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chose que de moi-même. Ce que je vous promets, et sur quoi vous pouvez compter dès à présent, est que, pour le reste de ma vie, je ne serai plus occupé que de moi ou de la Corse; toute autre affaire est entièrement bannie de mon esprit. En attendant, ne négligez pas de rassembler des matériaux, soit pour l'histoire, soit pour l'institution; ils sont les mêmes. Votre gouvernement me paroît être sur un pied à pouvoir attendre. J'ai parmi vos papiers un mémoire daté de Vescovado, 1764, que je présume être de votre façon, et que je trouve excellent. L'ame et la tête du vertueux Paoli feront plus que tout le reste. Avec tout cela pouvez-vous manquer d'un bon gouvernement provisionnel? aussi bien, tant que des puissances étrangères se mêleront de vous, ne pourrez-vous guère établir autre chose.

Je voudrois bien, monsieur, que nous pussions nous voir : deux ou trois jours de conférence éclairciroient bien des choses. Je ne puis guère être assez tranquille cette année pour vous rien proposer; mais vous seroit-il possible, l'année prochaine, de vous ménager un passage pour ce pays? J'ai dans la tête que nous nous verrions avec plaisir, et que nous nous quitterions contents l'un de l'autre. Voyez, puisque voilà l'hospitalité établie entre nous, venez user de votre droit. Je vous embrasse.

FIN DES LETTRES A M. BUTTA-FOCO.

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PROJET

DE

PAIX PERPÈTUELLE.

Comme jamais projet plus grand, plus beau, ni plus utile n'occupa l'esprit humain, que celui d'une paix perpétuelle et universelle entre tous les peuples de l'Europe, jamais auteur ne mérita mieux l'attention du public que celui qui propose des moyens pour mettre ce projet en exécution. Il est même bien difficile qu'une pareille matière laisse un homme sensible et vertueux exempt d'un d'enthousiasme; et je ne sais si l'illusion d'un cœur véritablement humain, à qui son zèle rend tout facile, n'est pas en cela préférable à cette âpre et repoussante raison, qui trouve toujours dans son indifférence pour le bien public le premier obstacle à tout ce qui peut le favoriser.

peu

Je ne doute pas que beaucoup de lecteurs ne s'arment d'avance d'incrédulité pour résister au plaisir de la persuasion, et je les plains de prendre si tristement l'entêtement pour la sagesse. Mais j'espère que quelque ame honnête partagera l'émotion délicieuse avec laquelle je prends la plume

sur un sujet si intéressant pour l'humanité. Je vais voir, du moins en idée, les hommes s'unir et s'aimer; je vais penser à une douce et paisible société de frères, vivant dans une concorde éternelle, tous conduits par les mêmes maximes, tous heureux du bonheur commun; et, réalisant en moimême un tableau si touchant, l'image d'une félicité qui n'est point m'en fera goûter quelques instants une véritable.

Je n'ai pu refuser ces premières lignes au sentiment dont j'étois plein. Tâchons maintenant de raisonner de sang-froid. Bien résolu de ne rien avancer que je ne le prouve, je crois pouvoir prier le lecteur, à son tour, de ne rien nier qu'il ne le réfute; car ce ne sont pas tant les raisonneurs que je crains que ceux qui, sans se rendre aux preuves, n'y veulent rien objecter.

Il ne faut pas avoir long-temps médité sur les moyens de perfectionner un gouvernement quelconque pour apercevoir des embarras et des obstacles, qui naissent moins de sa constitution que de ses relations externes; de sorte que la plupart des soins qu'il faudroit consacrer à sa police, on est contraint de les donner à sa sûreté, et de songer plus à le mettre en état de résister aux autres qu'à le rendre parfait en lui-même. Si l'ordre so-cial étoit, comme on le prétend, l'ouvrage de la raison plutôt que des passions, eût-on tardé si

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