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de JEAN DE SERRES. Tout ce qu'il avoit d'ailleurs en ce genre, ne s'eft point trouvé dans fon Cabinet, parce qu'il êtoit l'Homme du monde le plus communicatif, & qui fe dépouilloit le plus volontiers de fes Collections en faveur de ceux qui pouvoient en faire usage.

Dom BERNARD DE MONTFAUCON & M. BAUDELOT D'AIRVAL, de l'Académie des Infcriptions Belles-Lettres, m'ont dit l'un & l'autre plus d'une fois, qu'ils devoient beaucoup à fes lumières; & que, dans la compofition de leurs Ouvrages, il les avoit fouvent aidés de matériaux échapés à leurs recherches. J'ai fu d'ailleurs, que le célèbre M. KUSTER, qui s'êtoit chargé de travailler fur le Tréfor de la Langue Grecque d'HENRI ESTIENNE, à condition que M. CAPPERONNIER l'aideroit, tenoit de lui le même langage. Le P. DE TOURNEMINE, cet illuftre Jefuite, fi connu par fon amour pour les Lettres & pour ceux qui les cultivoient, n'a prefque pas laiffé paffer une feule des fréquentes, vifites que je lui rendois pendant les premières années de ma jeuneffe, fans me parler de l'eftime particulière, qu'il avoit pour M. CAPPERONNIER, & des grands fecours, je me fers de fes propres termes qu'il en avoit tirés dans bien des occafions. C'est de lui que j'ai su d'abord, qu'en 1702. il avoit entrepris, conjointement avec M. DUPIN & M. CAPPERONNIER, une Edition de la Bibliothèque & des autres Ouvra ges de PHOTIUS. M. DUPIN s'êtoit chargé de la direction principale de cette Edition; le P. DE TOURNEMINE compofoit la plus grande partie des Notes, & M. CAPPERONNIER faifoit. une nouvelle Verfion des Ouvrages déja traduits, & devoit traduire ceux qui ne l'avoient pas encore êté. On commençoit d'imprimer; il y avoit même déja cinquante feuilles de tirées, lorfqu'une affaire malheureufe, qui fit perdre à M. DUPIN fa Chaire de Profeffeur Roial, & qui le fit exiler à Châtellerault, fufpendit l'Impreffion. Elle ne fut pas continuée depuis, parce qu'au retour de fon exil, M. DUPIN s'engagea dans une fuite d'Ouvrages, qui ne lui permirent plus de penfer à ce travail; & que, pendant fon abfence, le P. DE TOURNEMINE s'êtoit fait d'autres occupations, qu'il ne pouvoit abandonner. M. CAPPE RONNIER lui-même m'a confirmé tout ce récit. J'ajouterai, comme le fachant par moi-même, que le Savant Jéfuite & lui, n'ont jamais perdu de vue ce projet. Le premier m'a fait voir quelques Cahiers écrits de fa main, & contenant les Collections qu'il avoit faites pour fes Notes fur PHOTIUS; & pendant trois ans de fuite, j'ai vu le fecond faire de cet Auteur fa principale étude. Il en collationna les différentes Editions avec les Manufcrits, qui fe trouvoient à Paris. 11 en fit copier ce qui n'eft point dans les Imprimés; & M. le Cardinal DE ROHAN eur même la bonté, dans un de ses Voïages de Rome d'em

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ploïer fon crédit à faire tranferire au Vatican deux Manufcrits de PHOTIUS, dont on n'avoit point de Copies en France. Tous ces préparatifs n'ont êté fuivis d'aucune exécution, par la mauvaife volonté d'un Officier de la Bibliothèque Impériale de Vienne, où font deux Ouvrages de PHOTIUS, inconnus au Public, & qui n'exiftent nulle part ailleurs. Le P. DE TOURNEMINE avoit du crédit dans cette Cour, & l'Empereur CHARLES VI, lui-même l'honoroit d'une confidération particulière : mais ce Père cut beau faire agir fon crédit, il ne put jamais obtenir une Copie des deux Manuferits. Celui qui les avoit en fa garde, répondit toujours, qu'il travailloit deflus; qu'il les feroit imprimer inceffamment, & qu'on pourroit enfuite en faire l'usage, que l'on voudroit. Ces deux Ouvrages font encore à voir le jour; & le P. DE TOURNEMINE & M. CAPPERONNIER font morts l'un après l'autre, en les attendant toujours pour se remettre à leur Edition de PHOTIUS,

