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NOTICES ET COMPTES RENDUS.

RÉCIT DES LANDES ET DES GRÈVES, par M. Théodore Pavie.
P. Brunet, rue Bonaparte, 31. Un vol. in-12.

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Un critique d'un goût très-fin, M. Hippolyte Rigault, disait en parlant de la pastorale dont le genre est ressuscité :-<«< La fraîcheur de l'imagination, l'agrément de l'esprit, le don d'intéresser par des moyens simples et d'émouvoir sans frapper fort, ce sont des mérites toujours rares et aujourd'hui plus que jamais. De telles œuvres (les idylles), discrètes et calmes, contentes d'obtenir une larme ou un sourire, reposent de ces romans dont l'art violent ou lascif secoue l'âme du lecteur ou enflamme ses sens. Je ne m'étonnerais pas que la pastorale dût sa dernière renaissance au besoin d'émotions et de paysages tranquilles qu'ont fait naître dans le public les débauches de pinceau et les ouragans de passions déchaînés depuis si longtemps dans la littérature '. »

Ces lignes semblent avoir été écrites tout exprès pour les Récits des Landes et des Grèves; elles en donnent le ton, la valeur et la portée.

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Ce petit volume comprend une préface, que je conseille de ne pas sauter à pieds joints, le Caboteur du Cap Fréhel, la Fauvette bleue (récit des bords de la Loire), la Lande aux Jagueliers (scènes du Bas-Anjou), Valentin (récit du Bas-Maine), et la Fileuse (récit du Bocage).

Pour ne pas mal étreindre, en trop embrassant, nous allons rapidement analyser cette dernière nouvelle, que nous préférons,― peutêtre à cause du théâtre où elle est placée, et nous serions bien étonné si nous n'inspirions pas à nos lecteurs le désir d'aller se

1 Conversations littéraires et morales, p. 382.

rafraîchir l'âme à ces récits, qui mériteraient de porter en épigraphe les vers de Brizeux :

Immuable nature, apparais aujourd'hui !

Que chacun dans ton sein dépose son ennui !
Tâche de nous séduire à tes beautés suprêmes,
Car nous sommes bien las du monde.....

Dans les premières années de la Restauration, la Gaudinière une métairie située aux environs de Cholet,

est occupée par une veuve, Jacqueline Taboureau, que secondent quatre fils et une servante, Marie, dont le principal emploi consiste à garder les moutons en filant, d'où le nom de Marie la fileuse. « C'est une pauvre orpheline élevée par pitié, et qui joint à son malheur celui d'être boiteuse, depuis une chute qu'elle avait faite dans son enfance. Cette infirmité, dont la pensée la tourmentait jusque dans la solitude des champs, avait imprimé sur sa physionomie une tristesse mélancolique. Par suite une extrême douceur était répandue sur ses traits, comme si elle eût voulu se faire pardonner cette imperfection de nature à force de soumission et d'obéissance. »

Malgré l'intérêt qu'elle inspire, la vieille Jacqueline est dure à la pauvre boiteuse, et elle ne laisse jamais échapper une occasion de la gourmander vertement, et de la relever, comme on dit, du péché de paresse. Elle l'a plus d'une fois menacée de la renvoyer. Pourquoi cet excès de sévérité? — Louis, le fils aîné de la maison, l'attribue à ce que les gens du temps passé n'étaient pas tendres pour eux-mêmes; il n'est donc pas étonnant qu'ils soient parfois un peu sévères à l'égard des autres. Heureusement qu'il contrebalance, lui, cette rigueur exagérée par ses bons et généreux procédés à l'égard de l'orpheline, ne manquant jamais de lui adresser une parole de consolation ou d'encouragement, quand sa mère, comme cela vient d'arriver ce soir même, a menacé Marie de la renvoyer de la Gaudinière.

