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vous admire en moy, et je m'admire en vous, messieurs. Vos lumières ont dissipé une partie des ténèbres de mon esprit. Vos perfections en ont effacé quelques taches et celles qui restent ne me défigureront point. Vous témoignez avoir de la joye, messieurs, de m'avoir reçeu dans vostre noble compagnie, et vous approuvez par vos éloquentes lettres le choix de vostre illustre protecteur que j'ose à présens nommer le mien.

Il me semble que je l'entends répéter ces paroles : Si l'on me donne la sagesse à condition de la tenir enfermée, je la rejetteray comme inutile, car le plus grand fruit que l'on puisse tirer de l'esprit, de la vertu et de toutes sortes de perfections, est de les communiquer à tout le monde. C'est sur ses sages et belles maximes, messieurs, que vous m'avez donné un place dans vostre Académie royale, qui est pour ainsi dire, l'assemblée générale des états des sciences. et des vertus, puisqu'elle peut se vanter avec justice d'avoir des grammairiens versés dans toutes les langues sans confusion, des orateurs agréables sans affectation, des poëtes charmants, des historiens habiles, des philosophes admirables. On voit dans vostre auguste Académie des ecclésiastiques dont la vie est sans reproche et la doctrine exempte de soupçon. Elle fait voir des courtisans accomplis. Elle propose pour modelles d'équité des juges éclairez, qui n'ont point d'autres intérests en recommandation que ceux du prince, et de ses sujets. Mais surtout elle fournit de ces hommes divins, qui sçavent accorder l'exercice des des armes avec la pratique des beaux arts, et ce qui est encore plus rare, avec celle de toutes les vertus ; à l'exemple de nostre illustre protecteur, l'un des principaux ornemens de l'Académie françoise et de la cour.

On voit plusieurs de nos académiciens dans le temps. de la paix, employer leurs mains guerrières pour marquer les actions héroïques de l'incomparable Louis, après en avoir esté les témoins généreux. Ces éloquens et braves capitaines montent aussi agréablement à la brèche qu'au Parnasse. Ils parlent aussi éloquemment dans les Académies, qu'ils commandent sagement dans les armées. En un mot, notre Académie apprend à cueillir les lauriers de Mars, aussi bien que ceux d'Apollon.

Qui ne sçait à présent que Louis le Grand, pour récompenser vos services, a donné à vostre Académie seule le surnom de royale, que les autres ne prennent que par usurpation? Qui ne sçait encor qu'il a généreusement accordé à la nostre les mêmes honneurs et les mêmes privilèges qu'à l'Académie françoise et qu'il luy fait part comme à elle, du sceau de l'immortalité ?

Je ne sçaurois mieux finir ce discours, messieurs, que par nostre charmant protecteur, qui a mis la beauté et la vertu, l'art et la nature, la paix et la guerre dans une intelligence, dont tous les siècles passés ne nous sçauroient fournir d'exemples, et qui fera l'admiration de tout le monde. On ne sçauroit douter après cela, messieurs, qu'il ne soit l'Apollon de nostre Académie royale, puisqu'il nous communique toujours de si éclatantes lumières, lesquelles répandues également sur chacun de nous, font voir plus clairement ses grandes perfections. Chantons et répétons sans cesse ce vers admirable, qui fait son éloge et le nostre :

<< Solemque sum sua sydera norunt. »

Mercure Galant d'août 1680. Edit. de Lyon, p. 16-24, Edit. de Paris, p. 23-35. Recueil Foppens, 1682, t. II, p. 165-171 (et non 174, comme il est imprimé p. 240).

Voir dans le Mercure de mai 1680, (Paris), p. 262-70, le récit « officieux » de l'admission de Vertron à l'Académie d'Arles, avec des extraits des lettres de Saint-Aignan et de Mézeray. Il sera intéressant de le comparer avec notre récit.

Le docteur qui composa les vers, en l'honneur de Vertron, dont nous parlons plus haut, p. 240, est l'abbé de Riants.

« M. l'abbé de Riants a soutenu une thèse qu'il a dédiée à Monseigneur le Dauphin. Il en est acquitté avec beaucoup de succès. M. Guyonnet de Vertren ouvrit la dispute par un compliment que tout le monde admira. Ce qu'il eut d'extraordinaire c'est qu'il s'estoit préparé pour haranguer M. le duc de Montausier. Ce duc ne vint point et M. le premier président (Potier de Novion) s'estant trouvé à cette action, il luy parla sur le champ avec une netteté et une éloquence, qui auroient fait croire que son discours estoit médité. Il faut avoir pour cela une grande et heureuse habitude de s'exprimer en public. Les sçavantes conférences qu'on fait toutes les semaines chez M. de Bretonvilliers l'ont pu acquérir à M. de Vertren. C'est luy qui en fait presque toujours les ouvertures. M. l'abbé de Riants fut fort applaudy dans l'occasion dont je vous parle. Ses réponses furent justes et il n'y eut point de difficultez qu'il ne résolust. Il est fils de M. le marquis de Riants. C'est une des meilleures familles de la Robe, dans laquelle il y a eu plusieurs présidens à mortier. Les alliances en sont considérables. » Mercure Galant, avril 1680, p. 306-308.

