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SEKENDORF. (Vite-Louis de) SELDEN. (Jean) 175

SEKENDORF, (Vite-Louis de) Auteur Politique. APRÈS avoir rempli avec honneur plufieurs places importantes, dans

l'ordre civil, cet homme habile dans la théologie, le droit & la politique, mourut confeiller-privé de l'électeur de Brandebourg & chancelier de l'univerfité de Hall, le 18 décembre 1692, laiffant plufieurs ouvrages eftimés, entr'autres un Traité du gouvernement des princes d'Allemagne, imprimé à Francfort en 1665, en un volume in-4to, en Allemand.

SELDEN, (Jean) Jurifconfulte Anglois.

EAN SELDEN, né à Salvinton dans la province de Suffex le 16 de décembre 1584, & mort à Londres le 30 de novembre 1654, a été un favant perfonnage. Ses œuvres imprimées à Londres en Anglois, en 1726, en 3 volumes in-folio, rendent un témoignage éclatant à fon érudition, fans faire un grand honneur à son génie, Trois de fes livres doivent avoir ici leur place.

I. Les Anglois s'étoient brouillés avec leurs voifins (fi néanmoins des infulaires ont des voifins) au fujet de la liberté que ces voifins prenoient de venir pêcher du harang fur les côtes d'Angleterre. C'étoient les Hollandois fur-tout qui alloient à cette pêche, & qui envoyoient même leurs gens à terre pour y fécher leurs filets & pour acheter les chofes néceffaires, & les Anglois les troubloient de temps en temps. Ces mêmes Hollandois avoient eu de pareils différens à foutenir contre les Espagnols & contre les Portugais pour le commerce des Indes. Fernand Vafquez, Efpagnol, avoit écrit en faveur de fon pays. Grotius avoit auffi pris la plume pour le fien, & avoit compofé un ouvrage fous ce titre : Mare liberum, où il foutenoit que le domaine que les Anglois & les autres nations prétendoient fur la mer, n'existoit ni ne pouvoit exifter. Selden le réfuta par un livre qui a pour titre : Mare claufum feu de dominio maris. Londini 1636, in-8vo. dont il y a eu plufieurs autres éditions latines, & dont il a paru auffi deux traductions angloifes, l'une en 1652, l'autre en 1663. Selden, que Grotius appella depuis Teffalocraticus, c'est-à-dire, le dominateur de la mer, y foutient que l'empire de la mer Britannique appartient à la couronne d'Angleterre, & il le fait avec politeffe pour Grotius; car en parlant de lui & de Vafquez, il en donne cette idée : Clariffimi quidem utrique, fed eruditione & nitore ingenii impares. Jean-Ifaac Pontanus, hiftorien & critique réfuta le mare claufum en 1637, dans fes difcuffions historiques touchant la liberté de la mer. Baptifte Burgus écrivit auffi con

tre ce même traité, & Selden répondit dans fes Vindicia imprimées à Londres en 1653, in-4to.

II. Le traité du droit de la paix & de la guerre de Grotius venoit de paroître, lorfque Selden voulut encore être fon rival. Il fit un fyftême de toutes les loix des Hébreux qui concernent le droit naturel, & les fépara d'avec celles qui fe rapportent à la conftitution particuliere de la république des Juifs. Ce fyftême a pour titre : De jure naturali & gentium juxtà difciplinam Hebræorum. Londini 1640. Si Selden fut fufceptible de jaloufie pour la gloire de Grotius, il ne fit rien d'utile pour la fienne, & ne contribua pas au progrès de la fcience du droit naturel. Il prodigua dans cet ouvrage cette vafte érudition dont fes autres livres font pleins, & il le fit dans le même défordre & avec la même obfcurité de ftyle qu'on a remarquée dans toutes les œuvres latines & angloifes (a).

Il prétend que les maximes de la raifon confidérées en elles-mêmes n'ont pas une autorité fuffifante pour nous obliger; & il veut par-là montrer la néceffité de recourir au pouvoir législatif de Dieu, foutenant que ces maximes n'acquierent proprement force de loi, que parce que la connoiffance qu'on en a, vient de Dieu qui, en les faifant connoître aux hommes, les leur donne ainfi pour des loix fuffifamment publiées. Selden ne tire donc point les principes du droit naturel des pures lumieres de la raifon, mais des préceptes donnés à Noé, qu'il fixe à fept, quoique le nombre en foit incertain. Son livre ne contient proprement qu'une compilation des décifions des rabbins, & par-là même il eft inutile; car les Juifs ont peu connu le droit naturel.

