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AVERTISSEMENT

DE LA PREMIÈRE ÉDITION.

K-BF551 34

1844 Biof. 4b

En publiant ce livre, je n'ai point la pensée de donner un Traité complet des Passions: ce titre comporterait un grand nombre de volumes, et exigerait une vie entière d'études spéciales, auxquelles ma profession ne m'a pas permis de me livrer autant que je l'aurais voulu. Dans ce vaste travail, on devrait examiner par quelles vertus les différents peuples se sont illustrés, et à quels vices ils ont dù leur décadence; car les bonnes mœurs sont l'âme des sociétés : elles seules peuvent y entretenir la vie, la force et la prospérité. Pour remplir le cadre de cette véritable philosophie de l'histoire, l'érudition de l'auteur ne devrait pas se borner à une connaissance exacte des nations qui ne sont plus; elle devrait aussi embrasser les principaux peuples qui s'agitent aujourd'hui sur la scène du monde; indiquer les traits physiques et moraux qui les caractérisent, les maladies qui les affectent, les passions qui les asservissent,

MENESOS

les mouvements politiques qui les travaillent. Une pareille tâche, dont je sens si bien toute l'importance, est trop au-dessus de mes forces, et je n'ai pas eu la prétention de l'entreprendre.

L'ouvrage que je livre à la publicité n'est autre chose qu'un manuel, qu'une grammaire des Passions considérées dans leurs rapports avec la Médecine, les Lois et la Religion. Toutefois, il est le résultat de l'observation la plus attentive et la plus constante pendant vingt-trois années. Durant ce laps de temps, j'ai été à même de voir beaucoup; aussi mon livre, plutôt pratique que théorique, contient-il plus de faits que de raisonnements. Cinquante-deux mille visites faites aux pauvres du douzième arrondissement de Paris, trois mille environ à la classe riche, près de soixante mille à la classe moyenne, m'ont permis d'examiner l'influence de la fortune et de la maladie sur le développement des passions. En même temps, gens de toutes les professions; étrangers de tous les pays; maîtres et domestiques; hommes et femmes libres, détenus ou cloîtrés; catholiques et protestants; spiritualistes et matérialistes; élèves et professeurs; savants, littérateurs, artistes du premier mérite; malheureux

plongés dans l'ignorance la plus grossière; enfin, gens raisonnables, fous enfermés ou dans le cas de l'être : tels sont les individus avec lesquels j'ai été fréquemment en relation, que j'ai pu observer à loisir, et qui m'ont fourni les matériaux de cet ouvrage, plus scientifique que littéraire, et en grande partie copié d'après nature. Pour établir mes assertions, je ne me suis pas contenté d'invoquer ma longue expérience, soit comme praticien, soit comme médecin-légiste : j'en ai souvent appelé à celle de mes devanciers, et me suis en outre appuyé des laborieuses recherches de la statistique, science née d'hier, il est vrai, mais destinée à jeter plus tard une grande lumière sur différentes questions relatives à la criminalité, ainsi qu'à l'amélioration physique et morale des masses.

Malgré ces puissants secours, malgré tant de soins consacrés pendant un grand nombre d'années à la composition de ce volume, je ne l'aurais pas encore livré à l'impression, si les conseils de mes confrères, si les instances de l'amitié, ne m'en avaient arraché la promesse. C'est aussi pour tenir ma parole envers deux hommes célèbres, ravis depuis peu à la science et au clergé, que je livre prématurément à la critique bienveillante un travail

dont j'espère pouvoir un jour remplir les lacunes, et faire disparaître les imperfections.

AVIS

SUR LA DEUXIÈME ÉDITION.

Deux hommes entre lesquels il existait une grande divergence de principes, Mgr de Quélen et le docteur Broussais, s'accordaient à penser que la Médecine des Passions deviendrait un jour le complément indispensable des études médicales, législatives et théologiques. Cette prévision favorable, réalisée en moins de deux années, n'a été regardée par moi que comme une marque d'indulgence et un encouragement à mieux faire.

Aussi, pour cette nouvelle édition, le style a été revu avec soin; et la statistique, dans ses rapports avec les mœurs, mise au courant des documents officiels publiés jusqu'ici. On trouvera, dans le cours de l'ouvrage, quelques modifications et un assez grand nombre d'additions, jugées nécessaires par de savants critiques, entre autres le chapitre sur la Récidive dans la Maladie, dans le Crime et dans la Passion. J'ai, en outre, reporté à la fin du volume plusieurs notes nouvelles, beaucoup trop étendues pour trouver place au bas des pages; enfin, j'ai fait suivre la seconde partie d'un Résumé qui montre l'harmonie de la médecine, de la législation et de la religion; et qui, en même temps, aidera le lecteur à mieux saisir l'ensemble et le but de mon travail.

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