Je ne dois pas aller plus loin fans dire, qu'en 1704. M. CAPPERONNIER eut l'honneur de comter M. BOSSUET au nombre de ses Ecoliers pour le Grec. Ce favant Evêque, projetant apparament quelque Ouvrage, pour lequel la parfaite connoiffance des Pères & des Conciles Grecs lui devenoit nécessaire voulut fe mettre à les lire de fuite dans leur Langue originale. Comme il n'avoit jamais fait d'étude particulière de cette Langue, il fit choix de M. CAPPERONNIER pour lui lever les difficultés, qui pourroient l'arrêter dans l'immenfe lecture, qu'il entreprenoit. Pendant quelques mois que M. CAPPERONNIER eut part cette lecture, il eut le plaifir de contempler & d'admirer de près toute l'étendue des lumières de ce grand Génie: mais la Mort vint bientôt interrompre le cours d'une fi glorieu fe occupation: & le 12. Avril de cette même année, elle priva l'Eglife de France de fon plus grand ornement, & M. CAPPE RONNIER d'un illuftre Difciple, dont la protection n'eût pas permis, que les talens fuffent inutiles au Public auffi longtems qu'ils l'ont êté. M. BOSSUET n'eft pas le feul Prélat, auquel il ait eu l'honneur de donner des leçons. Dans la fuite, & depuis qu'il fut Profeffeur Roïal, un Evêque refpectable par fes vertus, fe repentant dans un âge avancé, d'avoir négligé la Langue Grecque, qu'il avoit afsés bien fue dans fa jeuneffe, voulut s'y remettre & durant deux Hivers confécutifs que fes affaires l'obligèrent de paffer à Paris, il fe réferva toutes les femaines quelques jours, pour travailler une couple d'heures avec M. CAPPERONNIER, qu'il envoïoit chercher dans fon Caroffe & que même il venoit quelquefois trouver dans fon Cabinet, pour lui faire perdre moins de tems.

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M. CAPPERONNIER demeuroit encore chés M. COLLESSON, lorfque l'Univerfité de Bâle (je ne puis pas me rappeller en

quelle année), voulant rétablir chés elle l'Etude du Grec tombée depuis longtems, lui fit offrir , par l'entremife de M. BoivIN le Cadet, une Chaire de Professeur Extraordinaire, avec des honoraires confidérables, non feulement pour tout le tems qu'il feroit en êtat d'enseigner, mais encore pour toute fa vie. Le Magiftrat s'engageoit en même tems, ainfi qu'on avoit fait autrefois à Leide pour le fameux JUSTE-LIPSE, à lui laiffer une entière liberté de confcience. Ses Amis, & M. BOIVIN en particulier, qui craignoient de le perdre pour toujours, fe contentèrent de lui faire envifager tout ce que ces offres avoient d'avantageux, & ne le prefsèrent pas beaucoup de les accepur. Lui même ne put s'y réfoudre. Il aimoit la France, & Paris en particulier. Il m'a dit encore une autre raison de fon refus; c'eft qu'il n'avoit jamais pu se perfuader qu'il fût convenable, qu'un Eccléfiaftique engagé dans les Ordres facrés, qu'un Membre d'une Faculté Catholique de Théologie, allât, dans la vue d'être un peu plus à fon aife, fe priver pour toute fa vie, ou du moins pour très-long tems, de la confolation de partager avec les Fidèles les Exercices publics de fa Religion.

