Page images
PDF
EPUB

phée (a) le voilà dans le fein de la victoire.

Pindare naquit à Thébes en Béotie dans la 65 Olympiade, 500 ans avant J. C. Quand Alexandre ruina cette ville. il voulut que la maifon où ce poëte avoit demeuré fût confervée.

Avant Pindare la Grece avoit eu plufieurs Lyriques, dont les noms font encore fameux, quoique les ouvrages de la plupart ne fubfiftent plus. Alcman fut célebre à Lacédémone: Stefichore en Sicile: Sapho fit honneur à fon fexe, & donna fon nom au vers fapphique, qu'elle inventa. Elle étoit de l'ile de Lesbos, auffi-bien qu'Alcée, qui fleurit dans le même-tems, & qui fut l'inventeur du vers alcaïque, celui de tous les vers lyriques qui a le plus de majefté.

ANACRÉ ON.

Anacréon de Téos, ville d'Ionie; s'étoit rendu célebre plufieurs fiecles auparavant. Il fut contemporain de Cyrus, & mourut la 6 Olymp. âgé de quatrevingt-trois ans. Il nous refte encore un affez grand nombre de fes pieces qui ne refpirent toutes que le plaifir & l'amufe

(a) Alphée, riviere qui paffe dans le Péloponefe auprès du lieu où fe célébroient les Jeux.

ment. Elles font courtes. Ce n'eft le plus fouvent qu'un fentiment gracieux, une idée douce, un compliment délicat tourné en allégorie : ce font des graces fimples, naïves, demi-vêtues.

Sa Colombe eft un chef-d'œuvre de délicateffe. M. Lefebvre difoit qu'il ne fembloit pas que ce fût l'ouvrage d'un homme, mais celui des Mufes mêmes & des Graces.

» D'où viens-tu, aimable Colombe ? » d'où viens-tu ? D'où viennent >> odeurs dont tu es parfumée ? Pourquoi »fends-tu les airs? Je defire de l'ap» prendre.

» Anacréon m'envoie vers Bathylle >> fon ami. J'étois à Vénus. Cette déeffe » me donna à ce poëte pour avoir un » de fes hymnes. Maintenant c'est lui que » je fers. Ce font fes lettres que je porte. >> Il veut bientôt me mettre en liberté. » Mais quand il me renverroit, je ref>>terois toujours pour le fervir. Irois-je » voler fur les montagnes, me percher »fur les arbres, manger quelque graine » fauvage? Avec lui, je mange du pain, » que je lui prends dans les doigts: je » bois fon vin dans fa coupe. Quand j'ai

bu, je danfe, je le couvre de mes » aîles, puis je m'endors fur fa lyre. »Voilà tout. Adieu, vous m'avez fait » caufer plus qu'une corneille.

Autrefois on fe fervoit d'oifeaux pour porter les lettres. La colombe qui parle dans cette piece, eft un de ces courriers ailés. Quelle naïveté dans fon difcours! que de graces! Quel agrément dans l'image qu'elle préfente de fa vie, & de. celie de fon maître, de la douce liberté qui regne chez lui! Mais ces beautés ne fe démontrent point, il faut être né pour les fentir.

Quelquefois fes chanfons ne préfentent qu'une fcene gracieufe, que l'image d'un gazon qui invite à fe repofer.

» Mon cher Bathylle, affeyez-vous » à l'ombre de ces beaux arbres. Les »zéphirs agitent mollement leurs feuil»les. Voyez cette claire fontaine qui » coule & qui sembe nous inviter. Hé, » qui pourroit, en voyant un fibeaulieu, >> ne point s'y repofer?

Quelquefois c'eft un petit récit allégorique :

» Un jour les Mufes firent l'Amour >> prifonnier. Elles le lierent auffitôt avec >> des guirlandes de fleurs, & le mirent » fous la garde de la Beauté. La déesse » de Cythere vint pour racheter son fils; >> mais les chaînes qu'il porte ne font plus » des chaînes, pour lui; il veut refter » dans fa captivité.

Rien n'eft plus ingénieux & en même

tems plus délicat que cette fiction. L'Amour apparemment avoit dreffé des embûches aux Mufes l'ennemi eft pris, lié, mis en prifon. C'est la Beauté qui est chargée d'en répondre. On veut lui rendre la liberté, il n'en veut plus, il aime mieux être prifonnier. On fent combien il y a de chofes vraies, douces & fines dans cette image. Rien n'eft fi galant.

CHAPITRE VII.

HORAC E.

HORACE, le premier & le feul des

Latins qui ait réuffi parfaitement dans l'Ode, s'étoit rempli de la lecture de tous les Lyriques grecs. Il a, felon les fujets, la gravité & la nobleffe d'Alcće & de Stefichore, l'élévation & la fougue de Pindare, le feu, la vivacité de Sappho, la molleffe & la douceur d'Anacréon. Néanmoins on fent quelquefois qu'il y a de l'art chez lui, & qu'il fonge à égaler des modeles. Anacréon est plus doux, Pindare plus hardi, Sappho dans les deux morceaux qui nous reftent, montre plus de feu, & probablement Alcée avec fa lyre d'or, étoit plus grand encore & plus majeftueux. Il femble même qu'en tout genre de littérature &

de goût, les Grecs aient eu une forte de droit d'aîneffe. Ils font chez eux quand ils font fur le Parnaffe. Virgile n'eft pas fi riche, fi abondant, fi aifé qu'Homere. Térence, felon toutes les apparences, ne vaut pas tout ce que valoit Ménandre. En un mot, s'il m'étoit permis de m'exprimer ainfi, je dirois que les Grecs paroiffent nés riches, & que les autres au contraire reffemblent un peu à des gens de fortune.

On peut appliquer au lyrique d'Horace ce qu'il a dit lui-même du Destin : qu'il reffemble à un fleuve qui tantôt paisible au milieu de ses rives, marche fans bruit vers la mer; & tantôt, quand les torrens ont groffi fon cours, emporte avec lui les rochers qu'il a minés, les arbres qu'il déracine, les troupeaux & les maifons des laboureurs, en faifant retentir au loin les forêts & les montagnes (a).

Quoi de plus doux que fon ode fur la mort de Quintilius! Jules Scaliger admi

(a)

[ocr errors]

nunc medio alveo

Cum pace delabentis Etrufcum

In mare, nunc lapides adefos

Stirpefque raptas, & pecus, & domos,

Volventis unà; non fine montium

Clamore, vicinæque fylvæ

Cum fera diluvies quietos

Irritat amnes,

« PreviousContinue »