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vassal de la seigneurie des Clos, une rose, à peine d'un écu d'or d'amende; cette redevance devait être faite le jour du SaintSacrement, au moment où la procession passait devant les halles seigneuriales. Dans cette même paroisse le propriétaire d'une maison et d'un jardin sis contre le portail du vieux manoir, » qui était lui-même au bourg, devant l'église, devait au seigneur des Clos, le jour de Pâques-Fleuries, un bouquet des fleurs les plus nouvelles qu'il lui offrait à son banc, à l'église, avec 20 sous, monnaie : ce n'était pas la seule obligation de ce particulier, nous y reviendrons 2.

Le seigneur du Guilleuc, en Saint-Pôtan, devait un chapeau de roses, à la Saint-Jean-Baptiste, à peine de quinze sous d'amende au seigneur de Matignon ; le fief de la Roche-de-Granville en devait autant en 1439 à Jean d'Argouges; nous trouvons cette redevance dans la paierie de la Broye, à Pont-Remy, à Pocé et à Epinard, en Anjou; tandis que les nouveaux mariés de l'année couraient la quintaine, les nouvelles épousées offraient un chapeau ou des bouquets de roses au seigneur 3. La plupart du temps, ce devoir était le souvenir d'une libéralité faite par le seigneur supérieur, le symbole peu onéreux de la hiérarchie féodale.

Ainsi, à Neufchâtel-en-Bray, en affranchissant en faveur de l'église de Bully, un masage acheté par le seigneur du lieu, Pierre de Bully, celui-ci en 1274, et Pierre de Melleville en 1291, ne se réservaient que « unum capellum rosarum annui redditus, vel duos denarios payables le jour ou le lendemain de la Saint-Éloi d'été ".

En 1124, Geoffroi, seigneur de Graffart, devait au prieuré d'Heauville une guirlande annuelle de roses en échange d'un quartier de sel. A Péronne, l'hôte de la maison où pendait l'enseigne de << Saint-Foursy », donnait au majeur nouvellement élu un chapeau

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1 Déclaration du domaine de Jugon, en 1682.

2 Id.

3 Aveu de la châtellenie de Matignon.

4 Louandre, Histoire d'Abbevil e, p. 410.

5 Bouthors, I, 457.- Mémoire de la Société d'Agriculture sciences et arts d'Angers, 2 série, v volume, pp. 147 et 155.

6 Archives de l'hôpital de Neufchâtel-en-Bray.

7 L, Delisle, Etudes sur la condition de la classe agricole en Normandie, p. 39.

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de vermeil boutons à cause de sa maison '. En Picardie, le seigneur d'Embreville avait droit pour un journal de terre à vingt deniers, à un chapeau de rose le jour de Saint-Jean ou à soixante livres parisis d'amende. Le seigneur de Quintin recevait un bouquet de roses le même jour d'une maison de la ville; les échevins de Gamaches, à cause de douze journaux de terre, offraient au seigneur du lieu un bouquet le jour de la Saint-Nicolas d'hiver 2. Je noterai encore le simple « chapel de roses », auquel la jeune bourgeoise avait exclusivement droit en se mariant d'après la coutume de Normandie, même après la réformation du XVIe siècle '.

Parmi les droits que les membres de la Cour des Monnaies avaient le jour de l'an, je remarque le « droiz de rose * » ; mais c'est au Parlement que nous voyons cette redevance entourée d'une certaine solennité.

La veille de la Saint-Jean, les pairs laïcs qui avaient leurs pairies dans le ressort du Parlement de Paris, devaient offrir à cette Cour souveraine une corbeille de roses : quelquefois il y avait des questions de préséances soulevées par cette présentation; ainsi, en 1541, il fallut un arrêt pour maintenir le duc de Montpensier avant le duc de Nevers à la baillée de roses. De plus, lorsqu'un pair laïc avait un procès devant le Parlement de Paris, il lui devait encore des roses : six bouquets et six chapeaux aux présidents de la Grand'Chambre; deux bouquets et deux chapeaux aux conseillers; un bouquet et un chapeau à l'avocat plaidant; deux bouquets et deux chapeaux aux présidents aux enquêtes; un bouquet et deux chapeaux aux conseillers aux enquêtes. Ce fut à la fin du XVIe siècle que la Cour des Eaux et Forêts supprima les couronnes de roses auxquelles prétendait le grand-panetier de 1 Communication de M. de la Fons, baron de Mélicoq, d'après un acte du 24 juin 1482, des archives de Péronne.

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2 Mémoire de la Société des antiquaires de Picardie, 2 série, 1 vol., p. 239. Aveu de Quintin de 1661. Mémoire de la Société des Antiquaires de Picardie, loc.

laud., p. 183.

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3 Mémoire de la Société des Antiquaires de Normandie, 2a série, t. vii, p. 100.

4 Harlay, N° III.

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5 Ch. Desmare, op. laud. On sait que lorsqu'un conseiller au Parlement se mariait, et que le premier président signait le contrat, la fiancée donnait trois noix aux présidents.

Normandie à cause de ses fonctions de franc-jugeur des forêts de Rouvrai et de Roumarre 1.

Quittons maintenant la reine des fleurs pour chercher les autres redevances analogues dont j'ai pu retrouver les traces.

Le lundi de Pâques, les vassaux de la Feuillée offraient, à genoux, aux juges du seigneur de Loudéac un bouquet de houx'.

Dans la paierie de Labroye, en Ponthieu, des propriétaires de tenues devaient douze chapeaux de pervenches, outre les douze chapeaux de roses dont j'ai déjà parlé.

