Craignez vos paffions; et fachez quelque jour CHAQUE mot qu'il disait était un trait de flamme, pas encore. De ce jour qui pour lui ne brillait Au milieu des vertus l'erreur fut fon partage. TANDIS que le vieillard, inftruit par le Seigneur, Bientôt jusqu'au rivage il conduisit Bourbon : EN voyant l'Angleterre, en fecret il admire Le changement heureux de ce puiffant empire, Où l'éternel abus de tant de fages lois Fit long-temps le malheur et du peuple et des rois. Sur ce fanglant théâtre où cent héros périrent, Sur ce trône gliffant dont cent rois defcendirent, Une femme, à fes pieds enchaînant les destins, De l'éclat de fon règne étonnait les humains. C'était Elifabeth; elle dont la prudence De l'Europe à fon choix fit pencher la balance, Et fit aimer fon joug à l'Anglais indompté, Qui ne peut ni fervir, ni vivre en liberté. Ses peuples fous fon règne ont oublié leurs pertes ; De leurs troupeaux féconds leurs plaines font couvertes, Les guérets de leurs blés, les mers de leurs vaiffeaux. Ils font craints fur la terre, ils font rois fur les eaux. Leur Flotte impérieuse, afserviffant Neptune, Des bouts de l'univers appelle la fortune. Londre, jadis barbare, eft le centre des arts, Le magafin du monde, et le temple de Mars. Aux (11) murs de Westminster on voit paraître enfemble Trois pouvoirs étonnés du nœud qui les raffemble, Les députés du peuple, et les grands, et le roi, Divifés d'intérêt, réunis par la loi ; Tous trois membres facrés de ce corps invincible, Dangereux à lui-même, à fes voifins terrible. Heureux lorfque le peuple, inftruit dans fon devoir, Du vainqueur (12) des Anglais il aperçoit la tour. Suivi de Mornai feul, il va trouver la reine, " QUOI! vous fervez Valois ! dit la reine surprise: Et je vous vois armer, en faveur de Valois, Et venger avec moi la querelle des rois. " ELISABETH alors avec impatience Demande le récit des troubles de la France, Veut favoir quels refforts et quel enchaînement Ont produit dans Paris un fi grand changement. ,, Déjà, dit-elle au roi, la prompte renommée De ces revers fanglans m'a fouvent informée; Mais fa bouche, indifcrète en fa légéreté, Prodigue le menfonge avec la vérité : J'ai rejeté toujours fes récits peu fideles. Vous donc, témoin fameux de ces longues querelles, pouvez parler dignement de vous-même, Peignez-moi vos malheurs et vos heureux exploits; Songez que votre vie eft la leçon des rois. "" "HELAS! reprit Bourbon, faut-il que ma mémoire Rapelle de ces temps la malheureuse histoire! Plût au ciel irrité, témoin de mes douleurs, Qu'un éternel oubli nous cachât tant d'horreurs! Pourquoi demandez-vous que ma bouche raconte Des princes de mon fang les fureurs et la honte? Mon cœur frémit encore à ce feul fouvenir : Mais vous me l'ordonnez, je vais vous obéir. Un autre, en vous parlant, pourrait avec adresse Déguifer leurs forfaits, excufer leur faibleffe ; Mais ce vain artifice eft peu fait pour mon cœur, Et je parle en foldat plus qu'en ambassadeur. (13),, Fin du premier Chant. |