Sa fortune cependant n'êtoit pas brillante à Paris. Elle êtoit bornée aux quatre cens livres de Penfion, qu'il avoit de l'Univerfité. Le dérangement, qu'un incendie & d'autres malheurs avoient caufé dans les Affaires de fa Famille, l'avoient obligé d'y joindre le produit de quelques Répétitions, pour être en état d'envoïer de tems en tems de l'argent à Montdidier. Telle êtoit fa fituation, lorfqu'à la fin de 1710. M. PONTON, Fermier Général, auquel il avoit enseigné le Grec, & que ceux qui l'ont connu, favent avoir êté plus recommandable par les qualités du Cœur & de l'Efprit, que par de grandes richeffes, lui propofa de fe charger de l'Education des trois Fils de M. CROZAT La chofe êtoit déja faite de la part des Parens. La confiance, qu'ils avoient en M. PONTON leur Ami particulier, les avoit décidés : mais l'embaras fut de déterminer M. CAPPERONNIER à ne pas refufer ce pofte. On avoit en vain effaïé plus d'une fois de lui faire prendre une Chaire dans l'Univerfité. L'occupation, qu'on lui propofoit, demandoit & plus de peine & plus de tems. La peine le touchoit peu. L'objet du tems êtoit ce qui l'arrêtoit; & d'ailleurs il avoit une forte de répugnance à fe transplanter tout-à-coup dans le plus grand monde; lui, qui jusqu'alors n'avoit vécu qu'avec fes Livres. Il fallut que tous fes Amis fe mêlaffent de cette affaire; & plus de deux mois se pafsèrent fans qu'il pût fe réfoudre. M. COLLESSON, qui le connoiffoit plus à fonds que les autres, le prit eufin par fon endroit fenfible. Il lui fit envisager dans l'occa fon, qui fe préfentoit, des moïens furs d'être plus utile à sa Famille, qu'il n'avoit pu l'être jusqu'alors, Il se rendit à cette

raifon; &, fans s'informer même des Conditions, qu'on lui vouloit faire, il alla le 2. de Février 1711. prendre poffeffiora de fon nouvel emploi. Six mois après M. & Madame de CROZAT lui témoignèrent le contentement, qu'ils avoient de fes foins & de fon application pour fes Elèves, par un Contrat de cent Piftoles de rente, dont il a joui jufqu'à fa mort. A peine cette Penfion lui fut-elle affurée, qu'il remit à la Faculté des Arts celle qu'il tenoit de fa libéralité. L'Education, qu'il avoit à faire, n'êtoit pas un petit Ouvrage. Les trois Frères êtoient d'un caractère d'efprit abfolument différent; & M. CAPPERONperfuadé, comme le font tous ceux qui favent ce que c'eft, qu'il n'y a point de Méthode générale; & que c'est par la connoiffance des Sujets même, que l'on entreprend de former, qu'il faut fe prefcrire celle que l'on doit fuivre, fut obligé de conduire fes trois Elèves au même but par trois routes différentes. L'eftime & l'amitié tendre, dont ils ont depuis païé fes foins, font l'éloge & de la folidité de leur éducation & de la bonté de leur cœur.

NIER,

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Dès qu'il fut déchargé de ce travail, il ne fongea qu'à fe redonner tout entier à fes Etudes qu'il n'avoit point difcontinuées. Il êtoit tems pour lui, me difoit-il alors, frui partis ; & c'étoit pour commencer à recueillir le fruit de fes travaux, qu'il s'occupoit à mettre en ordre fes différentes Obfervations Philologiques, lorsqu'à la fin de Septembre 1721. il reçut à Tugny, Terre de M. CROZAT en Champagne, la nouvelle de la mort de M. l'Abbé MASSIEU, Profeffeur Roial en Langue Grecque. La place de Profeffeur Roial êtoit l'unique objet de fon ambition. Depuis qu'il êtoit en êtat de la remplir, il l'avoit, en concurrence & du confentement de M. BOIVIN fon Ami, demandée toutes les fois qu'elle avoit êté vacante ; & s'êtoit confolé de ne l'avoir pas obtenue, en voïant qu'on lui préféroit des gens habiles. S'il la devoit manquer encore il êtoit dans la réfolution de ne s'en pas affliger, en confidérant qu'un Homme du mérite de M. BOIVIN, avoit demandé fept fois cette Place inutilement, & ne l'avoit obtenue que la huitième. Comme la Cour alors êtoit à Rheims pour le Sacre du Ror, M. CAPPERONNIER s'y rendit, Ses Protecteurs le préfentèrent au Cardinal Du Bois, & M. le Cardinal DE ROHAN lui fit l'honneur d'appuïer fa demande. Le Ministre le reçut fort bien; lui donna bonne espérance, & le remit au retour du Sacre, pour terminer l'affaire à Versailles. Peu s'en fallut que M. CAPPERONNIER n'échouât encore. La Place êtoit demandée par quelqu'un, dont le plus grand mérite, peut-être, êtoir d'être protégé par un Ami particulier du Cardinal Miniftre; & qui, pour se débarasser d'un Concurrent auffi redoutable pour lui, que M, CAPPERONNIER le devoit être, avoit

