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ICOLAS BOILEAU naquit à Paris le 1er no vembre 1636, rue de Jérusalem, en face Ide la maison où devait naître Voltaire.

C'est pour se distinguer de ses frères qu'il ajouta à son nom celui de Despréaux.

Il était le quinzième et avant-dernier enfant de Gilles Boileau, greffier de la grand'chambre au Parlement de Paris. Son père, déjà vieux, qui devint veuf dix-huit mois plus tard, le fit élever à la campagne par une domestique ignorante et d'un mauvais caractère, à laquelle il dut une enfance sans bonheur et sans joie. Il commença ses études au collége de Beauvais, mais il lui fallut les interrompre pour subir à onze ans l'opération de la pierre; il les termina au collège d'Harcourt.

Il fit ensuite sa théologie en Sorbonne pour obéir

à son père, qui le destinait à l'état ecclésiastique. Il s'en dégoûta bientôt, et le 4 décembre 1656 il se faisait recevoir avocat, en cela plus fidèle à l'esprit de sa famille qu'à son goût propre. En effet, quand il perdit son père, en 1657, il abandonna la robe et suivit le penchant naturel qui l'entraînait vers la poésie, les romans et les compositions littéraires. Il sut arranger son petit patrimoine, qui était de 12,000 écus environ, de façon à n'avoir jamais besoin pour vivre de recourir au produit de sa plume.

Boileau, pris dès le collège de cette passion de la littérature, avait entrepris en quatrième d'écrire une tragédie, mais le goût de la satire l'entraîna bientôt, et il s'y livra tout entier. Les méchants écrits et les vices de ses contemporains devinrent pour lui des ennemis qu'il poursuivit sans relâche. Malgré la renommée et les succès des auteurs qu'il attaquait, le public fut bientôt de son avis, et l'on peut dire avec raison qu'il a formé le goût des bons esprits de son temps. Quelle preuve, d'ailleurs, du pouvoir de sa raison sur les contemporains que de voir la publication de l'ARRÊT BURLESQUE arrêter l'Université sur le point de présenter requête au Parlement contre la philosophie de Descartes!

Boileau n'est pas, comme on l'a trop dit, le législateur du Parnasse, il en est plutôt le policier, et la postérité a ratifié les exclusions qu'il a prononcées. Quel est en effet celui des auteurs condamnés par Boileau qu'on lit encore aujourd'hui? Est-ce Chape

que

lain, Cotin, Coras, Pinchesne, Le Pays, Cassandre, de Pure, Quinault, Pelletier, Voiture, les Scudéri, M. Cousin essaya en vain de réhabiliter? A notre époque, où l'on réimprime tant d'auteurs anciens, Saint-Amand est presque la seule des victimes de Boileau qui se soit vue revivre dans une édition nouvelle.

Il a fait une guerre acharnée au burlesque, qui ne s'est jamais relevé des coups qu'il lui a portés. Si Scarron survit, c'est par le ROMAN COMIQUE. C'est en haine du burlesque que Boileau composa LE LUTRIN, application si heureuse de la forme la plus grave au sujet le plus comique.

Cet homme si sévère dans ses écrits était de relations douces et bienveillantes, très-différent en cela de son ami Racine. En dépit de son humeur un peu sérieuse, il se montrait bon, généreux, sans envie, et gai dans l'intimité. Les réunions de Boileau avec Molière, La Fontaine, Racine, Chapelle, dans sa petite maison d'Auteuil, sont restées célèbres, et La Fontaine en a immortalisé le souvenir dans sa PSYCHÉ.

Boileau, prodigue de conseils envers ses amis, recevait volontiers les leurs et en tenait compte. Son dévouement pour eux était absolu; Patru, Molière, La Fontaine, Racine, qui ne se fit pas faute de le blesser, éprouvèrent la valeur de son amitié; il s'est reconcilié avec quelques-uns de ses ennemis, il est mort sans avoir perdu un seul ami.

C'est seulement en 1669 que Boileau, qui avait déjà écrit neuf satires, deux épîtres, une ode, le DisCOURS AU ROI, le DISCOURS SUR LA SATIRE et quelques

unes de ses petites pièces, fut présenté à Louis XIV. A la Cour il garda, comme partout, son caractère indépendant, disant sans aucun ménagement ce qu'il croyait être la vérité, et il resta trente ans en faveur sans avoir une seule fois abdiqué sa franchise. Il ne complimenta jamais Louis XIV que de ses belles actions, et, au milieu de la gloire militaire de son règne, il eut le rare courage de lui conseiller de renoncer à la guerre pour ne s'occuper que de la réforme des lois. Aussi ses ennemis, Cotin, Desmarets, Pinchesne, lui reprochèrent-ils de ne pas assez louer le roi. Louis XIV avait, du reste, la plus haute estime pour le caractère de Boileau, et il lui en donna une grande preuve en tolérant son amitié pour Arnauld et pour Port-Royal, dont tous les ennemis se trouvent ridiculisés dans LE LUTRIN.

En octobre 1677, Boileau fut nommé historiographe, avec Racine. Sa nouvelle fonction, quoiqu'il n'ait rien écrit, ne fut pas tout à fait une sinécure, car elle lui donna de nombreuses préoccupations, et l'obligea de faire quelques voyages à la suite du Roi.

En 1683, à la mort de Colbert, Boileau fut le concurrent de son ami La Fontaine à l'Académie. La Fontaine l'emporta, mais son élection ne fut approuvée par le roi qu'en 1684, lorsque Boileau vint prendre le fauteuil de M. de Bezons. Boileau ne fut pas très-assidu aux réunions de la docte assemblée, où il pouvait encore rencontrer bien des auteurs qu'il avait attaqués, et puis il se sentait déjà bien vieux pour les plus jeunes de ses collègues. Du reste, il

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