1 1 3 2 2 ESSAIS PHILOLOGIQUES. IV. Page 92. Vers 78. Au fond qu'est-ce que cela fait, que celui qui pafle pour décendre de plusieurs Héros, en soit phifiquement le Décendant, & qu'aucune de les Aïeules n'ait fauffé la foi conjugale ? Par rapport à la Société, la Décendance est une affaire d'opinion. Le Fils d'une Femme est présumé l'être de fon Mari. C'est une affaire de bonne foi par rapport à ce Fils, qui ne doit pas même soupçonner, qu'il puisse avoir reçu le jour d'un autre , que du Mari de sa Mère; & qui tient de l'opinion publique & de sa bonne foi, le droit de jouir de toutes les prérogatives attachées au Nom, qu'il porte. A quoi tend la question, que le Poëte fait en cet endroit aux Nobles, qu'il apostrophe? Quelle conséquence prétend-il tirer de l'ignorance, où ces Nobles peuvent être sur la chasteté de toutes leurs Aïeules ? Ces deux Vers, qui suivent ceux que l'on vient de lire, Que maudit soit le jour , ou cette vanité Vint ici de nos mæurs souiller la pureté ! semblent vouloir faire entendre que la pensée de l'Auteur est qu'on a tort d'être vain de fa Naifsance, parce qu'en effet on ne peut jamais être sur fi réellement on dêcend de ceux de qui l'on croit être décendu. L'opinion du Public & la bonne foi des Intéressés, font le titre de ces derniers. Que leurs Aïeules aient êté des Epouses fidèles, ou qu'elles aient êté Mère par le crime, l'avantage de la Naissance n'en est ni plus réel ni plus vain. Il suffit qu'on soit l'Héritier d'un Ņom rendu faa meux par des Héros, pour être obligé de soutenir l'éclat de ce Nom par les mêmes endroits , qui l'ont illuftré. C'est la nécessité de cette obligation, que l'Auteur avoit commencé de prouver; & c'est à quoi la Question , qu'il fait aux Nobles , & la prétendue Conclusion, qu'il en tire, n'ont aucun rapport. Ainsi tout ce qu'il dit depuis le Vers 71. jusqu'aux deux derniers , que je viens de rapporter , est absolument hors de propos, peut être excusé que par la liberté que l'on a dans la Satire de quitter & de reprendre son sujet , quand & comme on le veut, pour profiter des occafions, qui se présentent, de faire quelque Critique particulière, ou d'égaïer ses raisonnemens par quelque plaisanterie. Despréaux en cet endroit n'a longé qu'à réjouir son Lecteur; & son mérite est d'avoir anobli par la beauté de ses Vers & par la noblesse de ses Expressions, ce qui n'est en soi-même qu'une Bouffonerie triviale & bafie. V. Page 92. Vers 87. Que maudit soit le jour , ou cette vanité Vint ici de nos meurs souiller la pureté ! 1'. Dans la Remarque précèdente j'ai cité ces deux Vers, comme étant une forte de conclusion de la & ne a Question qui les précède; ce que je n'ai fait que par ce qu'ils la suivent immédiatement & qu'ils y sont naturellement liés par ces mots,cette vanité. Le Pronom démonstratif marque toujours un rapport avec ce que l'on vient de dire en dernier lieu. Mais dans la vérité les deux Vers, dont il s'agit à présent, ne sont point la conclusion de ce qui précède. C'est une fimple Transition, pour passer à ce qui reste à dire ; & ces termes , cette vanité se rapportent à tout ce que l'Auteur a dit précédemment sur le vain entêtement de la Naissance. Mais ce tour est répréhensible ici parce que cette, dans son voisinage , n'a rien , à quoi l'on puille le rapporter, & que les Pronoms démonstratifs êtant des elpèces de Relatifs, ils doivent être près du Terme de rapport, duquel ils dépendent. 