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que l'inexacte constatation des récidives, qui, ne permettant pas de proportionner la peine au délit, énerve la répression, et encourage au crime.

2o Les vices de notre système pénitentiaire, qui rejette dans la société des condamnés pour la plupart nullement corrigés, et même plus pervertis qu'avant leur châtiment.

3o Le manque de patronage et de surveillance de tous les libérés de justice, auxquels le séjour de la capitale devrait être interdit, au moins pendant quelques années d'épreuves, à cause du grand nombre de malfaiteurs qu'elle renferme, et des anciens camarades de détention qu'ils peuvent y retrouver.

4o Le manque d'ateliers spéciaux, où ils trouveraient constamment de l'ouvrage, et d'une colonie dans laquelle ils pourraient devenir propriétaires.

5o La privation de l'espoir d'une franche et entière réhabilitation, espoir qui suffirait pour ramener beaucoup de libérés dans la voie du bien.

6° Enfin l'irréligion profonde des récidivistes, et trop souvent l'immoralité de ceux-là mêmes qui, par leurs bons exemples, devraient améliorer les masses, et ramener les condamnés à la vertu.

66. Énumérer les causes qui favorisent le plus les récidives, c'est en faire connaître le principal remède, lequel consisterait à les éloigner toutes. Il faudrait ensuite, dans un bon système pénitentiaire, chercher à guérir le condamné de la passion dominante qui lui a fait commettre un nouveau crime ou un nouveau délit. La plupart des voleurs, en effet, ne volent pas pour le plaisir de voler, ni

les assassins, pour le plaisir de tuer : la paresse, l'ivrognerie, le libertinage, la colère, la cupidité, les poussent seuls au vol ou au meurtre : ce sont donc ces vices qu'il faut déraciner, si l'on veut que ces malheureux ne continuent pas à retomber dans les mêmes crimes.

67. En punissant les coupables, le législateur n'a pas eu seulement en vue d'intimider les citoyens vicieux: il a dû compter aussi sur la réforme morale des individus atteints par la loi. C'est ce à quoi l'on pourrait parvenir si les gouvernements voulaient reconnaître l'existence d'une corporation religieuse spécialement chargée du soin des prisonniers. Combien d'entre eux, en effet, reviendraient à la vertu, si la loi qui les frappe les environnait en même temps d'hommes honorables, occupés de leur faire reconquérir leur dignité morale, en leur inspirant l'amour du travail, et en gravant dans leur esprit des idées d'ordre et de religion, sans lesquelles

la société ne saurait subsister!

68. Quelque pervers que soit le criminel, il est bien rare qu'on ne puisse faire vibrer dans son cœur une fibre capable de le ramener au bien.

69. Ce qui favorise les rechutes dans la passion, c'est le besoin immodéré d'émotions ou d'excitation, besoin qui devient d'autant plus impérieux. que la passion a été plus souvent satisfaite; car la fréquente réitération des mêmes actes ne tarde pas à produire l'habitude, qui n'est autre chose que le dernier degré de la tyrannie du besoin, puisqu'alors la passion se satisfait sans combat, presque sans remords, et, pour ainsi dire, machinalement.

Cette loi physiologique et morale, dont la connaissance est si importante, ne prouve-t-elle pas que, dans leur premier degré, les passions demandent ; qu'au second, elles exigent; qu'au troisième, elles contraignent.

70. Ce qui doit surtout nous engager à sortir de notre esclavage, c'est la fatale corrélation qui existe entre la passion, la maladie, et le crime. Et, en effet, la récidive dans la passion amène très-souvent la récidive dans la maladie, et presque toujours la récidive dans le crime.

71. Voulons-nous sérieusement notre bonheur et celui de nos semblables, appliquons-nous à connaître la passion qui nous est habituelle; car c'est elle qui dirige presque toutes nos actions, et qui, par cela même, constitue notre caractère. Les autres passions ne sont guère qu'accessoires : la passion dominante, c'est notre propre fonds, c'est nous. Cette connaissance une fois acquise, travaillons tous les jours à briser quelques anneaux de la chaîne qui nous retient esclaves. Si, en tombant, l'homme fait preuve de faiblesse, en se relevant de sa chute, il fait preuve de vertu.

72. Aux yeux de la religion, la vertu est le triomphe de la volonté sur nos mauvaises inclinations; c'est aussi la santé de l'âme, conservée par l'innocence, ou recouvrée par le repentir.

73. Quelque fréquentes qu'aient été nos rechutes, nous ne tarderons pas à nous réhabiliter, à reconquérir notre dignité d'homme, si nous suivons à la fois les conseils de l'hygiène, qui nous rendront plus forts; ceux de la loi, qui nous rendront plus justes;

ceux de la religion, qui nous rendront meilleurs, et en même temps plus heureux.

74. La vie est un chemin escarpé, que borde de chaque côté un précipice souvent caché par des fleurs le médecin, le prêtre et le magistrat devraient toujours s'y rencontrer, pour tendre une main secourable aux imprudents qui s'approchent trop près des bords.

NOTES.

NOTE A, page 46.

Influence des Climats et des Lieux sur la constitution physique et morale des peuples.

«L'Asie, selon Hippocrate, diffère de l'Europe par la nature de toutes choses, et par celle des productions de la terre, et par celle des hommes. Tout vient beaucoup plus beau et plus grand en Asie qu'en Europe : le climat y est plus tempéré, les mœurs des habitants y sont plus douces et plus faciles. La cause de ces avantages, c'est le tempérament exact des saisons, etc...

«Il en est de même pour le sol comme pour les hommes: où les saisons éprouvent des vicissitudes fréquentes et considérables, le sol est très-sauvage et trèsinégal: on y trouve des montagnes la plupart boisées, des plaines, des prairies; où les saisons sont régulières, le sol est très-uniforme. Le même rapport s'observe chez les hommes pour qui veut y faire attention. Il y a des naturels analogues à des pays montueux, couverts de bois et humides ; d'autres à des terres sèches et légères; ceux-ci (ressemblent) à des sols marécageux et couverts de prairies; ceux-là à des plaines nues et arides; car les saisons, qui modifient la nature de la forme, diffèrent d'elles-mêmes, et plus elles en diffèrent, plus il y a de modification dans l'apparence extérieure.» (Des Eaux, des Airs, et des Lieux. Traduction du docteur C. Daremberg.)

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