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pouvaient donc alors abufer d'autant plus facilement de la crédulité des peuples, puifque ces peuples étaient groffiers, aveugles et ignorans.

Les fiècles polis qui ont vu fleurir les fciences n'ont point d'exemples à nous préfenter de guerres de religion, ni de guerres féditieufes. Dans les beaux temps de l'empire romain, je veux dire vers la fin du règne d'Augufte, tout l'empire, qui compofait prefque les deux tiers du monde, était tranquille et fans agitation; les hommes abandonnaient les intérêts de la religion à ceux dont l'emploi était d'y vaquer, et ils préféraient le repos, les plaifirs et l'étude, à l'ambitieufe rage de s'égorger les uns les autres, foit pour des mots, foit pour l'inté rêt, ou pour une funefte gloire.

Le fiècle de Louis le grand, qui peut-être égale fans flatterie celui d'Augufte, nous fournit de même un exemple d'un règne heureux et tranquille pour l'intérieur du royaume, mais qui malheureufement fut troublé vers la fin par l'afcendant que le père le Tellier prenait fur l'efprit de Louis XIV qui commençait à baiffer; mais c'eft la faute proprement d'un particulier, et l'on n'en faurait charger ce fiècle, d'ailleurs fi fécond en grands-hommes, que par une injustice manifefte.

Les fciences ont ainfi toujours contribué à humaniser les hommes, en les rendant plus doux, plus juftes, et moins portés aux violences; elles ont pour le moins autant de part que les lois au bien de la fociété et au bonheur des peuples. Cette façon de penfer aimable et douce, fe communique infenfiblement de ceux qui cultivent les arts et les sciences au public et au vulgaire; elle paffe de la cour à la ville, et de la ville à la province. On voit alors avec évidence que la nature ne nous forma point affurément pour que nous nous exterminions dans ce monde, mais pour que nous nous affiftions dans nos communs befoins; que le malheur, les infirmités et la mort nous pourfuivent fans ceffe, et que c'est une démence extrême de multiplier les causes de nos misères, et de notre destruction. On reconnaît, indépendamment de la différence des conditions, l'égalité que la nature a mise entre nous, la néceffité qu'il y a de vivre unis et en paix, de quelque nation et de quelque opinion que nous foyons; que l'amitié et la compaffion font des devoirs univerfels: en un mot, la réflexion corrige en nous tous les défauts du tempérament.

Tel eft le véritable usage des sciences, et voilà par conféquent la règle de l'obligation

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que nous devons avoir à ceux qui les cultivent, et qui tâchent d'en fixer l'usage parmi nous. M. de Voltaire, qui embrasse toutes ces fciences, m'a toujours paru mériter une part à la gratitude du public, et d'autant plus qu'il ne vit et ne travaille que pour le bien de l'humanité. Cette réflexion, jointe à l'envie que j'ai eue toute ma vie de rendre hommage à la vérité, m'a déterminé à procurer au public cette édition, que j'ai rendue auffi digne qu'il me l'a été poffible de M. de Voltaire et de fes lecteurs.

En un mot, il m'a paru que donner des marques d'eftime à cet admirable auteur, était en quelque façon honorer notre siècle, et que du moins la postérité se redirait d'âge en âge que fi notre fiècle a porté des grandshommes, il en a reconnu toute l'excellence, et que l'envie ni les cabales n'ont pu opprimer ceux que leur mérite et leurs talens diftinguaient du vulgaire et même des grands-hommes.

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POUR LA HENRIADE,

PAR M. MARMONTEL.

ON ne fe laffe point de réimprimer les ouvrages que le public ne fe laffe point de relire; et le public relit toujours avec un nouveau plaifir ceux qui, comme la Henriade, ayant d'abord mérité fon eftime, ne ceffent de fe perfectionner fous les mains de leurs auteurs.

Ce poëme, fi différent dans fa naissance de ce qu'il eft aujourd'hui, parut pour la première fois en 1723, imprimé à Londres fous le titre de la Ligue. M. de Voltaire ne put donner fes foins à cette édition; auffi eft elle remplie de fautes, de transpositions, et de lacunes confidérables.

L'abbé Desfontaines en donna, peu de temps après, une édition à Evreux, auffi imparfaite que la première, avec cette différence qu'il gliffa dans les vides quelques vers de fa façon, tels que ceux-ci, où il est aifé de reconnaître un tel écrivain:

Et malgré les Perraults, et malgré les Houdarts,
L'on verra le bon goût naître de toutes parts.

Chant VI de fon édition.

En 1726, on en fit une édition à Londres, fous le titre de la Henriade, in-4°, avec des figures; elle eft dédiée à la reine d'Angleterre et, pour ne rien laiffer à défirer dans cette édition, j'ai cru devoir inférer dans ma préface cette épître dédicatoire. On fait que, dans ce genre d'écrire, M. de Voltaire a pris une route qui lui est propre. Les gens de goût, qui s'épargnent ordinairement la lecture des fades éloges que même nos plus grands auteurs n'ont pu se dispenser de prodiguer à leurs Mécènes, lifent avidement et avec fruit les épîtres. dédicatoires d'Alzire, de Zaïre, &c. Celle-ci eft dans le même goût; on y reconnaît un philofophe judicieux et poli, qui fait louer les rois, même fans les flatter. Il n'écrivit cette épître qu'en anglais.

TO THE QUEEN.

MADAM,

IT is the fate of HENRY the fourth to be protected by an english quen. He was affifted by that great Elifabeth, who was in her age the glory of her fex. By whom can his memory

B &

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