estre appelé Chrestien. PHILAL. Il y a bien d'autres nouvelles. PHILAUS. Quelles? PHILAL. C'est que ceste façon de dire estoit aussi en usage à nos predecesseurs: comme on voit par la farce de Pathelin. CELT. Si ainsi est, je proteste alencontre de vous de l'injure que vous m'avez faicte en ce que vous m'avez objecté. PHILAL. Il ne faut pas dire, Si ainsi est, mais puisqu'ainsi est. car il me souvient du passage du livre que je vien de nommer. Escoutez,

Saincte dame, comme il barbote2.
Par le corps bieu, il barbelote

1 Parlaté Christian. « Cosa da Cristiani vale cosa adattata. » « Cristianamente parlando. » Crusca. « Parlami cristiano, cioe Nella mia lingua se vuoi che t'intenda. » Boerio, Diz. del dial. Veneziano. « Luy dire qu'il parle Chrestien, c'estoit le convier ou à parler le langage de tous les fidèles qui reconnoissent J. Christ et confessent avec S. Pierre qu'il est le Christ fils de Dieu vivant ou à parler en langue Françoise qui est une des plus nobles langues du monde après l'hébraïque, la grecque et la latine. » Fleury de Bellingen, p. 71. « Îl faut parler chrétien si vous voulez que je vous entende. » Mol., Préc. rid., 7. Richelet cite la phrase de Molière et dit : << Chrétien, sorte d'adv. qui signifie intelligiblement. »> « On dit parler chrétien pour dire un langage qu'on entende. » Furetière, Dict., 1688.

2 Pathelin, vers 834.

Ses mots, tant qu'on n'y entend rien,

Il ne parle pas Chrestien,

Ni nul langage qui appere.

Où appere signifie Apparoisse. CELT. Je proteste donc, sans mettre un Si, PHILAUS. Ne faites pas tant de l'eschauffé. Car si vous voulez confesser la verité, vous direz que vous pensiez aussi bien que moy, ceste façon de parler estre du creu d'Italie. Et au reste, quelle excuse trouverez vous du mot Recatholizer, ou Recatholiquer, vous qui reprenez tant les autres de la nouveauté de langage. CELT. Vous sçavez que je leur permets bien de la nouveauté encore plus grande, quand ils parlent en riant. Or quant à ce mot, je l'ay ouy trotter par les bouches de quelques uns depuis que je suis de retour. car avant mon partement il n'estoit pas né, non plus que ce mot Huguenot, qui est si fréquent. A propos duquel il me souvient avoir ouy dire non seulement Recatholizé et Recatholiqué, mais aussi Descatholizé, et Descatholiqué. PHILAUS. Je vous veux bien confesser que vous avez ouy plus que moy, quant à ces deux derniers. CELT. J'en ay ouy aussi (car estant nouvellement retourné, je suis curieux de noter tout) qui appliquoyent ces mots catholique 1

I

1 Catholique. « Ce verre n'est pas catholique, le reste est : il ne tient pas la foy, par allusion de foy à fois, i. il est trop petit, il ne tient pas assez pour boire une fois, vulg. » Oudin, Cur. Catholiquement. « La Sorbonne sçait plus de latin et boit plus catholiquement que le consistoire de Rome. » Note : l'auteur avoit déjà parlé du zelé Decret de la Sorbonne après boire: ici il a en vue le ch. 22 de l'Ap.

et catholiquement à tout, jusques à dire, C'est du vin catholique, C'est une viande catholique, C'est un potage catholiquement faict. PHILAL. Il me souvient aussi d'avoir ouy quelques uns parlans ainsi. PHILAUS. Je ne penses pas que vous l'ayez ouy à la cour, car quant à moy, je pourres jurer n'avoir souvenance de l'avoir ouy dire à aucuns de ceux parmi lesquels j'ay accoustumé de me trouver et toutesfois vous sçavez que je me trouve en beaucoup de compagnies, et de diverses sortes. Quant à quelques galefretiers, suyvans la cour, je sçay bien que vous n'allez pas ouir leurs propos, non plus que moy. Ceci ay-je bien voulu dire, à cause de monsieur Celtophile lequel pourret penser que tout ce qu'il oit en passant parmi les rues, se dit aussi à la cour. A propos de quoy il me souvient qu'une fois à Paris, en passant par le carrefour de SaintHilaire, j'ouy un savetier qui promettet à un

pour Herodote où H. Estienne, pour prouver que les Ecclésiastiques et principalement les Sorbonnistes sont en possession de boire beaucoup et du meilleur vin de là, dit-il, sont venus les deux proverbes, vin theologal et boire theologalement; il y a dans l'Antichoppinus une lettre adressée au ligueur Choppin où après lui avoir appris que son nom venoit de choppinare, l'auteur de cet écrit burlesque montre que choppinare est unus gradus ad Magistronostrandum in Sorbona, et tout d'une suite il nous apprend que dans les repas de cérémonie de ces Messsieurs, quando Bidellus dicit, postquam bipserunt de Hippocrate, Domini mei estis saturi? le Bedeau est obligé d'en croire Messieurs nos maîtres, lorsqu'ils répondent usque ad guttur. » Sat. Menippée, II,

