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nes, qu'eft-il autre chofe qu'une Folie, qu'une Fu. reur? C'est même par une fuite de cette Vérité, que nôtre Auteur, dans la VIII. Satire, a pu traiter à bon droit Alexandre d'écervelé, de fougueux l'Angeli, d'enragé.

IV. Page 92. Vers 78.

Tous les livres font pleins des titres de vos Peres :
Leurs noms font échappez du naufrage des temps:
Mais qui m'affurera, qu'en ce long cercles d'ans,
A leurs fameux Epoux vos Ayeules fideles,
Aux douceurs des Galans furent toûjours rebelles?
Et comment fçavez-vous fi quelque audacieux
N'a point interrompu le cours de vos ayeux :
Et fi leur fang tout pur, ainfi leur noblesse,
Eft paflé jusqu'à vous de Lucrece en Lucrece.

que

Au fond qu'est-ce que cela fait, que celui qui paffe pour dêcendre de plufieurs Héros, en foit phifiquement le Dêcendant, & qu'aucune de fes Aïeules n'ait fauffé la foi conjugale? Par rapport à la Société, la Décendance eft une affaire d'opinion. Le Fils d'une Femme eft préfumé l'être de fon Mari. C'eft une affaire de bonne foi par rapport à ce Fils, qui ne doit pas même foupçonner, qu'il puiffe avoir reçu le jour d'un autre, que du Mari de fa Mère; & qui tient de l'opinion publique & de fa bonne foi, le droit de jouir de toutes les prérogatives attachées au Nom, qu'il porte. A quoi tend la queftion, que le Poëte fait en cet endroit aux Nobles, qu'il apoftrophe? Quelle conféquence prétend-il tirer de l'ignorance, où ces Nobles peuvent être fur la chafteté de toutes leurs Aieules? Ces deux Vers, qui fuivent ceux que l'on vient de lire,

Que maudit foit le jour, où cette vanité Vint ici de nos mœurs fouiller la pureté ! femblent vouloir faire entendre que la pensée de l'Auteur eft qu'on a tort d'être vain de fa Naif fance, parce qu'en effet on ne peut jamais être fur fi réellement on dêcend de ceux de qui l'on croit être dêcendu. L'opinion du Public & la bonne foi des Intéreffés, font le titre de ces derniers. Que leurs Aïeules aient êté des Epoufes fidèles, ou qu'elles aient êté Mère par le crime, l'avantage de la Naiffance n'en eft ni plus réel ni plus vain. Il fuffit qu'on foit l'Héritier d'un Nom rendu fameux par des Héros, pour être obligé de foutenir l'éclat de ce Nom par les mêmes endroits, qui l'ont illuftré. C'eft la néceffité de cette obligation, que l'Auteur avoit commencé de prouver; & c'eft à quoi la Question, qu'il fait aux Nobles, & la prétendue Conclufion, qu'il en tire, n'ont aucun rapport. Ainfi tout ce qu'il dit depuis le Vers 71. jufqu'aux deux derniers, que je viens de rapporter, eft abfolument hors de propos, & ne peut être excufé que par la liberté que l'on a dans la Satire de quitter & de réprendre fon fujet, quand & comme on le veut, pour profiter des occafions, qui fe préfentent, de faire quelque Critique particulière, ou d'égaïer fes raifonnemens par quelque plaifanterie. Defpréaux en cet endroit n'a fongé qu'à réjouir fon Lecteur; & fon mérite eft d'avoir anobli par la beauté de fes Vers & par la nobleffe de fes Expreffions, ce qui n'eft en foi-même qu'une Bouffonerie triviale & basse.

V. Page 92. Vers 87.

Que maudit foit le jour, où cette vanité
Vint ici de nos mœurs fouiller la pureté !

1°. Dans la Remarque précèdente j'ai cité ces deux Vers, comme êtant une forte de conclufion de la

Question,qui les précède; ce que je n'ai fait que parce qu'ils la fuivent immédiatement & qu'ils y font naturellement liés par ces mots,cette vanité. Le Pronom démonftratif marque toujours un rapport avec ce que l'on vient de dire en dernier lieu. Mais dans la vérité les deux Vers, dont il s'agit à préfent, ne font point la conclufion de ce qui précède. C'est une fimple Transition, pour paffer à ce qui refte à dire; & ces termes cette vanité le rapportent à tout ce que l'Auteur a dit précèdemment fur le vain entêtement de la Naiffance. Mais ce tour eft répré henfible ici parce que cette, dans fon voisinage n'a rien, à quoi l'on puiffe le rapporter, & que les Pronoms démonftratifs êtant des espèces de Relatifs, ils doivent être près du Terme de rapport, duquel ils dépendent.

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2o. Si l'on veut y regarder de près on verra qu'ici dans le fecond Vers eft une pure cheville, & qu'en conféquence de la fuite du Difcours, il n'y peut rien fignifier. C'eft au refle fi peu de chofe, qu'il me doit fuffire d'en avoir averti.

