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Roi

que peut-être se brouilleroit-il avec le roi de Maroc s'il ne vengeoit pas l'injure faite à Saint-Olon1, dont sa majesté maroquine étoit si contente, mais qu'aussi feroit-il un plaisir singulier à la République de Gênes 2: le reste vous aura été écrit de plusieurs endroits; ainsi je suis, avec mon respect ordinaire,

<< Monseigneur,

«Votre très humble et très obéissant serviteur, « DELABRUYERE3. »

Gramont, le même qui, dans le récit de la Bruyère, cite le Pater à Louis XIV: Voyez Saint-Simon (Mémoires, édition Boislisle, tome XIV, p. 266). Saint-Simon a conté ailleurs une anecdote du même genre, dont le héros était Breteuil, et que nous avons citée au tome II, p. 359.

1. Allusion aux négociations que Saint-Olon avait conduites à la satisfaction du roi de Maroc. En décembre 1692, Louis XIV l'avait envoyé dans le Maroc pour y préparer le traité de commerce que désirait conclure le Roi; il en était revenu six mois après.

2. Saint-Olon avait été nommé envoyé extraordinaire à Gênes en avril 1682, et sa mission, dont le souvenir ne pouvait qu'être douloureux aux Génois, s'était terminée par le bombardemennt que Louis XIV avait infligé à la ville en mai 1684.

3. A la place de cette lettre nous avions publié en 1865, sous le titre de Lettres apocryphes, deux lettres mensongèrement attribuées à la Bruyère dont il n'y a plus lieu de tenir compte, leur fausseté étant maintenant certaine aux yeux de tous. La première, datée de 1687, est adressée à Fontenelle, destinataire singulièrement choisi par le faussaire, qui l'a maladroitement signée La Bruyère. Le fac-simile s'en trouve dans la Galerie française ou Collection de portraits des hommes et des femmes qui ont illustré la France, dans les XVI®, XVII®, XVIIIe siècles (Paris, 1821-1823, in-4o, tome II, p. 351). Le second faux daté de 1678, a été publié dans un volume de lettres fabriquées par Grégorio Leti: Lettere di Gregorio Leti (Amsterdam, 1701, tome II, p. 392). Leti en a donné une version italienne, qu'a traduite G. Brunet dans le Bulletin du Bouquiniste, 15 janvier 1865, p. 26. D'une troisième lettre également apocryphe, lue Éd. Fournier chez un libraire de Londres, nous ne connaissons que quelques lignes citées par lui.

par

DIALOGUES POSTHUMES

SUR LE QUIÉTISME

NOTICE.

AVEC la plupart des éditeurs de la Bruyère, Walckenaer refusait d'admettre l'authenticité des Dialogues sur le quiétisme: aussi les a-t-il écartés de l'édition qu'il présentait comme renfermant les œuvres complètes de l'auteur des Caractères. Nous leur donnons place dans la nôtre, n'ayant pas été convaincu par son argumentation qu'ils soient apocryphes. Quelques libertés qu'ait prises l'éditeur des Dialogues, on ne peut affirmer sans témérité, disons plutôt sans inexactitude, qu'il ne nous ait pas transmis les Dialogues de la Bruyère: telle est la thèse que nous avons soutenue dans la Notice de la première édition, telle est celle que nous soutiendrons dans celle-ci, sans donner toutefois à nos arguments autant de développement que par le passé, ayant fait la rencontre, au moment même où nous allions réimprimer notre première notice, de témoignages qui viennent à l'appui de notre sentiment.

La Bruyère a composé des Dialogues sur le quiétisme dans les derniers temps de sa vie. Antoine Bossuet, frère aîné de l'évêque de Meaux, écrivait dans la lettre où il annonçait à son fils la mort de la Bruyère « J'avois soupé avec lui le mardi.... Il m'avoit fait boire à votre santé........ Il m'avoit lu des dialogues qu'il avoit faits sur le quiétisme, non pas à l'imitation des Lettres provinciales, car il étoit toujours original, mais des dialogues de sa façon 1. » C'est deux jours après ce souper et cette lecture, dans la nuit du 10 au 11 mai 1696, que la Bruyère mourait frappé d'apoplexic.