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1 Carrefour de S. Hilaire. La rue S. Hilaire commence rue des Sept-Voies, 2, et finit rue Jean-de-Beauvais, 33.

qui luy avet porté des souliers pour racoustrer, qu'il les racoustreret rhetoriquement. Or peut estre que quelcun se trouveret maintenant si fol qu'il promettret aussi de raccoustrer quelque chouse catholiquement: au lieu de dire, Fort bien et proprement. Mais tant s'en faut que telles façons de parler aillent jusques à la cour, qu'aucunes d'icelles ne passent pas l'université de Paris non plus que Faire un argument in barocho Item Il est meschant per omnes casus : item, Il en fait son Achilles1: item, C'est un petit

Ouverte en 1115, elle fut appelée S. Hilaire parce qu'elle conduisait à l'église S. Hilaire. On l'appela ensuite Fromentel et plus tard du Puits-Certain, à cause d'un puits public établi aux frais de Robert Certain, curé de S. Hilaire. Elle reprit ensuite son premier nom. L'église S. Hilaire existait déjà au XIIe siècle. Elle fut supprimée en 1790.

Il en fait son Achilles. Cf. Apol., II, 168: « On dit il fait son Achilles d'un tel, c. son bouclier, son fort, son asseurance, son appuy, son garand. Lesquelles manieres de parler procedent ou de l'extreme prouesse qui estoit audit Achilles chevalier de Grèce, comme pour cette cause se lit aux Annales de Rome, Luc. Sicinius Dentatus avoir esté appelé Achilles Romanus. A. Gell., liv. II, chap. 11. Ou parce qu'au siege et conqueste de Troye, les Grecs assiegeants fissent principalement estat de luy. Ou parce qu'il fut le vengeur de la mort de son grand amy, Patrocle, par celle de Hector Troyen qui l'avoit tué. Ou bien parce qu'Achille estant aussy instruit en l'art de medecine par le dit Chiron, mit en usage tant l'herbe dite Achilleos, de son nom, qui remedie aux navrures, que le verd de gris avec lequel il guerit Telephus ; au moyen de quoy on le peignoit jadis avec un couteau ratissant une pointe ou fer de lance d'airain et faisant tomber la rouilleure ou verd de gris en la playe du dit Telephus, Plin., 1. 25, ch. 5. A cause desquels remedes, qui apportoient allegement et guerison aux navrés, aucuns ont voulu comme anagrammatiser son nom par ayos qui signifie douleur et λów qui signifie delivre.

volucres. Il y a aussi plusieurs mots que l'autre partie de la ville n'entend pas, si l'exposition ne luy est apportee de là. Car comment peuvent sçavoir les marchands de la rue S. Denys que c'est à dire Un juppin', Un frippon2, Un poste 3, et Postiquer? ou que c'est à dire Un galoche4, ou Un galochier? ou Un capettes ? A grand' peine sçavent aucuns de ces marchans que c'est à dire Un bachelier, Un licencié et diront l'un à l'autre par admiration, Mais aga, qu'est-ce à dire cela?

Aussi celuy dont le François dit qu'il fait son Achilles, delivre de peine et d'opresse, garde et conserve celuy qui s'est mis en sa protection et sauvegarde. » Nicot.

I

Juppin, polisson, de jupper, crier. Voy. Sat. Menippée, Harangue de Rose. Cf. Rabelais, 1. 3, ch. 12.

2 Frippon signifie essentiellement gourmand, de friper au sens de manger.

3 Poste, vagabond, voy. Rabelais, Prognostic. ch. V. 4 Galoche. Ecolier portant galoche. « Il est comme galoche dedans et dehors. » Leroux de Lincy, Prov., II, 34. Ces élèves étaient dehors comme externes et dedans comme suivant les cours. Monet l'explique par «< incivil, maussade, à guise de porteur de galoches et sabots, à guise de villageois. >>

s Capette. « On s'est servi de ce mot pour désigner les boursiers du collège de Montaigu. C'est vraisemblablement ce qu'entend La Roque, Orig. des Noms, p. 260, lorsqu'il explique capettes en ce sens. On lit : « Capetes du collège de Montaigu, du Mont de France, dans Favin, Th. d'honn., t. I, p. 373. Pasquier, dans ses Rech., dit : « combien que les pauvres de Montagu, que l'on appelle autrement Capetes, ne soient liés à aucun vou de religion particulière, toutesfois pour autant que, pendant leur premiere étude, ils se diversifient d'habillemens avec nous, ils faut qu'ils laissent leur cucule, lorsqu'ils veulent participer au degré de maîtrise et fassent, par ce moyen, paroistre qu'ils sont totalement séculiers. L. III, p. 293. Voy. Dict. d'Oudin. »

Lacurne.

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