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pneumonie compliquée d'une violente encéphalite, avec coma profond. Depuis plusieurs heures il ne donnait presque aucun signe de vie, et tout semblait annoncer sa fin prochaine, lorsque, comme dernière ressource, j'imaginai de dire à haute voix qu'on allait faire bientôt une vente magnifique de médailles. Ce dernier mot était à peine prononcé, que mon antiquaire remue les lèvres avec rapidité, s'efforçant d'articuler son mot favori, médailles. Encouragé par ce premier succès, je répétai distinctement la même phrase, et chaque fois l'on eût dit qu'une étincelle électrique venait peu à peu redonner le mouvement et la vie à ce corps auparavant insensible. Enfin, grâce à mon artifice, le colonel, ayant entièrement recouvré ses idées, me demanda d'un air inquiet si je savais à quelle époque aurait lieu la vente. Dans quinze jours, répondis-je avec assurance, et j'espère bien que vous pourrez y aller. Cette espérance abrégea de beaucoup la convalescence du malade, qui, ayant connu mon stratagème, se consola, et compléta sa guérison en visitant pour la millième fois les précieuses et innombrables pièces qui garnissent son cher médailler (1).

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(1) Quelques années après, je rencontrai le colonel, påle, défait et tout hors de lui: on venait de le voler; des malfaiteurs s'étaient introduits dans son cabinet, et avaient enlevé un tiroir entier de médailles. Ce coup fut terrible pour lui; depuis cette époque, sa santé ne s'est jamais entièrement remise. La seule chose qui l'aida à supporter la vie, après un tel malheur, c'est que les imbéciles de voleurs n'avaient pris que des médailles d'or assez communes. Deux pouces plus bas, c'eût été les grands bronzes, les rares; il n'eût pas survécu à leur perte!

CHAPITRE XI.

Des Passions et de la Folie dans leurs rapports entre elles et avec la Culpabilité.

Tournez les yeux sur vous-même, et gardez-vous de juger les actions des autres. En jugeant les autres, l'homme se fatigue vainement; il se trompe le plus souvent, et commet beaucoup de fautes; mais en s'examinant et se jugeant luimême, il travaille toujours avec fruit.

L'Imitation.

La science psychologique ne saurait parvenir à donner une définition exacte de la folie. Dans cette impuissance, des esprits supérieurs ont du moins cherché à classer les nombreuses formes qu'elle revêt, mais ils n'ont guère été plus heureux dans leurs efforts. Le caractère triste ou gai, doux ou violent de cette affection; sa marche, tantôt aiguë, tantôt chronique; sa durée instantanée, longue ou persistante; ses retours périodiques ou irréguliers; les dégradations instinctives, affectives et intellectuelles qu'elle présente, depuis la simple distraction jusqu'à l'abrutissement complet, où il n'y a plus signe de perception, tout s'oppose à l'étreinte d'un cadre nosologique et à la découverte d'une mesure, d'un criterium précisant le point où finit la raison, et où la folie commence.

Les anciens distinguaient la folie en manie et en mélancolie; ils entendaient par manie un délire général, et par mélancolie un délire partiel.

Substituant l'expression générique d'aliénation mentale à celle de folie, Pinel admit quatre espèces d'aberrations essentielles de l'entendement, savoir: 1° la manie, qu'il définit un délire général, avec agitation, irascibilité, penchant à la fureur; 2o la mélancolie, délire exclusif, avec abattement, morosité, penchant au désespoir; 3o la démence, débilité particulière des actes de l'entendement et de la volonté; 4° l'idiotisme, sorte de stupidité plus ou moins prononcée.

Spurzheim reconnaissait aussi quatre formes de folie l'idiotisme, la démence, l'aliénation et l'irrésistibilité.

Esquirol admettait encore quatre grandes divisions la manie, délire général, et la monomanie (1), délire partiel ; il réservait le nom d'idiotie

(1) S'appuyant sur l'analyse même des observations des monomanies rapportées par les auteurs et sur l'examen attentif des malades dits monomanes, M. Falret prétend qu'il n'existe pas de monomanie proprement dite, c'est-à-dire de délire sur un seul sujet ou borné à une seule série d'idées. Quoi qu'il en soit de cette opinion, qui, si elle était juste, ne serait pas sans influence sur la médecine légale, Marc reconnait l'existence, généralement admise, de la monomanie, et en distingue plusieurs variétés : 1o la monomanie d'orgueil, d'ambition et des richesses; 2o la monomanie hypochondriaque; 3o la manie homicide; 4o la monomanie suicide; 5o l'érotomanie ou monomanie érotique, et l'aidoiomanie ou fureur génitale; 6o la monomanie religieuse et la démonomanie; 7o la kleptomanie ou monomanie du vol; 8o la pyromanie ou monomanie incendiaire; 9o enfin, la monomanie transmise par imitation. Dès 1770, les monomaniaques trouvaient grâce devant les tribunaux allemands, tandis que beaucoup plus tard ils étaient condamnés par les tribunaux français. Il règne encore chez quelques-uns de nos vieux magistrats un esprit religieux mal entendu, qui a singulièrement

à l'oblitération congéniale de l'intelligence, et celui de démence à son oblitération accidentelle.

Hoffbauer ne divisa l'aliénation mentale qu'en deux grandes classes: l'une, sous l'expression générale d'imbécillité, consiste, selon lui, en un défaut de développement des facultés; l'autre, qu'il appelle folie, aurait pour cause une lésion survenue après leur entier développement. A cette division qui n'est pas rigoureusement juste, Marc préfère les distinctions établiés par Pinel et son digne successeur Esquirol, comme s'accordant mieux avec la réalité, et étant le plus généralement adoptées en France.

On doit à M. Scipion Pinel le tableau suivant, qui forme une échelle ascendante de la folie aussi bien qu'une échelle descendante de la raison.

milité contre la réalité de la monomanie et des propensions irrésistibles qui l'accompagnent. L'un d'eux allait jusqu'à dire à Marc : Si la monomanie est une maladie, il faut, lorsqu'elle porte à des crimes capitaux, la guérir en place de Grève. »

L'auteur de l'Essai sur la Théologie morale, le docteur Debreyne, pense que l'opinion d'un délire subit, d'une éclipse soudaine de la raison au moment de l'acte, est plus morale que l'hypothèse des médecins légistes, qui prétendent que la monomanie homicide, suicide, incendiaire, etc.. peut conduire à la consommation de l'acte sans délire ou trouble intellectuel. » Le P. Debreyne croit aussi que le trouble subit et momentané de la raison est l'effet d'un penchant malheureux qu'on n'a pas suffisamment combattu, ou de la négligence qu'on a mise à éviter les occasions propres à le développer. Je partagerais l'opinion du savant trappiste si, au lieu de nier d'une manière absolue l'irrésistibilité du penchant chez les monomaniaques, il se fùt borné à dire que la plupart des monomanies pourraient être victorieusement combattues, si on les attaquait d'une manière convenable dès leur apparition.

TABLEAU analytique des infirmités intellectuelles.

RAISON.

ge DEGRÉ.

8e DEGRÉ.

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Le déraisonnement comprend

Divagatio; ebrie-8 deg. toutes les altérations intellec

tas, quand elle ré

sulte du vin.

tuelles ; mais il a peu de durée.

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