Il n'est pas très surprenant que la Bruyère ait eu la pensée de s'associer à la croisade dirigée par Bossuet contre les quiétistes. On

1. Cette lettre a été publiée en 1836 par M. Monmerqué dans la Revue rétrospective, tome XIII, p. 139. L'original n'étant pas signé, M. Monmerqué n'en nomme point l'auteur; mais elle se rapporte bien à d'autres lettres d'Antoine Bossuet, naguère possédées par M. A. Floquet, qu'il n'est pas douteux qu'elle soit de lui: ainsi pensait M. Floquet, et nous adoptons son avis avec d'autant plus de confiance qu'Antoine Bossuet d'ordinaire ne signait point ses lettres de famille (conférez E. Griselle, Fénelon, études historiques, p. 56). Nous reproduisons en entier dans la Notice biographique le passage qui est relatif à la Bruyère dans la lettre d'A. Bossuet, datée de Paris, 21 mai 1696.

LA BRUYÈRE. III. 2

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sait comment l'évêque de Meaux s'était mis à l'étude de leurs ouvrages sur la prière de Fénelon et de Mme Guyon elle-même, et quel adversaire Mme Guyon et Fénelon avaient trouvé dans cet éloquent et ferme défenseur de la pure orthodoxie. La conférence d'Issy, les mandements de l'archevêque de Paris (16 octobre 1694), de l'évêque de Meaux (16 avril 1695), de l'évêque de Châlons (25 avril 1695), et de l'évêque de Chartres1 (21 novembre 1695), où fut condamnée la nouvelle spiritualité, l'emprisonnement de Mme Guyon 2, et les conférences que tint Bossuet dans la maison de Saint-Cyr pour en « déraciner » entièrement le quiétisme, suivant l'expression de l'abbé Phelipeaux3, avaient appelé l'attention publique sur les livres quiétistes. Que de fois, dans les réunions qui se formaient autour de Bossuet et auxquelles la Bruyère était fort assidu, la conversation dut revenir sur le quiétisme, sur la nécessité d'en arrêter les progrès, et sur les discussions qui s'élevaient à ce sujet entre Bossuet et Fénelon, discussions dont l'amertume se dissimulait malaisément sous la bienveillance de l'un et l'apparente soumission de l'autre ! Moraliste et satirique, la Bruyère fut tenté de discuter à sa manière le quiétisme et de décrier, en les raillant, les prédications si souvent ridicules de Mme Guyon et de ses amis. Sans entrer bien avant dans la théologie, il pouvait faire œuvre de littérature et de bon sens : c'est ce qu'il entreprit.

Malheureusement il mourut avant d'avoir livré son travail à l'imprimeur. Deux ans et demi plus tard le libraire Osmont, en vertu d'un privilége obtenu le 30 juin 1698, mit en vente les Dialogues posthumes du sieur de la Bruyère, dont l'Achevé d'imprimer est du 5 décembre *. <«< Il avoit fait, avant que de mourir, disait l'éditeur anonyme en parlant

1. Ce mandement, auquel ont été empruntées diverses citations faites audessous du texte des Dialogues, est intitulé: « Ordonnance et instruction pastorale de Monseigneur l'évêque de Chartres pour la condamnation des livres intitulés Analysis orationis mentalis, etc., Moyen court, etc..., et d'un manuscrit qui a pour titre les Torrents. » (Paris, 1695, in-4°.)

2. Enfermée dans un couvent en 1687 (voyez ci-dessus, p. 387, note 1), Mme Guyon signa un acte de soumission et fut bientôt remise en liberté. Elle fut réemprisonnée en décembre 1695.

3. Relation de l'origine, des progrès et de la condamnation du quiétisme, p. 161. La première conférence se fit le 5 février 1696.

4. Le privilège avait été obtenu au nom d'Antoine Desprez. Il fut cédé par Desprez, le 12 septembre, à Osmont, qui le fit enregistrer le 16 septembre au syndicat de la librairie (Manuscrits de la Bibliothèque nationale, Enregistrement des privilèges au syndicat de la librairie, de 1688 d 1700, no 2194 du Fonds français). Le livre porte la date de 1699; mais il avait paru en 1698. Le titre imprimé au haut de la page i ne donne que l'initiale de la Bruyère : Dialogues posthumes du sieur de la B*** sur le quiétisme; mais son nom est bcrit en toutes lettres sur le titre placé en tête du volume.

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