A Montfort, le propriétaire de la Poulanière, en Coulon, devait à l'issue des vêpres de la Saint-Jean, et à peine de voir saisir son fief, apporter à la passée et entrée du cimetière la couronne de cerfeuil sauvage que les officiers de la justice seigneuriale remettaient à une mariée de l'année, dans une cérémonie dont je m'occuperai ultérieurement. - En même temps le détenteur des fiefs d'Alansac et la Rouyère offrait également une autre couronne de cherfeil.

Les infortunées qui, pour porter une ceinture dorée, faisaient le triste sacrifice de leur renommée devaient, à Paris, offrir au roi de France un bouquet*; hélas! il s'en trouvait aussi en Bretagne, et chacune de celles qui venaient à Moncontour devait à la seigneurie de Saint-Myrel, en Trédaniel, une couronne de violettes, cinq sous, et un pot de vin 3.

C'était un bouquet d'œillets, ou de roses, que la confrérie de l'Annonciation, composée de commerçants, devait le jour de la FêteDieu au baron de Vitré, à cause d'un grand jardin dont elle jouissait.

(La suite à la prochaine livraison.)

ANATOLE DE BARTHÉLEMY.

1 Histoire de la Grande-Paneterie, par le marquis de Belbœuf.

2 Aveu de Rohan de 1689.

3 Histoire de Montfort par M. Oresve. Ann. de Bretagne, 1864, p. 195 et 196: cette redevance était due en échange des harts que le s' la de Poulanière fournissait

à la justice seigneuriale.

4 Coll. Limber et Danjou, t. III, p. 98.

5 Arch. des Côtes-du-Nord : Aveu rendu en 1538 par Catherine de Rohan, alors dame de Saint-Myrel.

6 Aveu de 1561: Annuaire de Bretagne, 1861, p. 195.

NOTICES ET COMPTES RENDUS.

HISTOIRE DE L'ABBAYE DE SAINTE-CROIX DE QUIMPERLÉ, par D. PLACIDE LEDUC, religieux bénédictin, publiée par M. R -F. Le Men, archiviste du département du Finistère. Quimperlé, Clairet, imprimeur-libraire éditeur, 1863, un vol. grand in-8°.

Dom Placide Leduc était religieux à l'abbaye de Sainte-Croix de Quimperlé, dont il a écrit l'histoire dans le dernier quart du XVIIe siècle, ainsi que le prouve la dernière phrase de son œuvre, où il nous dit : « Je finis ce petit ouvrage le 30 aoust 1682, le jour des > saints Félix et Adamite, me trouvant heureux d'en estre venu à »bout le moins mal que j'ay peu, et espérant que Dieu adjoustera > quelque chose à ma couronne pour récompense du petit travail, » que j'ay entrepris par obéissance et pour l'honneur de la sainte » Croix, à qui nostre église est dédiée. »

Ce petit ouvrage est un manuscrit d'une écriture serrée et assez difficile, resté inédit jusqu'à présent aux Archives du Finistère, et qui, dans l'édition grand in-octavo qu'en vient de donner M. Le Men, ne forme pas moins de 523 pages: on voit que ce petit ouvrage est assez gros. Il est d'ailleurs d'autant plus curieux qu'il reproduit en substance, et souvent même sous la forme d'une traduction littérale, le précieux cartulaire de Quimperlé, si malheureusement sorti de France il y a vingt ans, et aujourd'hui, on peut le craindre, perdu pour nous.

M. Le Men, en éditant l'œuvre de D. Leduc l'a éclairée par des notes sobres mais judicieuses, dont la plupart ont pour but de déterminer la place actuelle des lieux cités dans le texte travail extrêmement utile et dont nul ne se pouvait mieux acquitter que le consciencieux archiviste du Finistère. Dans son département, M. Le Men, je le crois, ne se trompe guère; quand il en sort, il se trompe rarement; toutefois, à raison des conséquences que l'on en pourrait tirer, je crois devoir noter ici l'erreur de la note (7) de la page 241, qui identifie «< Minihibriac » avec Bourbriac, et donne le vicarius, viguier ou voyer du moyen-âge pour l'équivalent de nos machtyerns du IXe siècle. Entre le machtyern et le voyer (vicarius) il n'y a que des rapports très-faibles et, au contraire, des différences essentielles. Bourbriac n'est qu'une paroisse, et Minihibriac ou Minibriac était une seigneurie comprenant, outre Bourbriac, les communes actuelles de Saint-Adrien, de Coadout, de Magoar, et une partie de Plésidy.

Je voudrais, en regard de cette petite chicane, dire tout le bien que je pense de nombre d'autres notes de l'éditeur, entre autres de celles qui se rapportent aux redevances en miel (pages 88-89), mais mon but, en ce moment, n'est que de dire deux mots pour annoncer cette importante publication. M. Le Men compte, en effet, comme on le voit par le titre, augmenter ce volume d'une introduction développée et de pièces justificatives. Quand ce double complément aura paru, nous reviendrons sur cette œuvre avec tout le détail et l'attention qu'elle mérite.

Si nous avons tenu dès aujourd'hui à en dire un mot, en voici le motif.

La destruction de l'Association bretonne a supprimé tous les liens, si utiles cependant et même si nécessaires, qui unissaient les travailleurs de notre province. Aussi est-il aujourd'hui fort difficile de se renseigner exactement à Rennes ou à Nantes sur les travaux historiques ou archéologiques publiés à Brest, Vannes ou Quimper, et réciproquement. L'Histoire de Sainte-Croix de Quimperlé en est, en ce qui me concerne, un très-bon exemple. Il y a quelque temps, orsque je publiai dans la Revue de Bretagne un article sur le

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