Le dimanche suivant, Louis était resté seul à garder le logis, pendant que toute la maisonnée était à entendre la messe au bourg. Tout à coup le chien l'Abri se prend à japper : « Une vieille femme, vêtue de haillons, s'avançait lentement vers la métairie; des mèches de cheveux blancs flottaient sur son cou noirci par le soleil, et sa main ridée s'appuyait sur un bâton de houx. » C'est la vieille Jeanne, une malheureuse folle bien connue de Louis, laquelle se croit toujours poursuivie par les Bleus.

Louis la met sur le chapitre de la grande guerre et elle lui livre un secret auquel il était bien loin de s'attendre : « Marie, la petite Marie, qui mène ses ouailles aux champs,» n'est point une paysanne, mais bien la fille de Mme de Boisfrénais. Au combat de Dolde-Bretagne, << sa mère, lui dit-elle, venait de la laisser tomber, la pauvre enfant (chute qui l'avait rendue boiteuse), et ce n'était pas sa faute, puisqu'un coup de baïonnette l'avait étendue à terre, baignée dans son sang. La petite poussait de grands cris, qu'on n'entendait guère au milieu des coups de canon et de la fusillade. Moi, qui n'étais point blessée encore, je pris l'enfant, et j'emmenai la mère en la traînant comme je pouvais. Nous arrivâmes ainsi derrière la ville, dans un champ où les chirurgiens pansaient les blessés. Ils avaient bien de la besogne, va! Là, madame, qui se sentait mourir, me donna une petite cassette, pleine de papiers, un sac plein de pièces d'or, et me confia sa fille en me disant : « A la paix, tu la rendras à ses parents, s'il lui en reste.... » Or, Jeanne, dont une blessure reçue plus tard avait dérangé la tête et qui croyait toujours à la guerre, n'avait jamais cherché à rendre à qui de droit son précieux dépôt.

Louis veut connaître la cachette; la vieille Jeanne s'obstine à ne pas la lui révéler; mais à peine s'est-elle enfuie, en entendant les derniers sons de la messe, qu'elle prend pour le tocsin, que le jeune homme s'en va au chiron de la grand-prée, autour duquel il a souvent vu la folle rôder avec mystère. Après maintes recherches, il parvient à découvrir sous le rocher un trou d'où il tire d'une main tremblante le sac et la cassette.... Quelle émotion l'agite! celle qu'il aimait, — car il ne peut plus se cacher ce sentiment à lui-même, c'est bien, comme le lui apprennent les papiers, la fille d'un gentilhomme !

Le soir, au moment où sa mère grondait la pauvre Marie et s'emportait jusqu'à vouloir la frapper, Louis, qui ne peut plus se contenir, lance son secret un coup de tonnerre n'eût pas produit un pareil effet! << Dès demain, dit-il, nous reconduirons Mlle Marie de Boisfrénais chez sa tante, au château de la Verdière... »

« Marie habitait depuis quinze ans une vieille pièce délabrée où se trouvaient le pétrin, le rouet, le dévidoir, tous les ustensiles du ménage. Pour la première fois de sa vie, elle se sentit mal à l'aise sur son maigre grabat; l'air lui manquait dans cette chambre étroite, pleine

de poussière, et dont les araignées recouvraient les poutres d'un triple feston de toiles jaunies. Toute la nuit, elle songea les yeux ouverts à ce château de la Verdière où l'on devait la conduire le lendemain, et le coucou de la pièce voisine sonnait trois heures du matin qu'elle n'avait pu dormir encore. »

Marie est, en effet, rendue au manoir de ses ancêtres, et la fileuse s'étudie à devenir une demoiselle. Grâce aux sages leçons et aux excellents conseils de Mlle de la Verdière, elle ne perd rien à cette métamorphose, au contraire : il est des fleurs des champs qui s'embellissent à la culture. On fait rechercher la pauvre vieille Jeanne, dont on brûle de reconnaître l'admirable dévouement, et, durant les six mois qui lui restent à vivre, on l'entoure d'affection et des plus tendres soins.

