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L A

HENRIA DE.

CHANT PREMIER.

ARGUMENT.

HENRI III réuni avec Henri de Bourbon, roi de Navarre, contre la Ligue, ayant déjà commencé le blocus de Paris, envoie fecrétement Henri de Bourbon demander du fecours à Elifabeth, reine d'Angleterre. Le héros effuie une tempête. Il relâche dans une île, où un vieillard catholique lui prédit fon changement de religion et fon avénement au trône. Defcription de l'Angleterre et de fon gouvernement.

JE chante ce héros qui régna fur la France, (a)

Et par droit de conquête, et par droit de naissance;
Qui par de longs malheurs apprit à gouverner,
Calma les factions, fut vaincre et pardonner,
Confondit et Mayenne, et la Ligue, et l'Ibère,
Et fut de fes fujets le vainqueur et le père.

DESCENDS du haut des cieux, augufie Vérité,
Répands fur mes écrits ta force et ta clarté :
Que l'oreille des rois s'accoutume à t'entendre.
C eft à toi d'annoncer ce qu'ils doivent apprendre;

C'eft à toi de montrer aux yeux des nations
Les coupables effets de leurs divifions.
Dis comment la difcorde a troublé nos provinces ;
Dis les malheurs du peuple, et les fautes des princes;
Viens, parle ; et s'il est vrai que la Fable autrefois
Sut à tes fiers accens mêler fa douce voix,
Si fa main délicate orna ta tête altière,

Si fon ombre embellit les traits de ta lumière ;
Avec moi fur tes pas permets-lui de marcher,-
Pour orner tes attraits, et non pour les cacher.
(1) VALOIS régnait encore, et fes mains incertaines

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De l'Etat ébranlé laiffaient flotter les rènes :
Les lois étaient fans force, et les droits confondus,
Ou plutôt en effet Valois ne régnait plus.
Ce n'était plus ce prince environné de gloire,
(2) Aux combats dès l'enfance inftruit par la victoire,
Dont l'Europe en tremblant regardait les progrès,
Et qui de fa patrie emporta les regrets,
Quand du Nord étonné de ses vertus suprêmes
Les peuples à fes pieds mettaient les diadêmes. (3)
Tel brille au fecond rang, qui s'éclipse au premier.
Il devint lâche roi, d'intrépide guerrier;

Endormi fur le trône au fein de la molleffe,
Le poids de fa couronne accablait sa faiblesse.
(4) Quélus et Saint-Maigrin, Joyeuse et d'Efpernon,
Jeunes voluptueux qui régnaient fous fon nom,
D'un maître efféminé corrupteurs politiques,
Plongeaient dans les plaifirs fes langueurs léthargiques.

DES Guifes cependant le rapide bonheur
Sur fon abaiffement élevait leur grandeur;
Ils formaient dans Paris cette Ligue fatale,
De fa faible puiffance orgueilleuse rivale.
Les peuples déchaînés, vils efclaves des grands,
Perfécutaient leur prince, et fervaient des tyrans.
Ses amis corrompus bientôt l'abandonnèrent ;
Du louvre épouvanté fes peuples le chaffèrent;
Dans Paris révolté l'étranger accourut;
Tout périffait enfin, lorfque Bourbon (5) parut.
Le vertueux Bourbon, plein d'une ardeur guerrière,
A fon prince aveuglé vint rendre la lumière :
Il ranima fa force, il conduifit fes pas

De la honte à la gloire, et des jeux aux combats.
Aux remparts de Paris les deux rois s'avancèrent;
Rome s'en alarma, les Efpagnols tremblèrent.
L'Europe intéreffée à ces fameux revers
Sur ces murs malheureux avait les yeux ouverts.
ON voyait dans Paris la Discorde inhumaine,
Excitant aux combats et la Ligue et Mayenne,
Et le peuple et l'Eglife ; et du haut de ces tours, (b)
Des foldats de l'Espagne appelant les fecours.
Ce monftre impétueux, fanguinaire, inflexible,
De fes propres fujets eft l'ennemi terrible :

Aux malheurs des mortels il borne fes deffeins:
Le fang de fon parti rougit souvent ses mains :
Il habite en tyran dans les cœurs qu'il déchire,
Et lui-même il punit les forfaits qu'il inspire.

Du côté du Couchant, près de ces bords fleuris, Où la Seine serpente en fuyant de Paris, Lieux aujourd'hui charmans, retraite aimable et pure, Où triomphent les arts, où se plaît la nature, Théâtre alors fanglant des plus mortels combats, Le malheureux Valois raffemblait fes foldats. On y voit ces héros, fiers foutiens de la France, Divifés par leur fecte, unis par la vengeance. C'eft aux mains de Bourbon que leur fort eft commis: En gagnant tous les cœurs, il les a tous unis. On eût dit que l'armée, à fon pouvoir foumise, Ne connaiffait qu'un chef, et n'avait qu'une église. (6) LE père des Bourbons, du fein des immortels, Louis, fixait fur lui fes regards paternels; Il présageait en lui la fplendeur de fa race; Il plaignait fes erreurs, il aimait fon audace; De fa couronne un jour il devait l'honorer; Il voulait plus encore, il voulait l'éclairer. Mais Henri s'avançait vers fa grandeur suprême, Par des chemins fecrets, inconnus à lui-même : Louis du haut des cieux lui prêtait fon appui: Mais il cachait lé bras qu'il étendait pour lui, De peur que ce héros, trop sûr de fa victoire, Avec moins de danger n'eût acquis moins de gloire.

DÉJÀ les deux partis aux pieds de ces remparts Avaient plus d'une fois balancé les hasards ; Dans nos champs défolés le démon du carnage Déjà jufqu'aux deux mers avait porté fa rage,

Quand Valois à Bourbon tint ce trifte difcours,
Dont fouvent fes foupirs interrompaient le cours :
"Vous voyez à quel point le deftin m'humilie ;
Mon injure eft la vôtre; et la Ligue ennemie,
Levant contre fon prince un front féditieux,
Nous confond dans fa rage, et nous pourfuit tous deux.
Paris nous méconnaît, Paris ne veut pour maître
Ni moi qui fuis fon roi, ni vous qui devez l'être ;
(c) Ils favent que les lois, le mérite et le fang,
Tout, après mon trépas, vous appelle à ce rang ;
Et redoutant déjà votre grandeur future,
Du trône où je chancelle ils pensent vous exclure.
De la religion, (7) terrible en fon courroux,
Le fatal anathème eft lancé contre vous.

Rome, qui fans foldats porte en tous lieux la guerre,
Aux mains des Espagnols a remis fon tonnerre:
Sujets, amis, parens, tout a trahi fa foi,

Tout me fuit, m'abandonne, ou s'arme contre moi;
Et l'Espagnol avide, enrichi de mes pertes,
Vient en foule inonder mes campagnes défertes.
,, CONTRE tant d'ennemis ardens à m'outrager,
Dans la France à mon tour appelons l'étranger:
Des Anglais, en fecret, gagnez l'illuftre reine.
Je fais qu'entre eux et nous une immortelle haine
Nous permet rarement de marcher réunis,
Que Londre eft de tout temps l'émule de Paris ;
Mais après les affronts dont ma gloire est flétrie,
Je n'ai plus de fujets, je n'ai plus de patrie.

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