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Théophraste et les Caractères de Théophraste, l'autre les dix premiers chapitres des Caractères de la Bruyère et les commentaires qui les suivent.

Bien qu'il ne soit pas conforme au plan de la Collection des Grands écrivains d'illustrer ses volumes, nous plaçons en tête de celui-ci un portrait inédit, attribué à Tournières, dont il sera introduit un second exemplaire dans notre Album. Il nous présente un la Bruyère plus jeune et moins assombri que celui de Saint-Jean, qui n'est connu que par des gravures. Le nom manuscrit M. de la Bruÿiere, qui se lit sur le châssis et qui est d'une écriture de la fin du dix-septième siècle, la comparaison l'on peut que faire du portrait avec celui qui a été gravé, d'après Saint-Jean, par Drevet en 1698 pour le marquis de Bullion, prévot de Paris, ne laissent point de doute, ce nous semble, sur l'authenticité de cette nouvelle image. Les lecteurs remercieront avec nous le possesseur de ce portrait, qui a bien voulu autoriser M. Charles Oulmont à nous le communiquer et nous-même à le reproduire dans l'héliogravure ci-jointe. Il en sera parlé plus longuement pages CCLXXI et CCLXXII.

Des amis, qui ne veulent être ni remerciés ni même nommés ici, ont facilité ma tâche, se chargeant de recherches complémentaires aux Archives nationales, dans les bibliothèques publiques et dans les bibliothèques privées, ou de collations que je ne pouvais entreprendre. Parmi les collaborateurs auxquels j'ai fait appel et qui me sont venus en aide avec une bonne grâce dont je suis reconnaissant, il en est un du moins dont le nom ne pouvait être omis dans cet Avertissement, celui de M. Marcel

Bouteron, de la Bibliothèque de l'Institut, que j'ai déjà cité après avoir dressé le catalogue ci-dessus mentionné, M. Bouteron a bien voulu relire les dernières épreuves de trois volumes.

Il y a cinquante ans, au mois d'octobre 1861, paraissaient les premiers volumes de la Collection des Grands écrivains de la France, dont l'éminent fondateur de la maison Hachette avait confié la direction à M. Ad. Regnier et dans laquelle il se proposait de publier, en un texte très soigneusement établi et patiemment commenté, les ouvrages des auteurs les plus illustres du dix-septième siècle: c'étaient les tomes I et II des Lettres de Mme de Sévigné. D'autres volumes les suivirent de très près, et j'ajouterais que les volumes de chaque édition se sont dès lors succédé avec une constante régularité si la publication du tome III de celle-ci n'avait subi un retard de plusieurs années. En me ramenant à un demi-siècle en arrière, que de souvenirs et surtout combien de deuils devait me rappeler la révision des tomes I et II des OEuvres de la Bruyère, jadis préparés au milieu de collaborateurs qui ont tous disparu, nul d'entre eux n'ayant assez vécu pour assister à une réimpression! Dernier témoin des travaux accomplis par les Paul Mesnard, Despois, Lalanne, Marty-Laveaux, Feillet, Gilbert, Gourdault, Chantelauze, qu'il me soit permis, dans cet Avertissement qui porte la date d'un cinquantenaire, de rendre un pieux et bref hommage à leur mémoire, à celle aussi de MM. Louis Hachette et Émile Templier, qui, avec un zèle égal et un égal dévouement à l'œuvre commune, présidèrent à nos publications, à la mémoire enfin

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de notre respecté directeur, M. Regnier, que nous perdions en 1884 à cette date était seule en cours la magistrale édition des Mémoires de Saint-Simon, commencée en 1879, qu'Arthur de Boislisle ne put achever, la mort l'ayant frappé en 1909 au milieu de sa tâche. Il a été dit maintes fois dans nos Avertissements ce que la Collection des Grands écrivains doit à M. Regnier; encore mieux qu'en lisant nos remercîments, on apprendrait quelle part il a prise aux travaux de chacun de nous si l'on pouvait parcourir la correspondance qu'il entretint pendant plus de vingt années avec ses collaborateurs. Qu'en a-t-il été conservé? je ne sais. Du moins la Bibliothèque de l'Institut en possède-t-elle une faible partie, qui est relative aux éditions de Corneille et de la Bruyère.

Octobre 1911.

G. SERVOIS.

AVERTISSEMENT

DE LA PREMIÈRE ÉDITION.

IL

y a de bonnes éditions de la Bruyère, il n'en est pas de parfaite. Plus d'une fois déjà les admirateurs des Caractères ont cru tenir entre leurs mains, sinon l'édition vraiment définitive, du moins celle qui leur apportait un texte désormais immuable en ses moindres détails, accompagné de toutes les variantes, sans exception, qui ont marqué le travail incessant de l'auteur sur sa pensée et sur son style. Mais qui eût pu se flatter, dès la première ou la seconde tentative, de saisir à travers neuf réimpressions, trop souvent incorrectes, les retouches innombrables que faisait la Bruyère d'une édition à l'autre, et parfois même pendant le tirage d'une même édition ? Walckenaer en avait recueilli un grand grand nombre, initiant ainsi les lecteurs à certains secrets de composition et à plus d'un scrupule de style et de grammaire de l'auteur des Caractères; M. Destailleur a recommencé la même collation minutieuse, non sans profit pour ses deux éditions; nous l'avons reprise à notre tour, avec le désir, nous n'osons dire avec l'espoir, de ne plus rien laisser à glaner derrière nous: La Bruyère n'a publié qu'un livre, et ce livre immortel l'a placé au premier rang des moralistes et des écrivains: dans ses réflexions d'un travail

si achevé et d'un art si parfait, tous les tours, tous les mots ont leur prix, et chacune des formes qu'a successivement reçues sa pensée méritait d'être notée exactement. Quelque scrupuleux que soit à cet égard le soin des éditeurs, nous pensons qu'on ne saurait le trouver excessif.

La préparation du texte est ici toutefois la tâche la plus aisée, bien qu'elle soit la plus importante. Si nombreux qu'aient été les commentateurs, tous les passages des Caractères ne sont pas encore éclaircis. La Bruyère a écrit son livre, il l'a du moins achevé, lui-même le dit1, en vue de la postérité; mais comme c'est tout d'abord pour ses contemporains et d'après eux qu'il a composé le tableau des mœurs du siècle, on y rencontre la mention de tel nom, tel événement, tel usage qui, jadis connus de tous, appellent aujourd'hui une explication que les éditeurs ont souvent omis de nous donner.

Si Walckenaer, pour ne parler en ce moment que de sa précieuse édition, la première des éditions critiques des Caractères qui aient paru de notre temps et la plus complète que nous ayons encore, néglige d'annoter les noms écrits en toutes lettres, parfois même en capitales, s'il ne prend guère le temps de s'arrêter aux allusions que la Bruyère fait ouvertement, avec l'intention que chacun les entende, c'est que, se préoccupant tout particulièrement d'une tâche moins facile encore, de celle qui est la plus délicate, et par suite la plus attrayante peut-être pour le commentateur, il s'attache surtout aux personnages que la Bruyère, sans les nommer, laisse entrevoir, plus ou moins distinctement, dans le lointain.

Les Clefs des Caractères (c'est le terme consacré), et le commentaire plus ou moins exact et complet de ces

1. Voyez la Préface des Caractères, ci-après, p. 111.

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