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à le croire, et j'ay toûjours trouvé cela trop beau pour estre veritable. Toutes ces belles raisons de sympathie, de force magnetique et de vertu occulte, sont si subtiles et delicates qu'elles échapent à mon sens materiel; et, sans parler du reste, jamais il n'a esté en ma puissance de concevoir comme on trouve écrit dans le ciel jusqu'aux plus petites particularitez de la fortune du moindre homme. Quel rapport, quel commerce, quelle correspondance, peut-il y avoir entre nous et des globes éloignez de nostre terre d'une distance si effroyable, et d'où cette belle science enfin peut-elle estre venuë aux hommes? Quel dieu l'a revelée, ou quelle experience l'a pû former de l'observation de ce grand nombre d'astres qu'on n'a pû voir encore deux fois dans la même disposition?

ANAXARQUE.

Il ne sera pas difficile de vous le faire concevoir. SOSTRATE.

Vous serez plus habile que tous les autres.

CLITIDAS.

Il vous fera une discution de tout cela quand Vous voudrez.

IPHICRATE.

Si vous ne comprenez pas les choses, au moins les pouvez-vous croire sur ce que l'on voit tous les jours.

SOSTRATE

Comme mon sens est si grossier qu'il n'a pû rien comprendre, mes yeux aussi sont si malheureux qu'ils n'ont jamais rien veu.

IPHICRATE.

Pour moy, j'ay veu, et des choses tout-à-fait

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Comme vous avez veu, vous faites bien de croire, et il faut que vos yeux soient faits autrement que les miens.

IPHICRATE.

Mais enfin la princesse croit à l'astrologie, et il me semble qu'on y peut bien croire aprés elle. Est-ce que madame, Sostrate, n'a pas de l'esprit et du sens?

Sostrate.

Seigneur, la question est un peu violente. L'esprit de la princesse n'est pas une regle pour le mien, et son intelligence peut l'élever à des lumieres où mon sens ne peut pas atteindre.

ARISTIONE.

Non, Sostrate, je ne vous diray rien sur quantité de choses ausquelles je ne donne gueres plus de créance que vous; mais, pour l'astrologie, on m'a dit et fait voir des choses si positives que je ne la puis mettre en doute.

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Madame, je n'ay rien à répondre à cela.
ARISTIONE

Quittons ce discours, et qu'on nous laisse un moment. Dressons nostre promenade, ma fille, vers cette belle grotte où j'ay promis d'aller. Des galanteries à chaque pas!

QUATRIÈME INTERMEDE

Le theatre represente une grotte où les princesses vont se promener, et, dans le temps qu'elles y entrent, huit statuës portant chacune deux flambeaux à leurs mains sortent de leurs niches, et font une dance variée de plusieurs figures et de plusieurs belles attitudes, où elles demeurent par intervalles.

ENTRÉE DE BALLET

DE HUIT STATUES.

ACTE IV

E

SCENE PREMIERE.

ARISTIONE, ERIPHILE.

ARISTIONE.

De qui que cela soit, on ne peut rien de plus

galand et de mieux entendu. Ma fille, j'ay

voulu me separer de tout le monde pour vous entretenir, et je veux que vous ne me cachiez rien de la verité. N'auriez-vous point dans l'ame quelque inclination secrete que vous ne voulez pas nous dire?

Moy, Madame?

ERIPHILE.

ARISTIONE.

Parlez à cœur ouvert, ma fille, ce que j'ay fait pour vous merite bien que vous usiez avec moy de franchise. Tourner vers vous toutes mes pensées, vous preferer à toutes choses, et fermer l'oreille, en l'estat où je suis, à toutes les propositions que cent princesses en ma place écouteroient avec bien

sear; tout cela vous doit assez persuader que je suis une bonne mere, et que je ne suis pas pour recevoir avec severité les ouvertures que vous pourriez me faire de vostre cœur.

ERIPHILE.

Si j'avois si mal suivy vostre exemple que de m'estre laissée aller à quelques sentimens d'inclination que j'eusse raison de cacher, j'aurois, Madame, assez de pouvoir sur moy-mesme pour imposer silence à cette passion, et me mettre en estat de ne rien faire voir qui fust indigne de vôtre sang.

ARISTIONE.

Non, non, ma fille, vous pouvez sans scrupule m'ouvrir vos sentimens. Je n'ay point renfermé vostre inclination dans le choix de deux princes; vous pouvez l'étendre où vous voudrez, et le merite, auprés de moy, tient un rang si considerable que je l'égale à tout, et, si vous m'avoüez franchement les choses, vous me verrez souscrire sans repugnance au choix qu'aura fait vôtre cœur.

ERIPHILE:

Vous avez des bontez pour moy, Madame, dont je ne puis assez me loüer; mais je ne les mettray point à l'épreuve sur le sujet dont vous me parlez, et tout ce que je leur demande, c'est de ne point presser un mariage où je ne me sens pas encore bien resoluë.

ARISTIONE.

Jusqu'icy je vous ay laissée assez maistresse de tout, et l'impatience des princes vos amans... Mais quel bruit est-ce que j'entends? Ah! ma fille, quel

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