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Aussi, ennemie des pauvres et des infortunés, dont elle rend l'existence plus triste encore; ennemie de la société, dont elle ébranle les bases, elle ne saurait produire aucun avantage réel, et sème partout où elle passe la corruption et le dés ordre. D'où viennent, en effet, ces crimes monstrueux qui désolent, qui effrayent si souvent nos cités, si ce n'est de l'irréligion? N'est-ce pas elle encore qui produit ce sombre dégoût de la vie et ces transports passionnés qui poussent tant de malheureux au suicide? Si nous consultons les annales de la criminalité, ces statistiques effrayantes dressées par ordre des principaux gouvernements, nous voyons que l'instruction elle-même, loin d'arrêter les progrès du mal, semble plutôt le favoriser quand elle n'est pas appuyée sur l'élément religieux. Il faut donc reconnaître que sans religion il n'y a point de vraie morale, et que la meilleure semence se change alors en ivraie. L'impiété est un vent brûlant qui dessèche le cœur de l'homme; le christianisme est une rosée bienfaisante qui le fertilise et l'agrandit (1).

(1) Il est bien à regretter que, dans les Comptes rendus de la justice criminelle, on n'ait pas encore songé à rechercher la proportion des incrédules, des indifférents et des hommes religieux traduits devant les tribunaux. En l'absence totale de documents offi-ciels sur ce point important, je me bornerai à donner ici les résultats de mon expérience particulière comme médecin légiste. D'après les faits nombreux dont j'ai été témoin, et les renseignements qui m'ont été communiqués soit par les familles, soit par le ministère public, je crois pouvoir avancer, sans crainte d'être démenti, que sur 100 individus accusés de crimes, 50 pouvaient être rangés parmi les indifférents en matière de religion, 40 parmi les incrédules et 10 parmi les croyants.

D'un autre côté, sur une centaine de suicides, je n'en ai constaté

Influence de l'Imagination (1).

Je ne terminerai pas ce chapitre sans dire quelques mots sur une faculté merveilleuse, qui souvent donne des ailes au génie, mais qui, bien plus souvent encore, déchaîne les passions, et les exalte jusqu'au délire. L'imagination, en effet, dont je veux parler, ne se borne pas, comme la mémoire, à tenir registre des impressions reçues : elle les reproduit en les colorant, elle les combine à l'infini, et, pour peu que son développement soit hors de proportion avec celui des autres facultés intellectuelles, elle nous trompe sur la valeur réelle des choses, fausse tout à fait notre jugement, jette notre esprit dans le vague, et, nous abusant par des craintes

que quatre commis par des personnes d'une piété reconnue c'étaient trois femmes mélancoliques, dont deux se sont précipitées dans un puits, et dont l'autre s'est asphyxiée par la vapeur de charbon, après avoir placé un grand crucifix sur sa poitrine. Le quatrième individu était le précepteur de l'infortuné Labédoyère, le vénérable abbé Viard, que je connaissais depuis longtemps, et dont la raison était complétement dérangée par l'âge et le chagrin.

Voir, dans le tome IX du Bulletin de l'Académie royale de Bruxelles, la Note de M. le chanoine de Ram sur l'utilité d'une statistique cri minelle dans ses rapports avec les principes religieux.

(1) Le mot imagination paraissant impliquer création, tandis que l'homme peut à peine saisir les phénomènes de la vie universelle, les phrénologistes ont cru devoir lui substituer celui d'idéalité. Selon eux, l'idéalité est cette faculté primitive qui, s'appliquant à tout, cherche constamment le type idéal de toutes choses, c'est-à-dire le type artificiel qui réunit les qualités les plus frappantes de l'objet. Poussée à ses dernières conséquences, une telle tendance conduit l'homme à ne considérer le monde réel que comme une illusion, et à s'égarer dans l'immensité du vide. Voyez l'Hygiène morale du docteur Casimir Broussais.

ou des espérances chimériques, nous pousse aux actes les plus déraisonnables aussi un de nos vieux auteurs l'a-t-il surnommée la folle du logis.

