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moderne on nomme « les inégalités sociales » et « l'obligation du travail (1).

(1) Sur cette seconde thèse, voir les développements que présente Virgile, dans ses Géorgiques, chant rer, v. 121-146. Un des écrivains de l'Église grecque au ve siècle, Théodoret, évêque de Cyr, reproduit, sous forme sérieuse, dans son traité De la Providence (livre vi), toute l'argumentation du poëte athénien; il s'exprime ainsi :

« Vous vous irritez de ce que tous les hommes ne nagent pas dans l'abondance, de ce qu'ils n'habitent pas de superbes palais, de ce qu'ils ne sont pas tous couverts d'or et de pourpre, de ce qu'ils ne marchent pas tous montés sur des chevaux ou des mulets richement harnachés, et accompagnés d'une foule de gardes et de domestiques, de ce qu'ils ne reposent pas tous mollement sur des lits magnifiques, de ce qu'ils n'ont pas tous une table exquise et somptueuse, de ce qu'ils ne jouissent pas tous des délices que la volupté a su inventer, enfin de ce qu'ils ne possèdent pas tous égaement tout ce qui sert à allumer le feu de la concupiscence... Mais si tous les hommes étaient égaux en richesses et en qualité, comment, je vous prie, pourraient-ils jouir de leur fortune? Si tous vivaient également dans l'abondance, quels secours tireraient-ils les uns des autres dans les besoins et les nécessités de la vie? Si vous les voulez tous également riches, qui voudra se mettre au service d'un autre? qui voudra se donner la peine d'approcher du feu, de l'attiser, de préparer à manger, de cuire le pain, de moudre le blé, de bluter la farine, de pétrir, de chauffer le four, de souffrir l'ardeur du feu, s'il n'y est contraint par la pauvreté ? Qui jamais eût attelé les bœufs sous le joug de la charrue, qui eût labouré la terre et l'eût ensemencée, et, les épis étant arrivés à leur maturité, qui aurait fait la moisson, qui l'aurait portée dans l'aire, et aurait séparé le blé de la paille, si la pauvreté ne l'eût forcé à prendre cette peine? Et ceux qui descendent dans les carrières, qui en tirent la pierre pour construire des édifices, pour élever de belles et magnifiques demeures, n'est-ce pas l'indigence qui les oblige de se livrer à ces travaux? Qui s'est exposé aux périls et aux fatigues de la navigation? qui s'est assujetti au pénible métier de tisserand, de cordonnier, de potier et de forgeron? Assurément ce ne sont pas les riches.

>> Il faut donc convenir que si tous les hommes étaient également riches, personne ne voudrait s'abaisser à être le serviteur d'un

Aristophane se montre ici tel qu'il est partout dans ses pièces, un conservateur; sa politique, malgré les hyperboles dont il l'égaye, est celle d'un bourgeois « modéré, » qui se tient au vieil ordre de choses, et le justifie par des arguments tirés de la coutume, de la pratique. Les novateurs, les utopistes, les niveleurs, sont le perpétuel objet de ses dérisions et de ses colères.

Sans insister sur ce point, nous remarquerons que le débat entre la Pauvreté et ses contradicteurs se poursuit avec vivacité, mais avec ordre. Les idées s'y enchaînent régulièrement, comme dans des discussions judiciaires ou politiques fortement menées. Ce caractère de rigueur dans la dialectique est encore un des traits de l'esprit grec. On était formé, à Athènes, dès la jeunesse, à trouver vite et bien ce qu'il faut dire en tout sujet qui se présente. De là cette perfection du dialogue, justement admirée chez les poëtes ou tragiques ou comiques, et dans les philosophes qui ont imité, pour l'exposition de leurs systèmes, le style coupé du théâtre.

Les luttes oratoires de la place publique donnaient de la souplesse à l'intelligence des moindres citoyens; en outre, on était habitué à voir partout agiter les idées et controverser les opinions. Les simples entretiens, comme les discours de quelque étendue, offraient donc l'union de deux mérites qui conviennent à l'homme en société, je veux dire l'aisance du langage et l'ouverture d'esprit.

Ces avantages étaient anciens chez les Grecs; ils se retrouvent dans leurs grands historiens, Hérodote et Thucydide. Nous allons les citer à leur tour, non pas avec l'intention de les suivre dans leur œuvre entière, mais pour établir par

autre. Et de là il suit nécessairement, ou que chacun serait obligé d'apprendre et de faire tous les métiers à la fois, ou que tous manqueraient des choses nécessaires à la vie. Or, il n'est pas besoin de prouver qu'il est impossible à un seul homme d'apprendre et de faire tous les métiers: il suffit de consulter l'expérience. »-Traduction de l'abbé Le Merre (1740).

des exemples comment ils savent faire raisonner un personnage connu et retrouver par une sorte d'intuition ou de conjecture les paroles qu'il avait pu faire entendre dans une situation donnée.

D'Hérodote à Thucydide, la différence du genre et du ton est fort sensible, bien qu'ils ne soient séparés que par un espace de temps peu considérable. Cette différence, rendue évidente par nos extraits, attestera quelle rapide évolution avait accomplie la penséc grecque.

XIV.

LES LEÇONS DE L'HISTOIRE

Fragments d'une lecture d'Hérodote pendant les Panathénées.

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