L'abbé de Riants était fils de M. de Riants, maître des requêtes honoraire et neveu de M. de Riants, procureur du roi au Chatelet. Voir Mercure de novembre 1679, p. 334. On lit dans le Mercure de mai 1680, p. 262 : « M. de Vertron, madame, est celuy mesme que j'ay appelé M. de Vertren dans l'article de M. l'abbé de Riants. Il a eu l'honneur de présenter à Sa Majesté et à Monseigneur, sous les auspices de M. le duc de Montausier, des ouvrages d'éloquence et de poésie (voir p. 218240-246) et même l'abrégé de l'histoire panégyrique du Roy en quatre langues, par rapport aux vertus royales, dont le Journal des Sçavans a parlé avec éloge. La manière dont ces ouvrages ont esté reçeus a donné lieu à quelques académiciens d'Arles, de proposer à leur autheur une place dans leur compagnie, composée, comme je vous l'ay marqué dans quelqu'une de mes lettres, de personnes de qualité, de sçavoir et de vertu. MM. les marquis de Chasteaurenard et de Robias en écrivirent aussitost à M. de Saint-Aignan, comme à leur protecteur, et ce duc à qui le mérite

de M. de Vertron estoit fort connu, répondit de cette sorte au dernier, qui est secrétaire perpétuel de l'Académie dont je vous parle « Monsieur, si Mme la Dauphine... (265-68). Voir plus haut, p. 227-228, cette lettre citée in extenso.

« Le fameux M. de Mézeray, ennemi de la flatterie, écrivit aussi ce qui suit à M. de Robias: M. Guyonnet de Vertron a extraordinairement de l'érudition et de la littérature... Allié des plus considérables familles de Paris: Sève, de Billy, de Brichanteau, etc., p. 268. C'est un tesmoignage que tous ceux qui ont l'avantage de le connoistre comme je fais, doivent rendre à son mérite (270). » Et le Mercure conclut :

« Un aussi grand homme que M. de Mézeray ne se peut tromper dans ses jugements et l'on ne voit point de portraits de luy qui ne soient fidelles. Ainsi M. de Vertron doit tirer beaucoup de gloire de ce témoignage. » P. 270.

LA RÉCEPTION DU PRÉSIDENT POTIER DE NOVION A L'ACADÉMIE FRANÇAISE ET LES GRIEFS DE L'ACADÉMIE D'ARLES.

Nous avons indiqué en passant, p. 250-251, deux pièces de M. de Grille qu'on nous saura gré de publier ici in extenso. La première fut lue à une des séances de mai 1681: elle renferme d'intéressants détails.

Elle occupe dans le Registre deux feuillets cotés 197 et 197 bis: le second est ajouté sur onglet.

Après avoir rendu compte de ses démarches à Paris, M. de Grille se rendit aux désirs de ses collègues en leur racontant la réception de M. de Novion, qui succédait à Patru (1604-1681), mort le 16 janvier 1681. Voir son Eloge Journal des Sçavans, 1681, 41-44: «On demende ensuite des nouvelles de l'Académie françoise. M. le secrétaire entretient la compagnie de la réception de M. de Novion, premier présidant au Parlement de Paris dans cette compagnie. « Sur quoy, messieurs, leur dict-il j'ay de grands remerciements à faire à l'heureux génie de cette assemblée, des honneurs et des égards qu'on a eu pour vostre secrétaire, car je me connois trop, pour m'imaginer que c'est à

ma considéracion qu'on m'est faict cet honneur... » Ensuite de quoy i instruit la compagnie de tout ce qu'il falloit qu'elle sçeut, et comme, ayant rendu visite au bon homme M. de Mézeray, secrétaire de l'Académie françoise, il l'avoit invité à la réception et cérémonie du Louvre, où les portes de l'Académie seroient ouvertes à toute personne, pour la solennité prétendue de M. de Novion. « Cette solemnité, leur dict-il, se fist le jeudi 28 mars, dans le domicile des Muses, qui est un appartement bas où le roi, qui les a prises sous sa protection, les a logées dans le Louvre. Ces messieurs voulurent sçavoir le détail de cette feste, M. le secrétaire leur promit de le mettre dans le Registre et de leur feire voir à la première scéance. » Registre de l'Académie, fol. 196, verso. Séance de mai 1681.

Sur les Potier de Novion, voir Mercure Galant de mai 1686, P. 247-253.

Mémoire de Paris et relacion fidelle de tout ce qui s'y est passé durant le séjour de M. le marquis d'Estoublon touschant l'Académie.

Je voudrois bien, messieurs, pouvoir remplir vostre attente de quelque chose de grand et qui fust à peu près aussi glorieux à cette royalle Académie, que l'idée que vous avez de celle de Paris, et des choses qui s'y passe est grande. Je voudrois bien encore pour vostre intérest particullier vous pouvoir dire quelque chose d'avantageux au subjet de la médaille que vous prétendez avec tant de justice, cet entretien aggréable comme il seroit, me repareroit en quelque manière du deffault d'éloquance dont je veux bien que vous soyez prévenus en ma faveur. Oui, messieurs, je vous en prie, n'attendez rien de moi qu'une relation nüe et simple que je vous promets en qualité de bon et fidelle secrétaire, c'est là mon unique debvoir, si je ne me trompe ou du moins le principal de mes debvoirs. J'ai trop d'amour et de considéracion pour mes illustres con

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