par

fait entendre à fon Protecteur, que c'êtoit un Vieillard ufé l'Etude, & devenu, par fes infirmités, incapable de fatisfaire aux devoirs d'un Profeffeur Roial. Ce faux expofé ne laiffoit pas d'avoir fait quelque impreffion; mais comme M. CAPPERONNIER n'avoit alors que 51. ans, & qu'il jouiffoit d'une fanté, que deux grandes maladies, effuïées les deux années précèdentes, avoient plutôt renouvellée qu'affoiblie, il ne fut pas difficile de défabufer le Cardinal, qui fe reffouvint d'ailleurs, que dès le mois de Septembre 1721. tems, où l'on commençoit à croire, que l'Abbé MASSIEU n'iroit pas loin, il avoit promis de s'emploïer à faire donner fa place à M. CAPPERONNIER. Sa promeffe avoit êté l'effet d'un Mémoire affés confidérable, que ce dernier avoit fait à la Campagne, fans Livres, & par le fecours feul de fa Mémoire, fur une matière utile & curieufe, dont il ne paroiffoit pas devoir être fort inftruit. Circonftances, qui firent que le Cardinal Du Bois, en lifant ce Mémoire, n'en fut pas moins furpris que fatisfait. Pendant que M. CAR PERONNIER follicitoit la feule chofe, qu'il eût toujours defirée, je dus à la fituation, où je me trouvois, le bonheur de lui pouvoir, au gré de ma reconnoiffance, être de quelque utilité. Je n'ai garde en difant cela, de me vouloir mettre au niveau de fes puiffans Protecteurs: mais on fait que les Grands achèvent quelquefois de fe déterminer par un fentiment de bonté pour qui mérite le moins d'attention. C'eft un caprice du moment, & l'on auroit tort de s'en glorifier. M. CAPPERONNIER fut nommé Profeffeur Roïal le 22. Octobre 1722, & dans le courant du mois de Décembre fuivant, il en commença les fonctions par un Difcours fur l'Ufage & l'Excellence de la Langue Grecque, lequel, conforme au caractère de fon efprit, ne renfermoit que des penfées folides, exprimées dans un Stile fimple, mais élégant & relevé par la Latinité la plus pure.

Ce fut alors qu'il crut devoir abfolument commencer à faire part de fes travaux au Public. Il choifit QUINTILIEN, pour s'annoncer. Il avoit travaillé fur cet Auteur toute fa vie; & M. BURMANN venoit d'en donner une Edition, dont les Savans êtoient peu fatisfaits. 11 fe mit donc à difpofer la fienne. ANTOINE-URBAIN COUSTELIER S'offrit à l'imprimer. Une appli cation affidue fit que ce grand Ouvrage fût en êtat de paroître en 1725. in-folio, fous ce titre; MARCI FABII QUINCTILIANI de ORATORIA INSTITUTIONE Libri XII. Totum textum recognovit, pluribus in locis emendavit, selectas variorum Interpretum notas recenfuit, explanavit, caftigavit, novas, quibus difficiliora Quinctiliani loca & antiqua veterum Thecnologia explicatur, adjunxit CLAUDIUS CAPPERONNERIUS Mon-Defiderianus, Licentiatus Theologus Parifienfis & Regius Græcarum Literarum Profeller. Il eut l'honneur de présenter ce Livre au Roi. Son Epî.

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