Page images
PDF
EPUB

important que cette autorité soit balancée par des sénateurs qui soient à vie, ainsi que les évêques, et qui ne craignent pas plus qu'eux d'être déplacés.

Voici ce que j'imaginerois pour remédier à ces divers inconvénients. Je voudrois que les places de sénateurs du premier rang continuassent d'être à vie. Cela feroit, en y comprenant, outre les évêques et les palatins, tous les castellans du premier rang, quatre-vingt-neuf sénateurs inamovibles.

Quant aux castellans du second rang, je les voudrois tous à temps, soit pour deux ans, en faisant à chaque diète une nouvelle élection, soit pour plus long-temps s'il étoit jugé à propos; mais toujours sortant de place à chaque terme, sauf à élire de nouveau ceux que la diète voudroit continuer, ce que je permettrois un certain nombre de fois seulement, selon le projet qu'on trouvera ci-après.

L'obstacle des titres seroit foible, parce que ces titres, ne donnant presque d'autre fonction que de siéger au sénat, pourroient être supprimés sans inconvénient, et qu'au lieu du titre de castellans à bancs, ils pourroient porter simplement celui de sénateurs députés. Comme, par la réforme, le sénat, revêtu de la puissance exécutive, seroit perpétuellement assemblé dans un certain nombre de ses membres, un nombre proportionné de sénateurs députés seroient de même tenus d'y assister

toujours à tour de rôle. Mais il ne s'agit pas ici de ces sortes de détails.

Par ce changement à peine sensible, ces castellans ou sénateurs députés deviendroient réellement autant de représentants de la diète, qui feroient contre-poids au corps du sénat, et renforceroient l'ordre équestre dans les assemblées de la nation; en sorte que les sénateurs à vie, quoique devenus plus puissants, tant par l'abolition du veto que par la diminution de la puissance royale et de celle des ministres fondue en partie dans leur corps, n'y pourroient pourtant faire dominer l'esprit de ce corps; et le sénat, ainsi miparti de membres à temps et de membres à vie, seroit aussi bien constitué qu'il est possible pour faire un pouvoir intermédiaire entre la chambre des nonces et le roi, ayant à la fois assez de consistance pour régler l'administration, et assez de dépendance pour être soumis aux lois. Cette opération me paroît bonne, parce qu'elle est simple, et cependant d'un grand effet.

mais

On propose, pour modérer les abus du veto, de ne plus compter les voix par tête de nonce, de les compter par palatinats. On ne sauroit trop réfléchir sur ce changement avant que de l'adopter, quoiqu'il ait ses avantages et qu'il soit favorable à la forme fédérative. Les voix prises par masse et collectivement vont toujours moins di

rectement à l'intérêt commun que prises ségrégativement par individu. Il arrivera très souvent que, parmi les nonces d'un palatinat, un d'entre eux, dans leurs délibérations particulières, prendra l'ascendant sur les autres, et déterminera pour son avis la pluralité, qu'il n'auroit pas si chaque voix demeuroit indépendante. Ainsi les corrupteurs auront moins à faire et sauront mieux à qui s'adresser. De plus, il vaut mieux que chaque nonce ait à répondre pour lui seul à sa diétine, afin que nul ne s'excuse sur les autres, que l'innocent et le coupable ne soient pas confondus, et que la justice distributive soit mieux observée. Il se présente bien des raisons contre cette forme, qui relâcheroit beaucoup le lien commun, et pourroit, à chaque diète, exposer l'état à se diviser. En rendant les nonces plus dépendants de leurs instructions et de leurs constituants, on gagne à peu près le même avantage sans aucun inconvénient. Ceci suppose, il est vrai, que les suffrages ne se donnent point par scrutin, mais à haute voix, afin que la conduite et l'opinion de chaque nonce à la diète soient connues, et qu'il en réponde en son propre et privé nom. Mais cette matière des suffrages étant une de celles que j'ai discutées avec le plus de soin dans le Contrat social1, il est superflu de me répéter ici. Quant aux élections, on trouvera peut-être ** Liv. iv, chap. 11 et 1v.

d'abord quelque embarras à nommer à la fois dans chaque diète tant de sénateurs députés, et en général aux élections d'un grand nombre sur un plus grand nombre qui reviendront quelquefois dans le projet que j'ai à proposer; mais, en recourant pour cet article au scrutin, l'on ôteroit aisément cet embarras au moyen de cartons imprimés et numérotés qu'on distribueroit aux électeurs la veille de l'élection, et qui contiendroient les noms de tous les candidats entre lesquels cette élection doit être faite. Le lendemain les électeurs viendroient à la file rapporter dans une corbeille tous leurs cartons, après avoir marqué, chacun dans le sien, ceux qu'il élit ou ceux qu'il exclut, selon l'avis qui seroit en tête des cartons. Le déchiffrement de ces mêmes cartons se feroit tout de suite, en présence de l'assemblée, par le secrétaire de la diète, assisté de deux autres secrétaires ad actum, nommés surle-champ par le maréchal dans le nombre des nonces présents. Par cette méthode, l'opération deviendroit si courte et si simple, que, sans dispute et sans bruit, tout le sénat se rempliroit aisément dans une séance. Il est vrai qu'il faudroit encore une règle pour déterminer la liste des candidats; mais cet article aura sa place et ne sera pas oublié.

Reste à parler du roi, qui préside à la diète, et qui doit être, par sa place, le suprême administrateur des lois.

CHAPITRE VIII.

Du roi.

C'est un grand mal que le chef d'une nation soit l'ennemi né de la liberté, dont il devroit être le défenseur. Ce mal, à mon avis, n'est pas tellement inhérent à cette place qu'on ne pût l'en détacher, ou du moins l'amoindrir considérablement. Il n'y a point de tentation sans espoir. Rendez l'usurpation impossible à vos rois, vous leur en ôterez la fantaisie; et ils mettront, à vous bien gouverner et à vous défendre, tous les efforts qu'ils font maintenant pour vous asservir. Les instituteurs de la Pologne, comme l'a remarqué M. le comte de Wielhorski, ont bien songé à ôter aux rois les moyens de nuire, mais non pas celui de corrompre; et les graces dont ils sont les distributeurs leur donnent abondamment ce moyen. La difficulté est qu'en leur ôtant cette distribution l'on paroît leur tout ôter: c'est pourtant ce qu'il ne faut pas faire; car autant vaudroit n'avoir point de roi; et je crois impossible à un aussi grand état que la Pologne de s'en passer, c'est-à-dire d'un chef suprême qui soit à vie. Or, à moins que le chef d'une nation ne soit tout-à-fait nul, et par conséquent inutile, il faut bien qu'il puisse faire quelque chose; et si peu

« PreviousContinue »