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dans un rang beaucoup moins élevé que mes desirs, elles m'ont fait naistre assez heureux pour attirer quelque pitié du cœur d'une grande princesse; et cette pitié glorieuse vaut des sceptres et des couronnes, vaut la fortune des plus grands princes de la terre. Oüy, Madame, dés que j'ay osé vous aymer (c'est vous, Madame, qui voulez bien que je me serve de ce mot temeraire), dés que j'ay, dy-je, osé vous aymer, j'ay condamné d'abord l'orgueil de mes desirs, je me suis fait moy-mesme la destinée que je devois attendre. Le coup de mon trépas, Madame, n'aura rien qui me surprenne, puisque je m'y estois preparé; mais vos bontez le comblent d'un honneur que mon amour jamais n'eust osé esperer, et je m'en vais mourir, aprés cela, le plus content et le plus glorieux de tous les hommes. Si je puis encore souhaiter quelque chose, ce sont deux graces, Madame, que je prends la hardiesse de vous demander à genoux : de vouloir souffrir ma presence jusqu'à cet heureux hymenée qui doit mettre fin à ma vie, et, parmy cette grande gloire et ces longues prosperitez que le Ciel promet à vostre union, de vous souvenir quelquefois de l'amoureux Sostrate. Puis-je, divine Princesse, me promettre de vous cette precieuse faveur?

ERIPHILE.

Allez, Sostrate, sortez d'icy. Ce n'est pas aymer mon repos que de me demander que je me souvienne de vous.

SOSTRATE.

Ah! Madame, si vostre repos...

ERIPHILE.

Ostez-vous, vous dy-je, Sostrate; épargnez ma foiblesse, et ne m'exposez point à plus que je n'ay resolu.

SCENE V.

CLEONICE, ERIPHILE.

CLEONICE.

Madame, je vous voy l'esprit tout chagrin. Vous plaist-il que vos danseurs, qui expriment si bien toutes les passions, vous donnent maintenant quelque épreuve de leur adresse ?

ERIPHILE.

Oüy, Cleonice: qu'ils fassent tout ce qu'ils voudront, pourveu qu'ils me laissent à mes pensées.

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CINQUIEME INTERMEDE

Quatre pantomimes, pour épreuve de leur adresse, ajustent leurs gestes et leurs pas aux inquietudes de la jeune princesse Eriphile.

ENTRÉE DE BALLET

DE QUATRE PANTOMIMES.

ACTE V

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SCENE PREMIERE.

CLITIDAS, ERIPHILE.

CLITIDAS.

E quel costé porter mes pas? où m'aviseray-je d'aller, et en quel lieu puis-je croire que je trouveray maintenant la princesse Eriphile? Ce n'est pas un petit avantage que d'estre le premier à porter une nouvelle. Ah! la voila! Madame, je vous annonce que le Ciel vient de vous donner l'époux qu'il vous destinoit

ERIPHILE.

Eh! laisse-moy, Clitidas, dans ma sombre mélancolie.

CLITIDAS.

Madame, je vous demande pardon. Je pensois faire bien de vous venir dire que le Ciel vient de vous donner Sostrate pour époux; mais, puisque cela vous incommode, je rangaîne ma nouvelle, et m'en retourne droit comme je suis venu.

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Je vous laisse, Madame, dans vostre sombre mélancolie.

ERIPHILE.

Arreste, te dy-je; approche. Que viens-tu me dire?

CLITIDAS.

Rien, Madame. On a parfois des empressemens de venir dire aux grands de certaines choses dont ils ne se soucient pas, et je vous prie de m'excuser. ERIPHILE.

Que tu es cruel!

CLITIDAS.

Une autre fois j'auray la discretion de ne vous pas venir interrompre.

ERIPHILE.

Ne me tiens point dans l'inquietude. Qu'est-ce que tu viens m'annoncer?

CLITIDAS.

C'est une bagatelle de Sostrate, Madame, que je vous diray une autre fois, quand vous ne serez point embarrassée.

ERIPHILE.

Ne me fais point languir davantage, te dis-je, et m'apprends cette nouvelle.

CLITIDAS.

Vous la voulez sçavoir, Madame?

ERIPHILE.

Oüy, dépesche. Qu'as-tu à me dire de Sostrate?

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