2. Si l'on veut y regarder de près on verra qu'ici dans le second Vers est une pure cheville, & qu'en conséquence de la suite du Discours, il n'y peut rien signifier. C'est au reste si peu de chofe, qu'il me doit fuffire d'en avoir averti. VI. Page 93. Vers 109. A la rigueur on pourroit dire que le quatrième, Vers devoit s'unir au troisième par une Conjonction. Je crois pourtant qu'on le peut laisser passer fans y rien reprendre. Mais il n'en est pas de même du cinquième. Et , qui le commence ne tient à rien; & les deux Phrases, qu'il unit, ne peuvent pas être jointes ensemble. VII. Page 95. Vers 135. Revêtu d'honneurs' ne souffre aucune difficulté : mais peut-on dire de même revêtu de mérite? Le Mérite n'est autre chose que l'assemblage des bonnes qualités intérieures , soit naturelles, soit aquifes, produit au dehors par les actions. Quel rapport de reffemblance peut-on imaginer entre le Mérite & quoi que ce soit de ce qui sert à revêtir? La Métaphore est sans jufteffe. REMARQUES SUR LA VI. SATIRE, I. La crainte de grosir trop le premier Tome ne m'a pas permis d'y faire usage dans les Remarques de ce que M. de Muralt, & le P. Brumoy Jésuite ont écrit au sujet de la VI. Satire. La même crainte ne doit pas avoir lieu pour ce Volume, qui doit principalement servir de supplément au premier. M. de Muralt a fait une Critique très-détaillée de la VI. Satire dans la sixième de ses LETTRES sur les Anglois les François és sur les Voyages ; & le P. Brumoy s'eft chargé d'y répondre par un Ecrit intitulé: De'. FENSE de la sixième Satyre de Boileau. Ce petit Ouvrage se trouve à la suite de l'APOLOGIE dů Caractère des Anglois & des François , que l'Abbé Desfontaines opposa dans le tems aux Lettres de M. de Muralt. Cette Apologie est un Ouvrage digne en même tems , & de fon Auteur , & de l'Ouvrage auquel elle répond. Comme on réunit actuellement le tout dans une nouvelle Edition, il est inutile que je m'arrête à faire connoître celles qui s'en font faites précèdemment. Je reviens au petit Ecrit du P, Brumoy, qui le commence ainsi. Le Gentilhomme Suiffe, Auteur des Lettres sur les Anglois & sur les François, attaque cette Satire (la VI.) d'une manière si piquantes si peu équitable, que je ne crois pas qu'on doive la lui abandonner, sans examiner au moins sa Critique. Si on l'en croit, ce n'est pas seulement une pièce médiocre, c'est un Ouvrage détestable, & s'il ne le dit pas tout d'abord , il l'afure ji affirmativement dans le détail, que bien des gens s'en sont laissés , dit-on , persuader , beaucoup plus sans doute à cause de l'air décisif & triomphant , qu'il affecte, que par la solidité de ses raisons. Il ne peut trouver mauvais qu'on les pèse, & qu'on démêle ce qu'il y a d'outré. Ce feroit de plus trahir la vérité, que de livrer ainsi à une Critique , la plus singulière qui fíît jamais , une Pièce, qui ne mérite pas un pa. reil affront , quoiqu'elle soit peut-être une des plus foibles de Despréaux (a). C'est, comme on voit, le seul intérêt de l'équité, qui m'engage à entrer dans un détail, sans doute ennuïeux, mais nécessaire en faveur d'un Poëte, dont le nom mériteroit un autre Apologifte. L'Auteur des Lettres raconte que dans un Vorage de Paris à Lion un Abbé Bel-Esprit s'avisa de lui demander s'il avoit lu Despréaux, ce qu'il en penfoit ; qu'un de ses Amis da lui répondirent qu'ils l'eftimoient comme un AUTEUR , où il se trouve plus de bon que de mauvais ( vożés l'indulgence!): mais que quelques Poetes ANGLois avoient plus de génie que celui-là. Il n'est point ici question des Anglois. L'Abbé, peu content de cette réponse, leur lut la VI. Satire. Il est vrai qu'il choisit mal, & l'on avoue que Cette Pièce n'est pas la meilleure de Despréaux. Elle est née de fon premier Ouvrage ; c'est-à-dire , qu'elle n'a été composée que des morceaux , qui n'ont pu entrer dans la I. Satire : & Despre’aux en avoit tiré le sujet de la III. Satire de Juvénal sur un Philofophe, qui (*) LC P, Brumoy se sert ordinairement du nom de Boileau, : |