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comme elles devraient l'être si toutes les opérations indiquées étaient d'elles-mêmes possibles. Mais la substitution algébrique correspond à un mode précis de substitution arithmétique. Ainsi, si la valeur arithmétique d'un polynôme est affectée du signe moins, ce signe disparaît dans les puissances paires et ne se conserve que dans les puissances impaires; plus généralement, le produit d'un nombre impair de polynômes, dont les valeurs se trouvent affectées du signe moins, est lui-même négatif, tandis que le produit d'un nombre pair de pareils polynômes a le signe plus; les valeurs absolues des inconnues, trouvées négatives, doivent donc satisfaire aux équations modifiées suivant la règle énoncée.

C'est par application de cette règle d'Algèbre, au moins entrevue, que l'on a pu apercevoir la possibilité de donner aux formules de Trigonométrie une entière généralité, en attribuant des signes convenables aux lignes trigonométriques des angles, considérés dans les différents quadrants. C'est ainsi, notamment, qu'on a pu donner un sens clair et précis aux solutions négatives des équations qui résolvent tous les problèmes relatifs à la division des arcs.

Il est moins certain que Descartes, en fondant les bases de la Géométrie analytique, ait envisagé les difficultés de la question qui aurait dû le préoccuper avant tout, de savoir si les arcs de courbes, contenus dans les trois derniers angles des axes de coordonnées, et dont les points étaient fournis par les solutions négatives par rapport à x, ou ày, ou à x et y, de l'équation dont les solutions positives avaient fourni l'arc construit dans le premier angle, se feraient suite les uns aux autres et au premier arc.

Il est probable qu'à cet égard il s'est contenté de la vérification constante fournie par toutes les expériences.

BIOGRAPHIE

DES

SAVANTS DE LA HUITIEME PÉRIODE

ET

ANALYSE DE LEURS TRAVAUX.

DESCARTES.

(Né à Lahaye (Touraine) en 1596, mort en Suède en 1650.)

René Descartes, seigneur du Perron, malgré la fermeté avec laquelle il a toujours refusé toutes sortes de titres, était d'une famille noble, qui avait vu plusieurs de ses membres s'élever à des postes éminents dans la magistrature, dans l'église et dans l'armée. Son père était conseiller au Parlement de Bretagne; sa mère, Jeanne Brochard, était fille du lieutenant général pour la province du Poitou. Il naquit le 31 mars 1596. Sa mère perdit la vie peu de jours après la lui avoir donnée; elle était très faible, et Descartes hérita d'elle une santé fort débile, qui ne se rétablit que très tard.

Il entra en 1604 au collège de La Flèche, que dirigeaient les Jésuites. «< Non content de ce qui s'enseignait dans le collège, il y parcourut avidement tous les livres qui traitent des Sciences les plus curieuses et les plus rares, persuadé que la lecture des bons livres est comme une conversation avec les plus honnêtes gens

des siècles passés, qui en ont été les auteurs, mais une conversation étudiée, dans laquelle ils ne découvrent que les meilleures de leurs pensées. » (Discours de la Méthode). Parmi ses amis de collège, se trouvait celui qui fut depuis le Père Mersenne, avec qui il conserva toujours des relations intimes.

Dès ses dernières années de collège, Descartes eut conscience de la vanité ou de l'absurdité de la plupart des choses qui formaient les cours d'études d'alors; son esprit inquiet ne se reposa que dans l'étude des Mathématiques, à laquelle il se livra avec ardeur. « Ce qui le charmait particulièrement dans les Mathématiques, et surtout dans l'Arithmétique et la Géométrie, était la certitude et l'évidence de leurs raisons; mais il n'en comprenait pas encore le vrai usage. » (Discours de la Méthode).

