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que jusqu'au rectangle de deux quantités indéterminées, ou bien au quarré d'une même, la ligne courbe est du premier et plus simple genre, dans lequel il n'y a que le cercle, la parabole, l'hyperbole et l'ellipse qui soient compris; mais que, lorsque l'équation monte jusqu'à la troisième ou quatrième dimension des deux ou de l'une des deux quantités indéterminées, elle est du second; et que, lorsque l'équation monte jusqu'à la cinquième ou sixième dimension, elle est du troisième, et ainsi des autres à l'infini. >>

Après avoir ainsi établi les bases de son système de coordonnées, Descartes en fait connaître les usages: « De cela seul qu'on sait le rapport qu'ont tous les points d'une ligne courbe à tous ceux d'une ligne droite, ainsi que je l'ai expliqué, il est aisé de trouver aussi le rapport qu'ils ont à tous les autres points et lignes donnés, et ensuite de connaître les diamètres, les aissieux, les centres et autres lignes ou points à qui chaque ligne courbe aura quelque rapport plus particulier ou plus simple qu'aux autres, et ainsi d'imaginer divers moyens pour les décrire et d'en choisir les plus faciles, et même on peut aussi par cela seul trouver quasi tout ce qui peut être déterminé touchant la grandeur de l'espace qu'elles comprennent, sans qu'il soit besoin que j'en donne plus d'ouverture, et enfin, pour ce qui est de toutes les autres propriétés qu'on peut attribuer aux lignes courbes, elles ne dépendent que de la grandeur des angles qu'elles font avec quelques autres lignes. Mais, lorsqu'on peut tirer des lignes droites qui les coupent à angles droits, aux points où elles sont rencontrées par celles avec qui elles font les angles qu'on veut mesurer, ou, ce que je prends ici pour le même, qui coupent leurs contingentes, la grandeur de ces angles n'est pas plus malaisée à

trouver que s'ils étoient compris entre deux lignes droites. C'est pourquoi je croirai avoir mis ici tout ce qui est requis pour les éléments des lignes courbes, lorsque j'aurai généralement donné la façon de tirer des lignes droites qui tombent à angles droits sur tels de leurs points qu'on voudra choisir; et j'ose dire que c'est ceci le problème le plus utile et le plus général, non seulement que je sache, mais même que j'aie jamais désiré de savoir en Géométrie. »

La solution que donne Descartes de ce problème général des tangentes ou plutôt des normales est celle sans doute qui s'est présentée la première à son esprit, et il la donne sans chercher à savoir s'il en peut exister une meilleure. Au lieu de déterminer directement l'équation de la tangente par la même règle algébrique qu'il va mettre en usage, il cherche celle du cercle qui aurait pour centre le pied de la normale sur l'axe des x, et pour rayon la distance de ce pied au point donné de la courbe; il exprime pour cela que l'équation résultant de l'élimination de x, par exemple, entre les équations du cercle et de la courbe, a deux racines égales à l'ordonnée du point de contact; c'est-à-dire que son premier membre est divisible par le quarré de moins cette coordonnée. L'équation sur laquelle il opère a un degré plus élevé qu'il n'est nécessaire.

Descartes s'en aperçut, peu de temps après la publication de son livre, et ses lettres renferment l'indication d'une méthode moins détournée.

Notons encore qu'une conséquence toute naturelle de l'adoption du système de coordonnées de Descartes fut la réalisation des solutions négatives qui jusqu'alors avaient simplement été traitées de fausses. Ce fut un nouveau titre pour Descartes : les valeurs

négatives des inconnues recevant une interprétation en Géométrie analytique, on s'est habitué à en rechercher le sens dans toutes les questions où les équations les présentaient, ce qui a en quelque sorte doublé l'étendue du champ des formules et permis de ramener toutes les questions à un nombre moitié moindre. Observons toutefois que, sous ce rapport, la pratique a de beaucoup devancé la théorie, qui ne prit naissance que bien plus tard. Mais c'est toujours ce qui arrive; on s'empresse toujours plus à appliquer les méthodes nouvelles qu'à les éclaircir.