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C'est en grossissant, en dénaturant les objets, que l'imagination enfante ces terreurs paniques qui ont mis en fuite des armées nombreuses, ou qu'elle fait apparaître ces fantômes nocturnes, effroi des esprits faibles et crédules. Toutefois, si pendant la nuit elle augmente la peur et la crainte, elle ranime avec le jour le courage et l'espérance, qui les dissipent. Chez l'avare, l'imagination ne s'unitelle pas à la circonspection qui le domine, pour lui montrer en perspective le monceau d'or qu'il possédera s'il a le triste courage de vivre longtemps de privations? N'est-elle pas encore l'un des plus puissants auxiliaires de l'amour? n'est-ce pas elle qui lui met son bandeau?

L'imagination pouvant déterminer une foule de maladies, et même la mort, on conçoit combien le fœtus doit souffrir des écarts et des déréglements de l'imagination de la mère, non par le transport et l'empreinte de quelque figure, mais bien par le trouble communiqué à la circulation et à la nutrition de deux individus vivant de la même vie. Je dois enfin rappeler ici que l'imagination, et les passions qu'elle excite, dérangent sur-le-champ la sécrétion du lait, et altèrent tellement la nature de ce fluide, qu'on a vu des enfants être frappés de mort subite en prenant le sein immédiatement après que leur nourrice venait d'éprouver une vive affection morale.

CHAPITRE V.

Séméiologie des Passions, ou Exposé des Signes physiognomoniques et phrénologiques au moyen desquels on prétend pouvoir les caractériser.

C'est une chose certaine, que le corps s'altère et se change quand l'âme s'émeut, et que celleci ne fait presque pas d'action qu'elle ne lui en imprime les marques.

DE LA CHAMBRE, les Caract. des Passions.

Deux systèmes, qui remontent à une très-haute antiquité, se présentent ici avec d'égales prétentions à signaler les penchants et les aptitudes des hommes. La physiognomonie et la phrénologie veulent toutes deux que notre extérieur ne soit que la manifestation de ce qui se passe habituellement au dedans de nous; mais, ce principe admis, elles se séparent aussitôt, et procèdent d'une manière tout à fait opposée la première, jugeant le plus souvent a posteriori, la seconde, a priori: l'une, reconnaissant le caractère par la configuration des traits qu'il a déterminés; l'autre, à la seule inspection des éminences cérébrales, traduites en relief sur le crâne, annonçant les instincts, les sentiments, les facultés qui prédominent, et qui n'attendent que l'occasion favorable pour s'exercer.

Essayons, dans une rapide analyse, de présenter les signes caractéristiques des passions, d'après ces deux sciences, ou plutôt ces deux systèmes.

Selon les physiognomonistes, les diverses émotions de joie, de tristesse, de jalousie, de colère, etc., se peignent aussitôt sur la figure, et impriment à nos traits certaines modifications qu'on retrouve absolument semblables chez tous les peuples. La même émotion se reproduit-elle fréquemment, les traces d'abord légères qu'elle laissait sur le visage deviennent chaque jour de plus en plus profondes, et finissent par lui communiquer une expression habituelle, connue sous le nom de physionomie, et qui n'est autre chose que le reflet du caractère, c'est-à-dire de l'état le plus ordinaire de l'âme.

Mais le visage n'est pas le seul livre dans lequel nous puissons étudier les passions humaines : la constitution, la forme de la tête, sa capacité, les habitudes extérieures, le geste surtout et le timbre de la voix, sont des indices précieux qui ne méritent pas moins de fixer notre attention. Aussi n'est-ce sur aucun de ces signes, considérés isolément, mais sur leur ensemble et sur leur accord, qu'on peut parvenir à asseoir un diagnostic certain.

Constitutions. — En traitant des causes des passions, j'ai fait connaître les signes auxquels on peut distinguer les différentes constitutions, et l'influence qu'elles exercent sur le caractère. Comme il serait superflu d'y revenir ici, je me hâte de passer en revue les diverses parties du corps, qui ont toutes leur signification.

Tête.

Trop grosse et trop charnue, la tête annonce au physiognomoniste une intelligence lourde et paresseuse; trop petite, ou mal conformée, elle

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