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verse son cerveau malade: elle sourit avec la férocité de l'hyène devant sa proie; puis, saisissant un des chenets, elle en assène plusieurs coups sur la tête du vieillard, qui tombe sans vie à ses pieds... S'emparant alors d'un couteau qui se trouve sous sa main parricide, elle le plonge tout entier dans le sein de sa victime, lui arrache le cœur, qu'elle place sur les charbons ardents, et se met à le dévorer en poussant d'horribles hurlements qui vont retentir jusqu'aux cabanes voisines. Les bergers accourent; mais ils restent immobiles, épouvantés, à la vue de cette scène d'horreur... « Approchez, approchez! leur crie la furie, d'une voix éclatante: voyez, il m'a ravi Diaz, je l'ai tué; il a brisé mon cœur, voici le sien!» Et en même temps elle leur montre le reste de son affreux repas, et les invite à le partager, en répétant : « C'est son cœur! c'est le cœur de mon père! >>

Cet horrible événement eut lieu le 20 mars 1826. Dolores, dont on constata la folie, fut enfermée dans un établissement de Saragosse.

CHAPITRE VIII.

DE L'ORGUEIL ET DE LA VANITÉ.

L'orgueil est si bien le principe du mal, qu'il se trouve mêlé aux diverses infirmités de l'âme : il brille dans le souris de l'envie, il éclate dans les débauches de la volupté, il compte l'or de l'avarice, il étincelle dans les yeux de la colère, et suit les grâces de la mollesse.

CHATEAUBRIAND, Génie du christianisme.

Vain veut dire vide; ainsi la vanité est si misérable, qu'on ne peut guère lui dire pis que son nom: elle se donne elle-même pour ce qu'elle

est.

CHAMFORT, Maximes et Pensées.

Définition et synonymie.

Sur les confins des besoins animaux et des besoins intellectuels se rencontrent l'orgueil et la vanité, perversion de deux besoins sociaux éminemment utiles, l'estime de soi et l'amour de l'approbation.

L'orgueil, en effet, consiste dans le sentiment exagéré de notre valeur personnelle, avec une forte tendance à nous préférer aux autres et à les dominer. C'est une maladie morale dont les principales espèces sont la présomption, la suffisance, la fierté, le dédain et l'arrogance.

La vanité ou besoin excessif de louanges n'est autre chose que l'amour-propre des moralistes et l'approbativité des phrénologistes. Dans sa conver

sation, dans ses gestes, dans son habillement, le vaniteux n'a qu'un but, c'est de se faire admirer, de s'attirer des éloges. Le glorieux, le prétentieux, le magnifique, le petit-maître, la coquette et le fanfaron, sont tous gens de la même famille.

Ne confondons pas, comme on l'a fait longtemps, l'orgueil avec la vanité. Si ces deux sentiments marchent souvent de compagnie, souvent aussi ils se séparent, et peuvent subsister tout à fait indépendants. L'orgueil, je le répète, est une trop grande estime de soi, la vanité, un besoin immodéré de l'estime des autres. Plein de son mérite, l'orgueilleux s'admire en lui-même, et le plus cuisant chagrin qu'on puisse lui causer, c'est de lui montrer ses défauts. Le vaniteux, lui, ne se rengorge que s'il obtient des regards admirateurs, et il n'est jamais plus puni que lorsqu'on ne fait aucune attention aux avantages frivoles dont il se pare. Pendant un froid rigoureux, Diogène à demi nu tenait embrassée une statue de bronze. Un Lacédémonien lui demanda s'il souffrait. «Non, répondit l'orgueilleux cynique. Quel mérite avez-vous done?» répliqua le Lacédémonien. Un autre jour, ayant quitté son tonneau, ce Socrate en délire recevait sur la tête de l'eau qui tombait du haut d'une maison, et ne croyait pas devoir changer de place. Comme quelques-uns des assistants paraissaient le plaindre, Platon, qui passait par hasard, leur dit : « Voulez-vous que votre pitié soit utile à ce vaniteux, faites semblant de ne le pas voir.»

Définissons maintenant les caractères, plus ou moins ridicules, qui se rapportent à la vanité:

Le glorieux est l'homme qui cherche continuellement à s'établir dans l'opinion des autres, et qui veut à tout prix paraitre quelque chose.

Ce qui distingue le prétentieux, c'est de vouloir occuper tout le monde de sa personne, et de viser sans cesse à l'effet par un étalage de sentiments, de pensées et de manières ridiculement étudiées.

Le magnifique n'étale la grandeur et la somptuosité que pour captiver l'étonnement et l'admiration de ceux qui l'entourent.

Le petit-maître est encore un vaniteux personnage, cherchant toujours à se faire remarquer par un air libre, vif, léger, et surtout par une extrême recherche dans sa parure.

Le pendant du petit-maître, c'est la coquette, sirène perfide, qui ne songe qu'à captiver les sens, et qui travaille à convaincre en particulier plusieurs hommes de la vivacité d'un sentiment qu'elle n'éprouve pour aucun.

Quant au fanfaron, c'est un être souverainement ridicule, toujours porté à exagérer sa bravoure ou

ses succès.

Passons aux nuances souvent insaisissables de l'orgueil :

La présomption est une disposition habituelle à se croire des vertus et des talents qu'on n'a pas. Née du trop plein de l'estime de soi, elle se repaît sans cesse d'espérances chimériques, se croit capable de tout, maitresse de tout, même des événements.

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Le suffisant, dit le profond auteur des Caractères, est celui en qui la pratique de certains détails que

l'on honore du nom d'affaires se trouve jointe à une très-grande médiocrité d'esprit. »

« Un grain d'esprit et une once d'affaires plus qu'il n'en entre dans la composition du suffisant font l'important.»

Fortement prévenu en sa faveur, l'avantageux laisse sans cesse échapper la bonne opinion qu'il a de lui-même, et abuse presque toujours de la moindre déférence qu'on a pour lui.

La fierté est le sentiment de hauteur qui nous empêche de nous familiariser avec les personnes que nous croyons au-dessous de nous par la naissance, la fortune ou le talent.

Ainsi que l'homme fier, le dédaigneux ne se familiarise pas; mais, chez lui, cela dépend autant d'une trop haute estime de son mérite que du peu de cas qu'il fait des autres.

L'arrogant, enfin, se décèle par un air de morgue et de domination qui le rend insupportable à tout le monde.

Comparons ces trois derniers caractères: l'homme fier ne daigne pas seulement vous regarder; le dédaigneux promène sur ceux qui l'entourent un regard de mépris; l'arrogant leur lance un coup d'ail impérieux. « Voyez, dit Roubaud, cet homme devenu présomptueux et hautain par ses succès, comme il est arrogant! Voyez celui-ci, qui prend sa fortune pour son mérite, comme il est fier! Voyez cet autre, qui croirait n'être rien s'il vous comptait pour quelque chose, comme il est dédaigneux! Consolezvous, mes amis, considérez-les tous, comme ils sont sots ! »"

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