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Bohême rappelés et réintégrés dans leurs biens. Les jésuites, auteurs de toutes les vexations précédentes, seraient chassés. On conviendrait avec la couronne de Suède de paiemens à termes fixes, et toutes les troupes inutiles seraient envoyées contre les Turcs. >>

Enfin son secret lui échappe. « Si Walstein obtient la couronne de Bohême, tous les proscrits auront à se louer de sa générosité; une liberté entière de religion régnera dans tout le royaume. La maison palatine rentrera dans ses droits, et Walstein n'exige que le marquisat de Moravie en dédommagement du Mecklenbourg. Dans cette supposition, il se mettrait à la tête des armées alliées, pour marcher sur Vienne, et arracher à l'empereur par la force des armes son consentement à ce traité. »

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Walstein venait de mettre au jour les projets audacieux qu'il méditait en silence depuis tant d'anpées. Toutes les circonstances annonçaient aussi qu'il n'avait pas un instant à perdre. Une confiance aveugle dans le bonheur et le génie du duc de Friedland avait pu seule inspirer à l'empereur cette fermeté qui le fit résister à toutes les représentations de la Bavière et de l'Espagne, en confiant à cet homme redoutable un commandement aussi absolu. Mais la longue inaction de Walstein avait depuis long-temps ébranlé cette confiance;

et depuis la malheureuse journée de Lutzen, elle était presqu'entièrement détruite. Ses ennemis se réveillent et trouvent un accès facile auprès de Ferdinand. On lui rappelle la hauteur insolente de Walstein, ses vexations inouïes contre les sujets autrichiens; et on répand des doutes sur sa fidélité. Ces accusations justifiées par la conduite du duc inquiétèrent Ferdinand. Mais la faute était commise; et le pouvoir immense dont le duc de Friedland avait été investi, ne pouvait lui être retiré une seconde fois, sans le plus grand danger. Il ne restait d'autre ressource à l'empereur que de le diminuer insensiblement; on eut recours à l'artifice. Walstein était généralissime de l'empereur en Allemagne; mais son pouvoir ne s'étendait pas jusqu'aux troupes étrangères. On rassemble donc une armée espagnole dans le Milanais; et on l'envoie combattre en Allemagne, sous un général espagnol. Dès lors Walstein n'est plus l'homme indispensablement nécessaire, parce qu'il a cessé d'être seul; et l'on a même un soutien contre lui, si les circonstances viennent à l'exiger.

Le duc ne tarda pas à être éclairé sur sa position; en vain il proteste auprès du cardinal-infant, général espagnol, contre cette infraction du traité fait avec lui. L'armée italienne entre en Allemagne, et Walstein est forcé de lui envoyer le général Altringer avec un renfort. Averti du danger qui le

il

menaçait, et ne voulant pas perdre une seconde fois le commandement et le fruit de ses travaux hâta l'exécution de son plan. En éloignant les officiers suspects et en comblant les autres de bienfaits, il se crut assuré de la fidélité de ses troupes. Prêt à donner un exemple frappant d'ingratitude, il fondait tout son espoir sur la reconnaissance qu'il osait attendre pour lui-même.

Avant de confier son projet aux Suédois, le duc voulut s'assurer de l'appui de la France. Il entama des négociations secrètes avec le marquis de Feuquières, plénipotentiaire français à Dresde; et quoiqu'on procédât avec beaucoup de méfiance dans le principe, elles se terminèrent à la satisfaction de Walstein. Feuquières reçut de Richelieu l'ordre de promettre l'appui le plus efficace au duc de Friedland, et une somme d'argent considérable, si l'état des affaires l'exigeait.

L'excès des précautions le conduisit à sa perte; le plénipotentiaire français apprit avec étonnement qu'un projet de cette nature eût été confié aux Saxons. Le ministre de Saxe n'avait pu cacher ses liaisons avec la cour de Vienne; et les conditions offertes aux Suédois, les laissaient trop loin de leurs espérances pour obtenir jamais leur approbation. Feuquières trouva donc inconcevable que le duc eût pu comptér sérieusement sur l'appui des premiers et sur la discrétion des autres. Il découvrit

ses doutes et ses inquiétudes à Oxenstiern, qui so défiait autant que lui des intentions de Walstein et goûtait encore moins ses propositions. Le chancelier n'ignorait pas que le duc avait entamé autrefois de pareilles négociations auprès de GustaveAdolphe mais il n'avait aucune garantie de la sincérité d'un homme dont la dissimulation était bien connue ; et ce n'était point sur de simples paroles qu'on pouvait remettre la cause commune à la discrétion d'un si formidable ennemi.

Quelques contradictions qu'on remarqua dans la conduite de Walstein, justifièrent les soupçons, Toutes ses démarches ne parurent bientôt qu'un tissu d'artifices honteux, pour affaiblir les alliés et augmenter ses propres forces. La vérité de ces conjectures fut démontrée par l'événement; mais il ne tira aucun avantage de sa supériorité. Lorsqu'on se croyait près d'un événement décisif, il renouvelait subitement les négociations; et quand une suspension d'armes laissait les alliés dans la sécurité, aussitôt il se montrait en ennemi. On ne peut attribuer l'imprudence d'une telle indécision, qu'au projet incohérent, de ruiner à la fois les Suédois et l'empereur, et de conclure avec l'électeur de Saxe une paix séparée.

Furieux du mauvais succès de ses négociations, le duc de Friedland résolut de poursuivre la guerre avec vigueur. Après avoir attiré, par de savantes

manœuvres, l'armée saxónne dans la Misnie, il fait une marche rétrograde sur l'Oder, où il surprend les Suédois dans une parfaite sécurité. Ils étaient commandés par le comte de Thurn, qui vit son armée complètement battue, et qui tomba luimême au pouvoir des Impériaux.

C'était ce même Thurn, qui le premier avait fomenté les troubles de la Bohême. La cour de Vienne attendait avec impatience l'arrivée de ce grand criminel. Mais Thurn obtint sa liberté; il en savait plus qu'on ne devait en apprendre à Vienne, et les ennemis du duc de Friedland se trouvaient être les siens. La cour impériale eût pardonné une défaite à Walstein, elle ne lui pardonna pas d'avoir soustrait cette victime à sa vengeance. « Qu'auraisje fait de ce furieux, écrivait-il ironiquement aux ministres qui lui demandaient compte de cette générosité déplacée? Puisse le ciel ne donner à nos ennemis que de pareils généraux ; ils nous rendront de bien meilleurs services à la tête des armées que dans les fers >>> !

Walstein poursuivait ses succès et menaçait de s'emparer de toute la Saxe, lorsque les victoires du duc Bernard sur le Danube, l'appelèrent à la défense de l'Autriche. Sa présence en Bavière était indispensable. Après avoir chassé les Suédois et les Saxons de la Silésie, il ne lui restait plus de prétexte pour s'opposer aux ordres de l'empereur,

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