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Les années coulaient douces et tranquilles pour Mlle de Boisfrénais. Cependant il était un cœur qui avait été blessé au point de n'en jamais guérir. Depuis le départ de la Fileuse, le malheureux Louis était tombé dans une mélancolie profonde, qui lui ôtait jusqu'au goût du travail, cette grande consolation des affligés. Aussi, sa mère étant venue à mourir, il partagea le peu qu'il possédait entre ses frères, puis, un matin, il prit son bâton et il partit.

<< Le chapelet à la main, il chemina d'un pas assuré et marcha ainsi durant quatre longues heures. Arrivant enfin à la lande de Bégrolle, il découvrit les murs du couvent des trappistes de Bellefontaine. C'était l'asile vers lequel il se dirigeait.... A lui, pauvre paysan, il fallait une retraite plus absolue que celles du Bocage, une solitude sans horizon, une vie sans sourire. Il secoua ses souliers poudreux sur le seuil du cloître, et leva le marteau de la porte qui s'ouvrit pour se refermer sur lui. Il était de ceux qui aiment mieux mourir à eux-mêmes que de vivre dans une inutile souffrance. »>

Un an après, Mlle Marie de Boisfrénais épousait un gentilhomme des environs de Châtillon, dont le père s'était distingué dans les guerres de la Vendée.

Parlant des idylles qui s'épanouissent dans l'atmosphère fumeuse de nos idées positives, et qui y forment un contraste piquant, comme feraient des pots de fleurs sur les fenêtres d'une usine, M. H. Rigault ajoute : « Toute la question est de savoir si ce sont des fleurs naturelles ou bien des bouquets de papier. »>

Quiconque lira les Récits des Landes et des Grèves n'hésitera

pas à déclarer que M. Théodore Pavie n'a rien de commun avec les fabricants de fleurs artificielles, et je ne connais que l'auteur du Sanguenitou et des Aventures du bonhomme Quatorze pour savoir peindre avec cette fidélité saisissante, avec cette poésie, les mœurs et les aspects de notre Vendée. ÉMILE GRIMAUD.

L'IMITATION ET LA VIE DE JÉSUS-CHRIST, Fragments poétiques, suivis de la sainte messe tirée de l'Imitation, par M. E. du Laurens de la Barre, avec approbation de NN. SS. les Evêques de Quimper et de Vannes. Paris, A. Bray, rue des SS. Pères; Nantes, Mazeau; Vannes, Galles. 1864.

En écrivant ce petit livre, notre collaborateur a-t-il eu l'intention de lutter avec le génie qui a enfanté Polyeucte? Mon Dieu, non. « Ces essais poétiques et religieux, nous dit-il modestement, n'ont pour les recommander peut-être que leur brièveté qui les rend plus propres à la prière. Ils déclinent toute prétention à une valeur purement littéraire, et surtout la moindre idée de comparaison avec l'œuvre incomparable de Corneille. »

Si l'espace le permettait, j'aimerais à citer les pages de sa préface où l'auteur raconte les circonstances qui l'ont engagé à entreprendre ce travail, inspiré par les notes que laissa un de ses vénérés parents, l'abbé Alexandre-Marie du Laurens de la Barre, prêtre du diocèse de Quimper, premier aumônier de Marie Leczinska, recteur de l'Université, grand-maître du collège de Navarre, poète et littérateur. Rentré en Bretagne à la mort de la reine, il fut nommé aumônier de Quimper (1768). C'est là que le trouva la Révolution, qui l'envoya, malgré ses quatre-vingt-trois ans, périr dans un cachot de l'Ile-de-Rhé, dans le même temps à peu près ou Florentin et Fidèle du Laurens, ses neveux, pris à Quiberon avec tous les émigrés, étaient fusillés à Vannes, à côté de Sombreuil.

Pour en revenir à la « pieuse publication » qui nous occupe, nous pensons, avec Mer de Quimper, « qu'elle contribuera à la gloire de Dieu et à la sanctification des âmes. Jamais, dit à l'auteur le vénérable Prélat, il n'a été plus nécessaire de faire connaître notre divin Sauveur et de répéter ses enseignements; c'est ce que vous faites avec autant de foi que d'onction. » Nous en offrons la preuve en terminant :

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