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- M. LARCHER tient à signaler à l'attention de la Société une thèse récemment soutenue à la Faculté de droit de Lyon et intitulée: « La décentralisation financière en Algérie ». L'auteur, M. Chamboredon, s'est documenté à peu près exclusivement dans les récents documents officiels. Il a acquis cette conviction qu'avant 1900, rien ou à peu près n'avait été fait en Algérie aux points de vue voies de communication, postes, usines, forêts, agriculture, colonisation, enseignement, assistance; tandis que depuis lors, en même temps qu'on encaissait 30 millions d'excédent de recettes, la «Colonie» prenait un merveilleux essor, grâce à une « brillante » administration.

Et alors, nous nous faisons vertement tancer:

«Il me semble qu'en présence de semblables résultats, les adversaires les plus acharnés de la décentralisation auraient dû désarmer. Mais non les meilleures réformes ont toujours eu et auront toujours leurs détracteurs; il y aura toujours des esprits chagrins qui, rebelles au progrès, se croient tenus de regretter le passé et de peindre l'avenir sous les couleurs les plus sombres. C'est ainsi qu'en 1903 s'est constituée une « Société d'Etudes politiques et sociales » qui, d'après ses statuts, a pour but de «préparer, par ses études et ses publications, l'assimilation de l'Algérie à la France ».

La conclusion est fort nette: «< .... Il ne saurait être question d'un retour à l'assimilation.... Le régime actuel est sans doute perfectible, mais si des améliorations doivent lui être apportées, ce ne peut être qu'à la condition de demeurer dans la voie tracée par la loi de 1900, en supprimant, par exemple, les derniers vestiges des rattachements, pour donner à l'Algérie la maîtrise complète de ses finances, la responsabilité entière de leur gestion ».

Voilà où on est conduit quand on étudie uniquement les documents officiels. On en vient à considérer que plus on s'endette, plus on est riche. Et on méconnaît les principes les moins contestables de la législation coloniale.

M. CHARPENTIER, tout en étant convaincu que l'assimilation est la vraie politique et qu'il ne saurait être question de dérattacher des services qu'il faut souhaiter indépendants des influences locales, comme la justice et l'instruction publique, pense que le budget de l'Algérie peut avoir du bon. La Métropole se montrait depuis quelque temps trop avare. Grâce au budget, l'Algérie, au prix, s'il le faut, de nouveaux impôts, peut enfin développer son outillage économique. Ce n'est qu'un expédient, mais cet expédient peut être, pendant un certain temps, meilleur pour l'Algérie que le régime antérieur à 1900.

M. KIMPFLIN estime que cet expédient a été, dans l'esprit des promoteurs du budget spécial, plus politique que financier. Ca a été un moyen d'arrêter le mouvement séparatiste. Si la Métropole avait chargé l'Algérie d'impôts nouveaux, si elle avait créé un impôt aussi impopulaire que celui sur le tabac, c'eût été un tolle; on eût traité la Métropole de marâtre. Tandis que c'est l'Algérie qui s'impose elle-même, qui s'endette elle-même: elle ne peut s'en prendre à personne.

M. PAOLI. La considération indiquée par M. Kimpflin n'est, très probablement, pas inexacte. Mais le budget spécial, les délégations financières, n'en sont pas moins des institutions déplorables. Les institutions ont une indéniable influence sur les mœurs, sur la formation du peuple. Eh bien, celles-ci apprennent aux algériens à vivre d'une autre vie que celle de la Métropole. M. CHARPENTIER. — Nous pouvons fixer ainsi l'ordre du jour de la prochaine séance: 1° La question juive, suite de la discussion de la communication du Dr Trolard; 2° La réforme des Cours d'assises et des cours criminelles.

II

LE SERVICE MILITAIRE EN ALGÉRIE

A Messieurs les Membres de la Société d'Etudes Politiques et Sociales, d'Alger.

MESSIEURS,

La question du service militaire en Algérie est de nouveau à l'ordre du jour; elle consiste à savoir si les français venus en Algérie doivent faire deux ans de service, comme leurs compatriotes des villes et des campagnes de la Métropole, ou si le service militaire, en Algérie, ne doit avoir qu'une durée d'une année, et cela à cause des besoins de la colonisation.

A ce sujet, j'ai cru devoir faire la petite étude ci-après, que j'ai l'honneur de vous soumettre avec l'espoir que la Société d'Etudes voudra bien l'appuyer de sa haute autorité.