Descartes quitta le collège en 1612 pour retourner près de son père. Quelque temps après, il vint à Paris, où il renoua amitié avec Mersenne, et se remit à l'étude de la Géométrie et de l'analyse des anciens. En 1617, à l'âge de vingt et un ans, sollicité par sa famille de prendre un parti, il choisit la carrière des armes, non pas qu'il songeât le moins du monde à devenir un grand capitaine. Il se charge lui-même, dans une de ses lettres, de prévenir toute erreur à cet égard: « Bien que la coutume, dit-il, et, l'exemple fassent estimer le métier de la guerre comme le plus noble de tous, pour moy, qui le considère en philosophe, je ne l'estime qu'autant qu'il vaut, et même j'ai bien de la peine à lui donner place entre les professions honorables, voyant que l'oisiveté et le libertinage sont les deux principaux motifs qui y portent aujourd'hui la plupart des hommes. »

Descartes, en entrant dans la carrière militaire, voulait seulement se mettre en position de pouvoir voyager, ce qui n'était

facile alors qu'à des hommes en armes et rassemblés. Il servit d'abord sous les ordres du prince Maurice de Nassau. Ce prince aimait les Mathématiques et les mathématiciens, et c'est là sans doute ce qui attira Descartes vers lui. Les deux années de pleine paix qu'il passa cette fois en Hollande y furent surtout employées par lui dans le commerce des savants qu'il rencontrait à la cour du prince.

Un jour qu'il était en garnison à Bréda, une affiche écrite en flamand, autour de laquelle la foule était groupée, attira ses regards. C'était l'énoncé d'un problème de Géométrie qu'on proposait à résoudre. Descartes, qui ne comprenait pas le flamand, se fit expliquer de quoi il s'agissait. Celui à qui il s'adressa, et qui n'était autre que le mathématicien Beekmann, principal du collège de Dort, trouva la question fort étrange de la part d'un militaire; il y répondit avec un ton pédantesque et des airs de supériorité. Le lendemain, Descartes lui apportait la solution du problème.

Descartes quitta le service de la maison d'Orange après l'odieuse exécution de Barneveldt et se mit à voyager en Allemagne (1619). Il servit dans les troupes du duc de Bavière, mais toujours en philosophe, les quitta à Ulm pour s'y lier d'amitié avec Jean Faulhaber, professeur de Mathématiques, qu'il étonna par son savoir, et les rejoignit peu de temps après (1620) pour les quitter de nouveau et passer (1621) en Hongrie sous les ordres du comte de Bucquoy. A la mort de ce dernier, arrivée peu de temps après, il quitta entièrement le service des armes.

Nous le voyons alors, tourmenté par une sorte de fièvre de locomotion, parcourir en curieux une partie de l'Allemagne du Nord, revenir en Hollande, traverser la France, la Suisse, le M. MARIE. Histoire des Sciences, IV.

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Tyrol, l'Italie, puis revenir en France, cherchant partout les hommes avec qui il pût entrer en communication d'idées et dont il pût apprendre quelque chose.

Toutefois, il est à remarquer qu'il ne chercha pas à voir Galilée, quoi qu'il en eût eu l'occasion en passant à Florence en 1625. Il est probable que son attachement à la foi catholique, sa dévotion au Saint-Siège et la circonspection qu'il a toujours montrée dans toutes les circonstances où la religion pouvait avoir part, l'engagèrent à éviter de se lier avec l'ami de Fra Paolo Sarpi et des principaux chefs de la République de Venise, dont les démêlés avec le Pape avaient eu trop de retentissement en Europe pour ne pas suggérer à notre philosophe l'idée d'une grande réserve. - De retour à Paris, il renoua avec Mersenne et Mydorge ses anciennes relations et se lia avec d'autres savants: Hardi, conseiller au Châtelet; de Beaune; Morin, docteur en Médecine et professeur de Mathématiques au Collège de France; de VilleBressieux, chimiste et mécanicien; Desargues, et Balzac. Mais il les quitta brusquement pour assister au siège de La Rochelle, auquel il prit même part comme volontaire amateur.

Après la reddition de la ville, il revint à Paris et prit aussitôt les dispositions nécessaires pour aller s'établir en Hollande. Il arriva à Amsterdam en 1629 et y demeura quelque temps; il séjourna ensuite successivement dans un grand nombre de villes des États. Enfin il se fixa à peu près dans une petite ville, Egmond-de-Binnen.

Pendant son séjour à Amsterdam, il s'était lié, avec le père d'Huyghens, d'une amitié qui ne se démentit plus. Il se fit encore d'autres amis, entre autres Renerius (Reneri), de Waessenaer, Hooghelande, qui l'aidèrent dans ses recherches et ses expé

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