Page images
PDF
EPUB

d'honneur, et pour ainsi dire dans les bras de la victoire; car les lieutenans, profitant des dispositions savantes qu'il avoit faites, battirent complettement les Espagnols.

Ce général fut regretté de tous ses soldats, dont il avoit la confiance et l'amitié ; plus d'une fois il s'étoit exposé pour leur sauver la vie. Dans un tems où les ressources de la France pouvoient diffici. lement suffire à l'entretien de quatorze armées, il avoit établi tant d'ordre dans ses camps, que les soldats éprouvoient tarement des privations pénibles; il étoit aussi fort estimé de tous ses officiers, et sa mort causa un deuil général dans toute l'armée.

La convention décréta que son nom seroit inscrit sur la colonne du Panthéon, et que le comité de salut public prendroit des renseignemens sur la situation de sa famille.

La mort du général Dugommier ne ras lentissoit en rien l'ardeur des troupes fran çaises. Dès le 28 brumaire, elles se mi rent en mouvement sous le commande Tome XIII. 3. parts T

ment du général Pérignon, et elles f vrèrent, sur les montagnes qui sont en avant de Figuière, un des combats le plus sanglant dont l'histoire ait conservé le souvenir. Quatre-vingt redoutes pratiquées au sommet de ces montagnes inaccessibles, étoient gardées par l'armée espagnole, forte au moins de quarante cinquante mille hommes les Français montèrent à l'assaut sous la pluie de feu, de boulets de mitrailles

[ocr errors]

vomis

que soient plus de quatre cents bouches à feu; en moins de trois heures tout fut em porté nos bataillons étoient tellement animés au combat, qu'il ne fut fait aucun prisonnier trois généraux espagnols restèrent sur le champ de bataille la déroute de l'ennemi fut complette : il abandonna tout son camp et toute son artillerie il voulut en vain s'arrêter dans un camp retranché qu'il avoit préparé en cas de revers; il y fut, forcé sur-le-champ et poursuivi avec tant de vigueur, qu'il ne se crut en sûreté que quand il fut à six ou sept lieues du champ de ba taille.

:

[ocr errors]

Il n'est que ceux qui se font une idée juste de la valeur et de l'impétuosité du soldat français, qui puissent ajouter foi à tant de prodiges : l'on en doutoit à Paris, lorsque le comité de salut public en pu blia le récit: ils sont confirmés aujourd'hui par le témoignage de nos ennemis euxmêmes; qu'on se figure donc une fois pour toutes en lisant l'incroyable histoire de la campagne de 1794, que nos armées n'étoient pas composées de soldats ordinaires; ce n'étoient point des automates mus par l'intérêt ou par la crainte des châtimens; c'étoient des citoyens combattant au nom de la patrie, et électrisés par le feu sacré de la liberté. Cet avantage signalé ne prouve rien non plus contre la bravoure ni la tactique espagnole : les mesures de leurs. généraux étoient savamment combinées ; leurs camps étoient fortifiés suivant toutes les règles de l'art; mais plus ils espéroient d'y rester inexpugnables, plus la terreur dut s'emparer d'eux, quand ils s'y virent forcés: cette terreur fut telle, que le fort de Figuière, investi incontinent après la bataille, ne tint que deux jours, quoique sa

2

garnison fût de près de dix mille hommes, et qu'elle fût approvisionnée de façon à soutenir un très-long siége.

Un des articles de la capitulation étoit ainsi conçu :

1

ce Il est promis à la garnison prisonnière, qu'aussitôt que l'Espagne aura rendu à la république le nombre des prisonniers français qu'elle lui doit, en exécution de la capitulation de Colioure, elle aura la priorité pour les échanges qui pourront

avoir lieu après ».

Cet article prouve que le décret que nous avons rapporté plus haut, et par lequel il étoit défendu de faire des prisonniers espagnols, ne fut jamais exécuté. Les généraux et les représentans du peuple près des armées françaises, méritent à cet égard les éloges des amis de l'humanité; et ce fut pour la seconde fois qu'ils prirent sur eux, en désobeissant aux ordres de la convention, de lui sauver la honte d'un crime inutile.

Nous ne finitions pas, si nous voulions suivre pas à pas la marche de nos armées nous ne nous occuperons, donc que

des

actions décisives, et ne nous arrêterons point à décrire les combats qui se livrèrent chaque jour depuis l'instant où les Espagnols se virent sérieusement menacés, même au sein de leurs provinces éloignées, jusqu'à celui où l'impossibilité de continuer. la guerre, les contraignit d'accepter les conditions de paix qu'on leur offrit, lorsque le comité de salut public fut composé de gens assez sages et assez amis de l'humanité, pour renoncer au vaste projet d'une république universelle.

La prise de Roses doit être regardée comme un des évènemens les plus importans de cette campagne; cette place se rendit aux armées françaises le 15 nivosę an 3; le siége en offroit les plus grandes difficultés. Pour contenir les forces navales qui se trouvoient dans la baye, il étoit nécessaire de s'emparer du Bouton; mais, pour l'attaquer avec quelques succès, on fut obligé de pratiquer des chemins dans des montagnes regardées jus qu'alors comme inaccessibles. L'artillerie, les mortiers, les munitions ne purent s'y transporter qu'à force de bras ; nos braves

« PreviousContinue »