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produit une incapacité intellectuelle qui rapproche l'homme de la brute. Convenablement développées, ces deux facultés sont les puissants auxiliaires de la morale et de la religion, en faisant comparer avec justesse les bonnes et les mauvaises actions, en faisant remonter aux causes des unes et des autres, ét surtout en manifestant l'éternelle sagesse de la cause première de toute la création.

Il résulte de ce court exposé, que la physiognomo nie et la phrénologie ont également pour but la connaissance de l'homme moral; que toutes deux considèrent l'homme extérieur comme le relief de l'homme intérieur; seulement, que la première s'attache plus particulièrement aux formes acquises des diverses parties du corps; la seconde, aux formes natives du crâne, ou plutôt de l'encéphale, dont elle fait dépendre notre constitution et notre caractère.

Aujourd'hui que ces deux systèmes comptent presque autant de prosélytes que de détracteurs (1), il

(1) Ce qu'il y a de surprenant, c'est que la plupart des individus qui se prononcent énergiquement pour ou contre ces deux systèmes ne se sont pas seulement donné la peine dé les étudier, et encore moins de les approfondir. Quant à moi, je me trouve encore trop peu éclairé pour me permettre de les juger. Je crois cependant pouvoir dire, dès à présent, que la localisation des facultés ne me semble ni impossible ni contraire à notre libre arbitre. Du reste, que cette localisation soit une vérité ou bien une chimère, nos prédispositions natives n'en restent pas moins ce qu'elles sont; seulement, dans le premier cas, les parents et les maitres auraient un moyen de plus pour les reconnaitre et leur imprimer de bonne heure une direction harmonique. Lavater, Gall, Spurzheim, n'ont certainement jamais voulu prêcher le matérialisme vi l'irréligion, et il serait par trop injuste de les rendre responsables du tort de ceux qui sont venus donner à la science une si fåcheuse

me semble qu'il serait aussi utile qu'intéressant de répéter en grand, c'est-à-dire sur des masses, les observations individuelles qu'ont pu faire Lavater, Gall, Spurzheim, Broussais et M. Dumoutier, ainsi que leurs prédécesseurs.

Une commission, composée d'adversaires, de partisans et de froids observateurs de ces deux systèmes, pourrait, à Paris mieux que partout ailleurs, en démontrer clairement l'exactitude ou la fausseté. Ainsi, la conformation cérébrale des trois cents élèves de l'École polytechnique viendrait nécessairement confirmer ou renverser la localisation de l'organe du calcul et de ses congénères; le Conservatoire de musique fournirait le nombre comparatif des élèves et des professeurs qui ont les organes de la mesure et de l'harmonie considérables ou déprimés ; l'École royale des beaux-arts, les ateliers particuliers de peinture et de sculpture, les écoles de dessin, comptent une foule de jeunes artistes dont les dispositions devraient correspondre à la prédominance ou à la dépression des organes du coloris, de l'étendue, de la configuration ou de la constructivité; enfin, les membres les plus distingués de chacune des cinq classes de l'Institut devraient également présenter un développement cérébral en rapport avec la branche des connaissances humaines qu'ils ont spé

direction. Voir les ouvrages de Gall et de Spurzheim, ainsi que les divers écrits publiés contre leurs systèmes par MM. Lelut et Leuret. Voir surtout la Phrénologie morale de notre savant confrère le docteur Serrurier (Paris, 1840, in-8o), et l'Examen de la Phrénologie, publié en 1842 par M. Flourens.

cialement cultivée, et dans laquelle ils ont pu dépasser leurs collègues.

La localisation des sentiments serait tout aussi facile à vérifier que celle des facultés intellectuelles. Il suffirait pour cela de s'assurer, dans les pensions, dans les colléges et dans les séminaires, si le caractère des élèves, que l'on peut observer chaque jour, est ou n'est pas en harmonie avec tel ou tel développement de la région supérieure du crâne.

Quant aux penchants inférieurs, les prisons de la capitale, et, au besoin, les bagnes, sont encore là, et permettent de répéter les observations contradictoires des phrénologistes et de leurs adversaires.

Pendant le cours de leur inspection, les mêmes commissaires examineraient simultanément si les caractères physiognomoniques indiqués par Aristote, Galien, Albert le Grand, Lavater, sont vrais ou illusoires; si les deux systèmes dont nous parlons ne s'accordent que dans quelques points, ou bien s'ils sont intimement liés; si l'un ne serait pas la conséquence de l'autre, et, dans ce cas, quel est celui auquel appartient la prééminence. Enfin, un examen comparatif de la physionomie, du geste, et de la conformation crânienne d'un grand nombre d'individus, fait à plusieurs années d'intervalle, démontrerait si les changements apportés par l'éducation dans le caractère et l'intelligence ont amené au physique des modifications correspondantes. Ces recherches, qu'on ne s'y trompe pas, exigeraient de longues années d'études consciencieuses et parfois difficiles ; mais les données précieuses qu'elles fourniraient à la religion, à la médecine, à la jurispru

dence et aux beaux-arts; les améliorations subséquentes qu'elles pourraient apporter à notre société égoïste et corrompue, suffiraient, ce me semble, pour fixer l'attention des gouvernements, et les engager à faire entreprendre un travail dont je n'ai pu donner ici qu'une idée imparfaite.

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Les passions ne se développent pas toujours avec violence et rapidité : aussi les Grecs exprimaientils par le mot рожábεiα, avant-passion, l'état moral dans lequel le désir sollicite doucement l'âme dont il cherche à se rendre maître. C'est le moment où la raison peut et doit examiner attentivement si ce désir est louable ou non, et s'il n'y a pas plus d'avantages à le chasser qu'à le satisfaire.

Quelque mouvement de vaine gloire, d'égoïsme ou de volupté, est-il parvenu à agiter notre âme, si elle s'y arrête avec complaisance, tout en le reconnaissant vicieux; si elle s'y abandonne avec réflexion et volonté, la passion, déjà formée, augmente subitement d'énergie, et ne tarde pas à nous pousser à des actes nuisibles et criminels.

Mais la passion devient plus insatiable, plus tyrannique, à mesure qu'elle s'exerce l'habitude, cette seconde nature, la convertit en un besoin impérieux; et l'homme, véritable esclave, n'a plus alors pour guide qu'une raison faussée et corrompue, qui lui cache, ou parvient même à lui faire aimer sa dégradante servitude.

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