Dès que ce peuple n'eut plus de prophetes, fes docteurs corrompirent les principes les plus inconteftables du droit naturel par de fauffes glofes, par des traditions humaines, & par des fubtilités miférables. (b) » Si quelqu'un » (difoient les fcribes & les pharifiens, que Jefus-Chrift t aite pour cette >> raifon d'hypocrites & de conducteurs aveugles) jure par le temple, il » ne s'engage à rien; mais s'il jure par l'or du temple, il eft obligé de » tenir fon ferment..... Si quelqu'un jure par l'autel, il ne s'engage à » rien; mais celui qui jure par l'offrande qui eft fur l'autel, eft obligé de >> tenir fon ferment. « (c) Quiconque aura dit à fon pere ou à fa mere : ce dont j'aurois pu vous affifter eft confacré à Dieu; ne doit alors honorer fon pere ni fa mere (d) C'étoit la décifion de ces docteurs impies. Un Juif fe croyoit difpenfé de rendre aucun devoir aux premiers hommes d'une

(a) Pages 221 & 222. de la derniere édition de la bibliotheque choifie de Colomiés, & la premiere partie du fixieme tome de la bibliotheque angloife écrite en françois. (b) Matth. 15.

(c) Matth. 23. 17. 18. 23.

(¿) Matth. 15. 5•

autre

autre nation; s'ils n'embraffoient la religion judaïque. (a) Les Juifs s'imaginoient qu'ils n'étoient obligés d'obéir qu'aux magiftrats de leur nation, & c'eft fur ce principe qu'ils enfeignoient qu'il n'étoit pas permis de payer le tribut à l'empereur Romain, quoiqu'il fût en paifible poffeffion de leur pays. (6) Jefus-Chrift en cent endroits de l'évangile reproche aux docteurs Juifs leur doctrine.

Le talmud & les livres des rabbins font pleins de maximes déteftables. On y trouve qu'il n'y a point de mal à maudire les chrétiens, (c) qu'il n'eft pas permis de fecourir un idolâtre en danger de périr, (d) & mille autres principes horribles.

III. Difcours hiftorique & politique fur les loix & le gouvernement d'Angleterre, depuis les premiers temps jufqu'au regne de la reine Elifabeth, avec une apologie de l'ancienne conftitution des parlemens d'Angleterre. Cet ouvrage Anglois imprimé pour la premiere fois en 1649, a été réimprimé plufieurs fois. La derniere édition a été faite à Londres chez Daniel Browne en 1739, in-folio.

(a) Matth. 5. 47.

(b) Matth. 22. 17.

(c) Lettres de Grotius, part. I. epift. 122.

(d) Maimonides de Idololatr. verfibus & cum notis Dionyfii Vofii. cap. 10. §. 1.

ON

SÉNAT DES SOUVERAINS,

Projetté par HENRI IV, Roi de France.

N affure que Henri IV, (plufieurs mémoires du temps en font foi) pour prévenir cette fréquente & prefque toujours inutile effufion de fang humain qui dévafte l'Europe, avoit conçu le projet d'un Sénat ou aréopage de fouverains, devant lequel devoient fe plaider les caufes, & qui devoit décider de tous les grands intérêts des nations. Chaque puiffance devoit y envoyer fes députés ou ambaffadeurs, pour y porter fa voix, & y ménager fes intérêts particuliers. On auroit fait, d'un commun accord, des loix fondamentales dont le code eut formé le droit univerfel des gens, & levé une armée formidable, non-feulement pour faire refpecter les décrets de l'aréopage, & exécuter fes fentences, mais pour garantir l'Europe de toute invafion étrangere & de toute ufurpation. Au moyen de cet arrangement, tous les fouverains auroient pu congédier la plus grande partie de leurs troupes, qui devenoient dès-lors inutiles, & n'en conferver que le nombre néceffaire pour leurs gardes, & pour mettre leur pays à couvert Tome XXVIII.

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des attentats téméraires des fujets rebelles, des voleurs & autres fcélérats. Voilà encore un fyftême politique. Mais quelque brillant que puiffe paroître un pareil projet, il a le défaut infigne d'être impraticable. Il faudroit fe figurer l'Europe platonicienne, pour croire que tous les fouverains vouluffent déposer une partie de leur autorité fuprême entre les mains d'un Sénat général, que les maîtres des plus grands Etats, ne fe rendroient pas auffi les maîtres des délibérations de ce Sénat, que les foibles n'en recevroient pas moins la loi qu'auparavant; que chaque Etat, à mesure qu'il augmenteroit en habitans & en forces intrinfeques, n'auroit pas des hommes tous prêts pour faire des levées foudaines dès qu'il fe croiroit léfé par l'aréopage, & que par conféquent, il faudroit toujours en revenir à la voie des armes. Quelques expédients qu'on puiffe imaginer, quelques précautions qu'on prenne, il eft dans la nature, que les grands faffent reffentir les effets de leur fupériorité aux petits, & que les hommes ne puiffent toujours vivre en paix, mais qu'ils aient recours aux voies de fait, lorfqu'ils croient avoir épuifé celle de la douceur & de la perfuafion. En matiere de politique, il faut fe détromper des idées fpéculatives que le vulgaire fe forme fur la juftice, l'équité, la modération, la candeur, & autres vertus pareilles des nations & de leurs conducteurs: tout fe réduit finalement à la puiffance. Nous voyons une image de ce Sénat fouverain à la diete de l'Empire germanique: elle eft établie, à quelques variétés près, fur le même modele propofé par Henri IV, ainfi qu'on l'a vu à l'article ALLemagne. C'est une machine finguliérement compofée, & qui auroit été dérangée depuis long-temps, fi le fang-froid Allemand ne la confervoit dans un mouvement conftant. Mais, malgré toutes les conftitutions fondamentales, malgré toutes les loix de l'Empire, il eft notoire que la puiffance refpective des membres de ce corps influe beaucoup fur toutes les mesures qui y font prifes, & qu'avec les mêmes droits & prérogatives, les foibles n'y jouent pas le même rôle que les forts.