Il faut convenir que nos compatriotes de la Métropole, qui ne sont jamais venus dans nos trois départements algériens, doivent être perplexes sur l'opinion qu'ils peuvent adopter en ce qui concerne notre conquête algérienne.

En effet, les renseignements fournis par nous, ont toujours été très variables, selon les circonstances.

Quand nous avons besoin des secours financiers de la Métropole, nous lui disons :

« Dépensez ! Prêtez-nous sans crainte, sans hésitation, l'Algérie vous le rendra au centuple! >>

La France a entendu notre voix, et toujours confiante, elle a dépensé, prêté des millions et des milliards, et quand enfin, nous avons pu équilibrer nos recettes et nos dépenses civiles, nous ne lui avons pas dit, comme elle aurait pu s'y attendre:

« Nous allons commencer à vous donner des acomptes annuels à valoir sur le fameux centuple.... >

Nous avons demandé l'autorisation d'inscrire nos recettes et nos dépenses civiles dans un budget spécial, en laissant à la charge de la Métropole la totalité des dépenses militaires de l'armée d'occupation, de la marine, de la plus grande partie de nos voies ferrées

et de toutes les autres dépenses considérées comme dépenses de souveraineté.

Nous allons plus loin aujourd'hui.

Jusqu'à l'heure présente, les français, nés dans n'importe lequel de nos trois départements algériens, ont joui d'un régime de faveur ; ils n'ont fait qu'une année de service militaire, tandis que leurs compatriotes de la Métropole passaient trois ans sous les drapeaux. Les algériens, ou plutôt ceux qui croyent avoir le droit de parler en leur nom, trouvent qu'une année de service militaire c'est énorme pour les colons.

Il est certain que le service militaire est gênant pour tout le monde pour les colons français de l'Algérie, comme pour les paysans de France, et je crois bien que les payans français ne seraient pas fàchés de jouir de la même faveur fallut-il pour cela passer un examen !

Ils accepteraient même la condition d'un séjour de dix ans en Algérie, sachant bien qu'on ne serait pas trop exigeant sur ce point.

Il paraît, d'après les représentants de nos trois départements, car ils sont tous d'accord, et sur ce point on peut, sans crainte, leur faire application du principe de la responsabilité collective, il paraît, que le climat de la France Nord-Africaine est changé ; ce n'est plus le beau ciel de Provence, mais les sables du Sahara, ce n'est plus la brise de la Côte-d'Azur, mais le siroco du désert. On n'engage plus les européens, dont les poumons sont atteints, à venir en Algérie - les maladies y sont nombreuses et meurtrières – c'est M. Maurice Colin, notre député, qui dit cela, ce sont ses collègues qui le disent aussi.

M. Maurice Colin et ses collègues proposent cependant un remède à cet état de chose. Un remède radical!

Ce remède consiste purement à dispenser les français d'Algérie du service militaire ou tout au moins d'une partie du service

militaire.

Quand les colons et même les non-colons seront exonérés du service militaire, le climat rude ne pourra plus leur porter la moindre atteinte, et les maladies cesseront d'être nombreuses. C'est une trouvaille vraiment miraculeuse.

«Il est bien entendu nos députés le déclarent qu'il s'agit «ici de l'intérêt général français et non de l'intérêt particulier des « colons algériens. »

Le ciel n'est pas plus pur que le fond de leur cœur.

« Dans tous les temps disent-ils ensuite et sous tous les « régimes, le Gouvernement de la Métropole a pensé qu'il était « nécessaire de favoriser ceux qui émigrent aux colonies; c'est

« ainsi qu'il leur offre des terres à titre gratuit, c'est ainsi qu'il « leur a toujours accordé l'exemption ou la réduction du service « militaire ».

Erreur matérielle.

Tous ceux qui sont venus en Algérie depuis 1830 et presque jusqu'à nos jours, avaient ou ont accompli leur service militaire, et leurs enfants, arrivés à la majorité, ont payé l'impôt du sang à la Patrie comme depuis 1830 jusqu'à 1850.

Il n'y a que ceux qui naquirent à Alger, qui en furent exempts pendant quelques années et à cause de leur petit nombre; cette exonération a cessé le jour où on a pu appliquer la loi sur le recrutement et former des conseils de revision.

Il en a été de même pour l'établissement de l'impôt foncier; il est évident qu'on ne pouvait l'établir le lendemain de la prise d'Alger, on l'a fait plus tard sur la propriété bàtie; et si on ne l'applique pas encore à la propriété rurale, c'est parce que le cadastre serait trop cher pour les finances départementales.