La solution du problème des tangentes ou des normales est suivie de la théorie des ovales que Descartes voulait faire servir à la construction des lentilles convergentes. Voici la définition de l'une de ces ovales :

Fig. 1.

M

F, Get A (fig. 1) sont trois points en ligne droite, choisis à volonté; AR est une droite quelconque passant par le point A. Du point F comme centre, avec un rayon arbitraire, on décrit une circonférence MPN qui coupe FAG en P; on prend AQ tel que

AQ AP

ait une valeur donnée moindre que 1, enfin, AR ayant été pris égal à AG, on décrit, du point G comme centre, avec RQ comme rayon, une circonférence M'N', qui coupe la première aux deux points I; ces deux points appartiennent à l'ovale, qui passe au point A et est symétrique par rapport à FG.

La dernière partie de la Géométrie de Descartes ne traite plus que de l'Algèbre. Après avoir reproduit d'après Viète, mais plus simplement, la théorie de la transformation des équations et ses usages, Descartes traite d'abord de la recherche des racines commensurables et de la simplification d'une équation pour laquelle on en a trouvé; il passe ensuite à la résolution des équations du troisième et du quatrième degré et à la construction de leurs racines par des intersections de coniques. Il démontre de la manière suivante que ces racines ne pourraient pas être construites au moyen de la règle et du compas seulement : « pour ce qui est des problèmes solides, que j'ai dit ne pouvoir estre construits, sans qu'on y emploie quelque ligne plus composée que la circulaire, c'est chose qu'on peut assez trouver, de ce qu'ils se réduisent tous à deux constructions, en l'une desquelles il faut avoir. tout ensemble les deux points, qui déterminent deux moyennes proportionnelles entre deux lignes données: et en l'autre les deux points qui divisent en trois parties égales un arc donné: car, d'autant que la courbure du cercle ne dépend que d'un simple rapport de toutes ses parties au point qui en est le centre, on ne peut aussi s'en servir qu'à déterminer un seul point entre deux extrêmes, comme à trouver une moyenne proportionnelle entre deux lignes droites données, ou diviser en deux un arc donné : au lieu que la courbure des sections coniques, dépendant tou

jours de deux diverses choses, peut aussi servir à déterminer deux points différents; » la remarque, je crois, n'avait pas été faite avant Descartes.

Nous avons à dessein omis de mentionner la règle des signes, pour pouvoir en parler avec plus de détails. Voici tout ce qu'en dit Descartes: il vient de former le premier membre de l'équation x* — 4x3 — 19x2 + 106x

120=0,

en faisant le produit des facteurs (x-2), (x-3), (x-4) et (x+6), pour montrer, d'une part, qu'une équation peut avoir autant de racines qu'il y a d'unités dans son degré, et, de l'autre, que ces racines peuvent être aussi bien vraies que fausses (positives que négatives) mais qu'elle ne peut pas en avoir davantage. Et il ajoute :

s'y

« On connoist aussi de cecy combien il peut y avoir de vrayes racines, et combien de fausses en chaque équation. A sçavoir, il y en peut avoir autant de vrayes que les signes + et trouvent de fois estre changez; et autant de fausses qu'il s'y trouve de fois deux signes ou deux signes qui s'entresuivent. Comme en la dernière, à cause qu'après +x il y a -4x3, qui est un changement du signe en -, et après -19xx il y a 106x, et après + 106x, il y a 120, qui sont encore deux autres changemens, on connoist qu'il y a trois vrayes racines et une fausse, à cause que les deux signes de 4x3 et 19xx s'entresuivent. >>

+

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Autant que je m'en souviens, j'ai lu autrefois, dans les œuvres de Descartes, une véritable démonstration de son beau théorème, mais je ne la retrouve pas. Cependant, l'édition que j'ai sous les yeux, qui est de 1664, doit être conforme à la première, Des

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