Systéme de réunion contre un ennemi commun.

IL eft encore un fyftême politique, que la néceffité doit faire em

braffer aux puiffances de l'Europe, lorfqu'elles font toutes menacées par un danger commun, j'entends par une invafion de quelque peuple étranger. Le péril qui les menace, en pareil cas, doit réunir tous leurs intérêts. Nulle calamité ne caufe de maux plus cruels que le débordement des nations barbares. Si elles ne font repouffées, tout eft bouleverfé, tout eft perdu. Tous les peuples européens fe reffentirent de la malheureuse invafion des Goths & des Vandales, qui, femblables aux orages les plus affreux, venoient fondre fur les pays, & abymoient tout dans leur paffage. La formidable Rome fur attaquée jufques dans l'enceinte de fes murs. Une ligue générale eft le feul rempart qu'on puiffe oppofer à de pareilles inondations. Chaque

puiffance doit alors accourir au danger, & y porter des fecours auffi prompts qu'efficaces. Il feroit impardonnable de fe fouftraire à un devoir fi naturel par une baffe jaloufie, ou par le motif de quelque petit intérêt. S'expofer à paffer le dernier fous un joug étranger, c'eft affurément une pitoyable politique. Aufli avons-nous vu tous les princes chrétiens prêter une affiftance généreufe à l'empereur, lorfque les Turcs ayant pénétré jusqu'à Vienne, en formerent le fiege. Si les Germains, du temps de Tibere, du temps de la grande migration des peuples, du temps de Charlemagne, avoient été auffi unis, ils auroient pu faire une réfiftance invincible. Au point heureux que fe trouvent aujourd'hui les affaires en Europe, je conviens qu'il n'y a aucun danger prochain à craindre; mais, lorfque je jette un regard fur la mappe-monde, que je confidere les pays immenfes dont eft compofé l'empire Ottoman, les armées innombrables qu'il peut mettre fur pied; quand je penfe que cette énorme monarchie pourroit avoir quelque jour à fa tête un Mahomet, un Soliman; quand mes yeux parcourent, ces vastes contrées d'où fortirent, vraisemblablement, autrefois les Scythes & les Sarrafins, je reconnois combien il importe aux puiffances européennes d'avoir fans ceffe un œil attentif fur les progrès de ces peuples; combien elles font imprudentes de concourir, par des alliances ou d'autres petits intérêts, à leur agrandiffement; combien fur-tout elles péchent contre les regles de la faine politique, lorfqu'elles permettent à des nations étrangeres de s'ingérer dans les affaires d'Europe, & qu'elles y attirent un effaim de leurs troupes. C'eft avoir en effet la vue trop courte pour des hommes d'Etat.

SERVIEN, (Abel) Négociateur François.

ABEL SERVIEN, ambaffadeur plénipotentiaire de France à Munfter, avec le duc de Longueville, & avec Claude de Mefme, comte d'Avaux étoit un très-grand miniftre, & des plus habiles de fon métier; mais pour bien faire fon caractere, & en même temps celui du comte d'Avaux, fon collegue, je me servirai du parallele que Vittorio Siri fait de ces deux perfonnages, afin que l'on y voie le portrait & les qualités de l'un & de l'autre. Il dit donc, que d'Avaux avoit autant de mérite qu'aucun autre miniftre du royaume, & que dans les emplois continuels, dont il avoit été chargé, il avoit acquis une expérience & une prudence, qui le rendoient capable du maniement des affaires les plus importantes; qu'il en avoit donné des preuves étant ambaffadeur à Venife, dans l'alliance qu'il y fit conclure. pour les intérêts du duc de Mantoue dans la treve qu'il négocia heureufement à Hambourg; mais particuliérement dans la fuite de la négociation de Munfter, dont celle qu'il fit à La Haye, en l'an 1644, faifoit partie.

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