D'ailleurs il n'y a pas que des colons en Algérie; il y a aussi des non-colons et bien qu'ils n'aient été découverts que par le Gouverneur Laferrière, ils n'en sont pas moins très nombreux dans les grandes et petites villes de nos trois départements algériens. C'est par plusieurs fois cent mille qu'on les compte dans nos villes et par quelques milliers dans nos champs.

Les colons ont un mérite réelje me garderai bien de le contester, je ne l'ai jamais fait mais ils sont assurément moins nombreux que les clercs de notaires, d'avoués, négociants, fonctionnaires, employés, etc., etc., qui peuplent nos villes et peuvent faire d'excellents et nombreux soldats acclimatés, tels que le désirent nos représentants et M. le député Messimy par dessus le marché, et plus acclimatės sans aucun doute que ceux qui nous seraient envoyés par la Métropole pour remplacer nos colons algériens et surtout nos non-colons; car il faudrait bien remplacer ceux qui seraient exemptés du service militaire !

Messieurs nos représentants y ont-ils songé?

Ils me paraissent n'avoir songé qu'à leurs intérêts électoraux et en cela ils se sont trompés, car les algériens sont patriotes; ils l'ont prouvé en tous temps et ils le prouveront encore quand cela paraîtra nécessaire.

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« Ce serait une vue étroite continuent nos représentants à la << Chambre entachée de défiance et de jalousie mesquine, que de << vouloir sous prétexte d'égalité, imposer aux français d'Algérie, « des charges et des obligations absolument semblables à celles << des français de la Métropole ».

Et pourquoi cela?

Quelle jalousie mesquine Messieurs les représentants de l'Algérie peuvent-ils voir dans l'obligation du service militaire imposée aux français d'Algérie ?

Quel danger y a-t-il, à ce que les colons algériens devenus soldats, défendent eux-mêmes leurs anciens camarades restés colons, tout comme les paysans français incorporés dans les régiments de la Métropole défendent leurs anciens camarades restés paysans?

Le service militaire est une charge qui est et doit être obligatoire pour tous, tant en France qu'en Algérie.

On nous dit souvent et on a raison de le dire - que la population de la France diminue, tandis qu'elle augmente en Allemagne, et que c'est de ce côté-là qu'est le danger.

Mais puisqu'il en est ainsi, comment se fait-il que nos représentants algériens puissent demander qu'une partie de cette population vienne en Algérie ?

D'après le langage même de nos représentants, les français de France sont mieux placés pour la défense nationale, sur la frontière de l'Est ou du Nord de la France, que sur les rives de la Méditerranée et de l'Afrique du Nord, et peut-être, comme en 1870 d'ailleurs, la Métropole aura bien plus besoin des contingents algériens, que les algériens auraient besoin de ses régiments.

Rappelons en passant qu'en 1870, les algériens montrèrent leur patriotisme en envoyant sur la frontière soit comme engagés volontaires pour la durée de la guerre, soit comme miliciens et autres, douze mille défenseurs. Ce nombre serait plus que doublé à l'heure présente si cela devenait nécessaire.

Ne vaudrait-il pas mieux, au lieu de dépeupler la Métropole, en présence de l'Allemagne qui voit toujours s'accroitre son armée, ne vaudrait-il pas mieux, dis-je, lui envoyer le surplus de notre contingent, pour établir quant au nombre, une équivalence entre l'armée française et celle de la nation allemande sa voisine, pacifique aujourd'hui, mais qui pourrait bien un jour prendre une autre attitude?

Voyons maintenant comment les choses se passèrent au Sénat, lors de la discussion sur le service militaire en Algérie, qui eut lieu en 1905, séance du 14 février.

Après avoir entendu MM. Gérente, Saint-Germain, Berteaux, alors ministre de la guerre, Etienne, ministre de l'intérieur, qui parlèrent pour le maintien du statu quo, c'est-à-dire pour le service d'une année seulement, l'honorable rapporteur de la commission de l'armée, M. Garreau, s'exprimait ainsi :

« Les conditions de la vie en Algérie, sont au moins aussi favorables qu'en France; il est bien difficile de tenir la main à l'application des conditions de séjour fixées dans le texte de la Chambre. En réalité, ce qu'on réclame est un régime de faveur ; les colons algériens ne sont pas plus intéressants que beaucoup de cultivateurs français et que, notamment, les soutiens de famille`; beaucoup de conscrits vivent dans les villes et l'intérêt de la colonisation ne peut pas être invoquée à leur égard.

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