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NOTICE PRÉLIMINAIRE.

« La Pologne, dans sa division la plus générale, en grande, petite Pologne et duché de Lithuanie, contenoit en trente-trois provinces où palatinats un peu plus de huit millions d'habitants. Cette population étoit régie souverainement par environ cent mille nobles, un roi électif et un sénat perpétuel. Les habitants des villes ne pouvant posséder que des maisons dans les villes mêmes, et des fonds de terre à une lieue aux environs, n'étoient comptés dans l'ordre politique que pour en supporter toutes les charges; le commerce et le peu d'industrie que le pays pouvoit comporter étoient entre les mains des Juifs et des étrangers, et les paysans attachés à la glèbe étoient la propriété de leurs seigneurs, au pouvoir desquels rien ne pouvoit les soustraire, et qui avoient sur eux droit de vie et de mort.

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On distinguoit parmi les nobles les Palatins ou gouverneurs des provinces, les Castellans ou commandants des châteaux et des villes, considérés comme les lieutenants des Palatins, et les Starostes ou possesseurs des Starosties, vastes domaines qui leur étoient accordés à vie avec ou sans juridiction sur les terres qui en dépendoient. Ces Palatinats, Castellanies et Starosties, et beaucoup d'autres tenutes et bénéfices de même espèce, étoient à la nomination du roi. Comme aucuns appointements ou gages n'étoient attachés aux charges et fonotions publiques, ces concessions étoient les récompenses naturelles des services rendus à la patrie, et étoient appelées pour cela panus bene meritorum, dont le roi étoit

le distributeur. Mais à la mort de chaque possesseur, le bénéfice concédé rentroit dans les mains du roi, qui étoit tenu de faire sur-le-champ une nomination nouvelle; et c'étoit en cela que le régime polonois différoit essentiellement du régime féodal.

« Les nobles seuls, jouissant ainsi des droits de cité, se rassembloient périodiquement dans les diétines ou diètes de palatinat, pour y élire les nonces chargés de les représenter à la diète générale. Celle-ci s'assembloit tous les deux ans, et se composoit du sénat et des représentants de la noblesse; elle partageoit avec le roi le pouvoir législatif.

« A ce germe toujours subsistant de confusion et de désordre, se joignoit 1o la dépendance absolue de chaque nonce, résultant des instructions qui lui avoient été données dans la diétine, et dont il ne pouvoit s'écarter; 2o le droit du liberum veto, qui rendoit la délibération de toute diète infructueuse par l'opposition d'un seul membre, droit dont l'usage ne remontoit pas au delà de 1650, mais dont les nobles polonois s'étoient depuis ce temps montrés si jaloux qu'il étoit passé en loi et maxime d'état.

« Un autre droit encore, également constitutionnel, et non moins cher aux Polonois, étoit celui de former, sous le nom de confédération, une ligue générale dont les membres, liés par un serment particulier, se choisissoient un chef et nommoient un conseil général qui réunissoit en lui seul l'autorité de toutes les magistratures. Ainsi, les insurrections mêmes avoient en Pologne une forme légale. Mais dans les assemblées qui en étoient la suite, le droit du liberum veto restoit suspendu, la pluralité des suffrages alors faisoit loi; et c'étoit ainsi que ce droit de confédération, dont l'exercice étoit de na

ture à mettre le comble au désordre, étoit souvent ce qui contribuoit le plus efficacement à le faire cesser. Au reste, la confédération une fois dissoute, tous ces règlements cessoient avec elle; pour qu'ils devinssent des lois, il falloit qu'ils reçussent la sanction d'une diète unanime; et la république reprenoit sa forme accoutumée.

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« Dans cet état des choses un roi électif, qui ne battoit point monnoie, qui ne faisoit point la guerre en personne, qui ne pouvoit ni la déclarer ni faire aucun traité, ni même se marier sans l'aveu de la diète, dont les actes administratifs se réduisoient à des nominations et des concessions qu'il ne pouvoit révoquer, et dont les revenus ne suffisoient guère qu'à la dépense de sa table, n'avoit sans doute qu'une ombre de pouvoir réel; mais ces nominations et concessions en si grand nombre, et dont on a vu plus haut que le droit lui appartenoit exclusivement, lui donnoient une force d'opinion et une influence bien en contraste avec l'esprit dont les nobles polonois étoient constamment animés; et c'est ce qui explique, d'une part, pourquoi à chaque élection cette couronne étoit si ardemment briguée et poursuivie ; de l'autre, pourquoi le droit du liberum veto, celui de confédération, et toutes les autres entraves données à l'autorité royale, s'établirent successivement pour en balancer la puissance. Chaque élection, en effet, étoit toujours l'époque des restrictions nouvelles mises à une autorité déja si bornée, restrictions que le prince nouvellement élu juroit de respecter, ainsi que toutes les lois fondamentales de la république, désignées généralement sous le nom de pacta conventa.

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« Les effets naturels d'un état politique ainsi constitué sont faciles à concevoir, et on ne peut qu'en croire l'his

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