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volontaires surent triompher de tous ces obstacles; ce fort ne fit pas alors une longue résistance; mais dès qu'on eut ouvert la première parallèle devant la porte de Roses, les pluies et les neiges abondantes remplirent la tranchée d'eau et l'on fut vingt-trois jours sans pouvoir reptendre les travaux. On fut donc obligé de renoncer à attaquer suivant les règles de l'art, vu l'impossibilité d'ouvrir la seconde tranchée, une monticule voisine offroit un plateau tracé par la nature; dans la nuit du 10 au 11, on y plaça une batterie de dix-huit pièces de vingt-quatre, et le 14 au matin, on commença de battre en brêche. Le feu fut terrible pendant deux jours; déjà le mur étoit très-endommagé, et notre bouillante jeunesse demandoit l'assaut. La garnison sentant qu'il lui seroit impossible de résister, profita de la nuit pour s'embarquer, cinq cents hom mes seulement restèrent dans la place pour favoriser le départ de leurs camarades, et se rendirent prisonniers de guerre, dès que la garni son fut hors de danger.

Aussi-tôt après la prise de ce poste ims

portant, les bruits de paix avec l'Espagne se répandirent dans Paris; mais la lenteur des négociations donna encore le tems à nos braves défenseurs de cueillir de nouveaux lauriers.

Les Espagnols ne cessèrent de faire des tentatives pour repousser les Français et même pour leur reprendre celles de leurs places fortes dont ils s'étoient emparés ; ils échouèrent dans presque toutes leurs tentatives, et les progrès de l'armée française eussent été incalculables, si le défaut de subsistances n'eût pas très-souvent arrêté leur marche.

Il fallut en effet toute la prudence et toute l'habileté de nos généraux, pour préserver leurs nombreuses armées des horreurs de la famines, dans un pays mal cultivé, peu fertile en grains, et lorsque la France elle-même, éprouvant une disette alarmante, ne pouvoit pas entretenir des magasins sur leurs derrières; nos troupes eussent à coup sûr manqué de tout, elles auroient trouvé la mort au milieu de leurs triomphes, si leurs chefs avoient obéi strictement et aux décrets de la convention

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et aux ordres qui leur étoient donnés par les comités de gouvernement avant leur régénération post thermidorienne. Mais, au lieu de se permettre les vexations qu'on commandoit aux armées victorieuses; au lieu d'établir des contributions exo birantes et peu proportionnées à la richesse des villes conquises, au lieu de contrarier les usages et les habitudes des peuples vaincus, en les forçant de se soumeure à de ridicules et inutiles sermens pos généraux ne se permettoient pas même d'user de tous les droits de la victoire ; ils n'établirent jamais que des contributions en grains ou en comestibles. Les Espagnols sont fort superstitieux, ils respectèrent leur culte et même leurs moines ; ils maintinrent la discipline la plus sévère dans leurs armées, et rarement il arriva que leurs soldats ou même leurs jeunes offi ciers portassent la moindre atteinte aug bonnes mœurs. Ils éproèrent les salutaires effets de cette conduite prudente et généreuse, principalement dans la province de Guipuscoa; à leur approche tous les habitans avoient pris la fuite; ils avoient eux

mêmes pillé, pour ainsi-dire, leurs propres richesses et n'avoient surtout laissé dans le pays aucuns moyens de subsistances; l'armée française n'avoit pas pour huit jours de vivres; elle eût infailliblement manqué de tout, si les Français n'avoient pas réussi à les dissuader des fausses suggestions que les émigrés et les prêtres réfractaires leur avoient données contre eux; ils traitèrent avec tant d'égards ceux des habitans de Guipuscoa qui, plus attachés à leurs foyers que la plupart de leurs compatriotes, n'avoient pas voulu les abandonner, 'qu'on fut promptement désabusé sur leur compte; ces braves gens coururent eux mêmes audevant de leurs concitoyens en fuite, leur vantèrent l'humanité des Français, et firent si bien qu'ils les engagèrent à rentrer dans le pays avec toutes leurs richesses, leurs bestiaux et leurs grains. Il fut plus difficile de leur donner confiance aux assignats; on paya en argent et l'armée ne manqua plus de rien.

Malgré les pertes considérables que les Espagnols avoient éprouvées dans tant de batailles où ils avoient été constainment

vaincus, ils revenoient continuellement à la charge, et on leur doit la justice, de dire que la constance avec laquelle ils supportèrent leurs malheurs, prouva que le sang des anciens Castillans circuloit encore dans leurs veines.

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Le 7 prairial ils se présentèrent devant Roses, et peu s'en fallut qu'ils ne rentrassent dans la ville; nos troupes surprises eurent, pendant quelque tems, de la peine à se rallier; ils attaquèrent par mer et par terre et dès quatre heures et demie du matin, la ville fut embrâsée par le feu des bombes; les Espagnols passèrent deux fois la Fluvia, deux fois ils furent repoussés, mais après s'être défendus avec une valeur qui tint longtems la victoire indécise. Ils attaquèrent aussi, le 15 messidor, notre armée des Pyrénées occidentales qui, après une continuité de succès, avoit réussi à passer la Guva et à s'y retrancher ; le succès fut long-tems douteux, et le 24 messidor, les républicains furent chassés des hauteurs qui leur ouvroient le chemin de Pampelune et qu'ils avoient eu tant de peine à conquérir; le 26 ils les re

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