Page images
PDF
EPUB

Cérondifs,

précédés de

entraves de la prose. Que cela soit vrai, ou
ne le soit pas, il ne sera pas moins certain que
le grammairien doit toujours faire remarquer
les fautes, même les plus légères, échappées
à nos bons écrivains, de peur que l'autorité
de ces hommes supérieurs ne jette quelque in-
certitude dans les règles. D'ailleurs, nos plus
grands maîtres ont senti la nécessité de s'as-
sujettir aux loix grammaticales, pour bien
écrire en vers; et c'est aux poëtes mêmes,
que Boileau s'adresse, lorsqu'il dit :

Sur-tout qu'en vos écrits, la langue révérée,
Dans vos plus grands excès, vous soit toujours sacrée.
Au reste, on verra dans l'article de la
clarté du style, ce que je dois dire sur ce
sujet.

I I.

Remarques sur les Gérondifs.

Les gérondifs ne sont point précédés de la qui sont préposition en, lorsqu'ils désignent simplela préposi- ment l'état du sujet qui agit, la cause et le tion en fondement de l'action. Ce grand ministre gérondifs qui ne le donnoit une égale attention à toutes les afsont pas. faires, agissant, tout-à-la-fois, avec la

même vivacité dans les diverses parties de l'Europe. Les courtisans préférant leur avantage particulier au bien général, ne donnent que des conseils intéressés. Dans le premier exemple, le gérondif marque une espèce d'état du sujet, et dans le second, la cause de l'action.

Si ces gérondifs expriment une circonstance de l'action, une manière dont on la fait, ou un moyen de parvenir à. une fin, ils doivent être précédés de la préposition en.

=

Je lis en me promenant. On dit souvent la vérité en riant. On jouit de la paix du cœur, en maîtrisant ses passions. Ici, le premier gérondif exprime une circonstance; le second, une manière; le troisième, un moyen.

Il est essentiel de saisir cette distinction, parce que la préposition en, employée ou supprimée avant un gérondif, change entièrement le sens d'une phrase. Je vous ai vu, en lisant l'histoire de France, ne signifie pas la même chose qué, je vous ai vu lisant l'histoire de France. La première phrase sig→ nifie je vous ai vu, pendant que je lisois, etc.; et la seconde, je vous ai vu, lorsque vous lisiez, etc.

On peut juger, par ce second exemple, que ces gérondifs qui ne sont pas précédés de en, se rapportent fort bien à un régime simple: ils peuvent alors se tourner par un autre temps du verbe, précédé du relatif qui. J'ai rencontré votre ami, partant (ou, qui partoit) pour la campagne.= Vous voyez cet homme, formant

ou, qui forme) toujours de nouveaux projets, et n'en exécutant (ou, qui n'en exécute) aucun.

en

Mais lorsqu'on emploie ces gérondifs, e les plaçant, soit au commencement, soit dans le corps de la phrase, il faut qu'il y ait dans cette phrase un mot auquel

Gérondifs

des adjec

tifs baux.

ils puissent se rapporter naturellement et sans équivoque. Celle-ci, par exemple, seroit vicieuse. Etant résolu de partir, nous terminerons cette affaire. On ne verroit pas en effet si ce gérondif se rapporte à celui qui parle, ou à la personne à laquelle il parle. Il faudroit donc dire, pour ôter l'équivoque: comme je suis, ou comme vous êtes résolu de partir, etc., selon le sens qu'on voudroit marquer.

Les gérondifs, soit présens, soit passés, peuvent former un membre d'une phrase, sans qu'ils se rapportent précisément à aucun mot particulier de cette même phrase, c'est-à-dire, au sujet ou au régime: on les appelle alors gérondifs absolus. Ainsi, les phrases suivantes sont correctes. Les savans ayant décidé cette question, il seroit hors de propos de s'y arrêter davantage. = La géographie et la chronologie étant les deux yeux de l'histoire, nous devons, pour étudier avec fruit cette dernière science, posséder suffisamment les deux premières. La capitale ayant été soumise, les provinces ne tardèrent pas à rentrer dans le devoir.

Il ne faut pas confondre les gérondifs differens avec les adjectifs verbaux, ainsi appelés, ver- parce qu'ils sont formés des verbes. Les premiers expriment toujours une action; les autres ne font que qualifier. Voici des exemples des mêmes mots employés sous ces deux rapports. Les hommes bas vont toujours rampant devant les grands. = Les avares sont les plus méprisables des

égoïstes, n'obligeant jamais personne. Ici, rampant et obligeant sont gérondifs, parce qu'ils expriment une action. Mais dans ces phrases les hommes bas sont toujours rampans: les avares ne sont jamais obligeans; ces mots sont des adjectifs verbaux, parce qu'ils servent à qualifier.

:

On doit faire attention à cette différence, parce que les gérondifs ne prennent ni genre ni nombre, tandis que les adjectifs verbaux suivent la règle des adjectifs. Voltaire a fait une faute dans ces vers à l'empereur de la Chine:

Ton peuple est-il soumis à cette loi si dure,
Qui veut qu'avec six pieds d'une égale mesure,
De deux alexandrins, côte à côte marchans,
L'un serve pour la rime, et l'autre pour le sens ?

Il auroit fallu dire marchant, parce que ce
mot est un gérondif, et non un adjectif
verbal.

III.

Remarques sur les modes et les temps du
Verbe.

L'emploi des modes et des temps du verbe étant assez connu par l'usage, je ne m'attacherai qu'à quelques remarques essentielles.

l'indicatif,

On peut employer le présent de l'indiUsage du catif pour un passé, quand on raconte présent de quelque chose, et qu'on veut donner plus du parfait d'énergie et de vivacité au récit. Mais il défini, et faut alors que tous les verbes de la même ani.

de l'indé

phrase soient mis au présent. Celle-ci n'est pas correcte. Is tombent sur les ennemis avec une telle farie, qu'ils les firent plier et reculer. Il falloit dire, qu'ils les font plier.

Cette règle doit être également observée pour le parfait défini et l'indéfini, à moins que le premier ne soit accompagné d'une circonstance, qui marque un temps entièrement écoulé. Ainsi l'on ne pourroit pas dire : j'ai vu l'acteur qui débuta par le rôle d'Agamemnon. Il faudroit dire, qui a débuté. Mais on diroit fort bien j'ai vu l'acteur qui débuta, la semaine dernière, par le rôle d'Agamemnon ; ou, dans une autre circonstance je vis, la semaine dernière, l'acteur qui a débuté par le rôle d'Aga

memnon.

Ne vous servez jamais du parfait indéfini, qu'en parlant d'un temps qui n'est pas entièrement écoulé. Bien des personnes disent, par exemple : j'ai reçu hier votre lettre. J'ai vu hier la pièce nouvelle. Le jour d'hier étant entièrement écoulé, on doit employer le parfait défini, et dire : je reçus, je vis.

Par la raison contraire, on ne diroit pas bien je vis votre frère cette semaine, ce mois-ci, cette année. La semaine, le mois, l'année n'étant pas entièrement écoulés, il faut dire : j'ai vu. Ainsi Racine ne s'est pas exprimé correctement en faisant dire à Théramène, dans sa tragédie de Phèdre :

Le flot qui l'apporta, recule épouvanté.

« PreviousContinue »