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SCENE IX.

HARPAGON, MARIANE, CLEANTE, ELISE, FROSINE, LA MERLUCHE.

LA MERLUCHE. (Il vient en courant, et fait tomber

Monsieur...

Ah! je suis mort!

Harpagon.)

HARPAGON.

CLEANTE.

Qu'est-ce, mon pere? Vous estes-vous fait mal? HARPAGON.

Le traistre assurément a receu de l'argent de mes debiteurs pour me faire rompre le cou.

Cela ne sera rien.

VALERE.

LA MERLUCHE.

Monsieur, je vous demande pardon, je croyois

bien faire d'acourir viste.

HARPAGON.

Que viens-tu aire icy, bourreau?

LA MERLUCHE.

Vous dire que vos deux chevaux sont déferrez. HARPAGON.

Qu'on les meine promptement chez le mareschal. CLEANTE.

En attendant qu'ils soient ferrez, je vais faire pour vous, mon pere, les honneurs de vostre logis,

et conduire Madame dans le jardin, où je feray porter la colation.

HARPAGON.

Valere, aye un peu l'œil à tout cela, et prens soin, je te prie, de m'en sauver le plus que tu pourras, pour le renvoyer au marchand.

C'est assez.

VALERE.

HARPAGON, [seul].

O fils impertinent! as-tu envie de me ruiner?

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ACTE IV

SCENE PREMIERE.

CLEANTE, MARIANE, ELISE,

R

FROSINE.

CLEANTE.

ENTRONS icy, nous serons beaucoup mieux. Il n'y a plus autour de nous personne de suspect, et nous pouvons parler librement.

ELISE.

Oüy, Madame, mon frere m'a fait confidence de la passion qu'il a pour vous. Je sçay les chagrins et les déplaisirs que sont capables de causer de pareilles traverses; et c'est, je vous assure, une tendresse extréme que je m'interesse à vostre

avanture.

MARIANE.

avec

C'est une douce consolation que de voir dans ses interests une personne comme vous; et je vous conjure, Madame, de me garder toûjours cette genereuse amitié, si capable de m'adoucir les cruautez de la fortune.

FROSINE.

Vous estes, par ma foy, de malheureuses gens l'un et l'autre, de ne m'avoir point, avant tout cecy, avertie de vostre affaire! Je vous aurois sans doute détourné cette inquietude, et n'aurois point amené les choses où l'on voit qu'elles sont.

CLEANTE.

Que veux-tu ? c'est ma mauvaise destinée qui l'a voulu ainsi. Mais, belle Mariane, quelles resolutions sont les vostres ?

MARIANE.

Helas! suis-je en pouvoir de faire des resolutions? et, dans la dépendance où je me voy, puisje former que des souhaits?

CLEANTE.

Point d'autre appuy pour moy dans vostre cœur que de simples souhaits? point de pitié officieuse? point de secourable bonté ? point d'affection agissante?

MARIANE.

Que sçaurois-je vous dire? Mettez-vous en ma place, et voyez ce que je puis faire. Avisez, ordonnez vous-mesme je m'en remets à vous, et je vous croy trop raisonnable pour vouloir exiger de moy que ce qui peut m'estre permis par l'honneur et la bienseance.

CLEANTE.

Helas! où me reduisez-vous que de me renvoyer à ce que voudront me permettre les fâcheux sentimens d'un rigoureux honneur et d'une scrupuleuse bienseance?

MARIANE.

Mais que voulez-vous que je fasse ? Quand je pourrois passer sur quantité d'égards où nostre sexe est obligé, j'ay de la consideration pour ma mere. Elle m'a toûjours élevée avec une tendresse extréme, et je ne sçaurois me resoudre à luy donner du déplaisir. Faites, agissez auprés d'elle; employez tous vos soins à gagner son esprit. Vous pouvez faire et dire tout ce que vous voudrez, je vous en donne la licence; et, s'il ne tient qu'à me declarer en vostre faveur, je veux bien consentir à luy faire un aveu moy-mesme de tout ce que je sens pour vous.

CLEANTE.

Frosine, ma pauvre Frosine, voudrois-tu nous servir ?

FROSINE.

Par ma foy, faut-il le demander? Je le voudrois de tout mon cœur. Vous sçavez que de mon naturel je suis assez humaine. Le Ciel ne m'a point fait l'ame de bronze, et je n'ay que trop de tendresse à rendre de petits services, quand je voy des gens qui s'entre-aiment en tout bien et en tout honneur. Que pourrions-nous faire à cecy?

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