VI. Page 93. Vers 109.
Alors, pour foûtenir fon rang & sa naiffance,
Il fallut étaler le luxe & la dépenfe;

Il fallut habiter un fuperbe palais,
Faire par les couleurs diftinguer fes valets:
Et traînant en tous lieux de pompeux équipages
Le Duc & le Marquis fe reconnut aux Pages.

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A la rigueur on pourroit dire que le quatrième Vers devoit s'unir au troifième par une Conjonction. Je crois pourtant qu'on le peut laiffer paffer fans y rien reprendre. Mais il n'en eft pas de même du cinquième. Et, qui le commence ne tient à rien; & les deux Phrafes, qu'il unit, ne peuvent pas être jointes enfemble.

VII. Page 95. Vers 135.

Toi donc, qui de merite & d'honneurs revêtu,

Revêtu d'honneurs ne fouffre aucune difficulté: mais peut-on dire de même revêtu de mérite? Le Mérite n'eft autre chofe que l'affemblage des bonnes qualités intérieures, foit naturelles, foit aquifes, produit au dehors par les actions. Quel rapport de reffemblance peut-on imaginer entre le Mérite & quoi que ce foit de ce qui fert à revêtir? La Métaphore eft fans jufteffe.

REMARQUES SUR LA VI. SATIRE,

I.

LA crainte de groffir trop le premier Tome ne m'a pas permis d'y faire ufage dans les Remarques de ce que M. de Muralt, & le P. Brumoy Jéfuite ont écrit au fujet de la VI. Satire. La même crainte ne doit pas avoir lieu pour ce Volume, qui doit principalement fervir de fupplément au premier. M. de Muralt a fait une Critique très-détaillée de la VI. Satire dans la fixième de fes LETTRES fur les Anglois

les François & fur les Voyages; & le P. Brumoy s'eft chargé d'y répondre par un Ecrit intitulé: DEFENSE de la fixième SATYRE de BOILEAU. Ce petit Ouvrage se trouve à la fuite de l'APOLOGIE du Caractère des Anglois & des François, que l'Abbé Desfontaines oppofa dans le tems aux Lettres de M. de Muralt. Cette Apologie eft un Ouvrage digne en même tems, & de fon Auteur, & de l'Ouvrage auquel elle répond. Comme on réunit actuellement le tout dans une nouvelle Edition, il est inutile que je m'arrête à faire connoître celles qui s'en font faites précèdemment. Je reviens au petit Ecrit du P. Brumoy, qui le commence ainfi.

Le Gentilhomme Suiffe, Auteur des Lettres fur les Anglois & fur les François, attaque cette Satire. (la VI.) d'une manière fi piquante & fi peu équitable, que je ne crois pas qu'on doive la lui abandonner, fans examiner au moins fa Critique. Si on l'en croit, ce n'eft pas feulement une Pièce médiocre,c'est un Ouvrage détestable, & s'il ne le dit pas tout d'abord, il laffure fi affirmativement dans le détail, que bien des gens s'en font laiffés, dit-on, perfuader, beaucoup plus fans doute à caufe de l'air décifif & triomphant, qu'il affecte, que par la folidité de fes raifons. Il ne peut trouver mauvais qu'on les pèfe, & qu'on démêle ce qu'il y a d'outré. Ce feroit de plus trahir la vérité, que de livrer ainfi à une Critique, la plus fingulière qui fût jamais, une Pièce, qui ne mérite pas un pareil affront, quoiqu'elle foit peut-être une des plus foibles de Defpréaux (a). C'est, comme on voit, le feul intérêt de l'équité, qui m'engage à entrer dans un détail, fans doute ennuieux, mais néceffaire en faveur d'un Poëte, dont le nom mériteroit un autre Apologifte.

L'Auteur des Lettres raconte que dans un Voïage de Paris à Lion un Abbé Bel-Efprit s'avifa de lui demander s'il avoit lu Defpréaux, & ce qu'il en penfoit; qu'un de fes Amis & lui répondirent qu'ils l'ef timoient comme un AUTEUR, où il fe trouve plus de bon que de mauvais (voiés l'indulgence!): mais que quelques POETES ANGLOIS avoient plus de génie que celui-là. Il n'est point ici queftion des Anglois. L'Abbé, peu content de cette réponse, leur lut la VI. Satire. Il est vrai qu'il choifit mal, & l'on avoue que cette Pièce n'eft pas la meilleure de Defpréaux. Elle eft née de fon premier Ouvrage ; c'est-à-dire, qu'elle n'a été composée que des morceaux, qui n'ont pu entrer dans la I. Satire : & DESPRE AUX en avoit tiré le fujet de la III. Satire de Juvénal fur un Philofophe, qui (e) Le P, Brumoy se sert ordinairement du nom de Boileau.

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