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personnes de toute profession, et en admettant qu'un quinzième des moyens de subsistance soit importé chaque année, on ne trouverait encore que moins de vingt-neuf cultivateurs sur quatre-vingt-treize personnes vivant des produits mêmes du sol ', ce qui donnerait 31 sur 100.

En Belgique, en Italie, en France, sur tous les points où la terre rend un produit net égal ou supérieur à celui de l'Angleterre, le nombre des cultivateurs, comparé à l'ensemble de la population, s'élève en raison inverse de l'étendue des cultures. Il est de plus de 40 pour 100 dans celles des provinces belges dont Anvers et Gand sont les chefslieux, de 44 en Toscane et en Lombardie, de 40 en moyenne dans les deux départements de l'Alsace, et de 43 dans le département du Nord 2.

1 Les importations en grains de l'Angleterre consistent, en moyenne annuelle, en 5 millions d'hectolitres fournis par l'Irlande et plus de 1,100,000 hectolitres de blé d'autres provenances. De plus, l'Écosse et l'Irlande lui envoient beaucoup d'animaux de boucherie, et elle tire du continent de notables quantités de légumes, de produits d'étable et de basse-cour. Aussi est-ce évaluer très-bas que de ne porter qu'au quinzième des consommations alimentaires la masse de celles auxquelles satisfont des denrées venucs du dehors.

Comme déduction faite des semences, il reste à l'Angleterre un produit brut disponible d'environ 3 milliards de francs, et que le montant des fermages y excède à peine 700 millions, peut-être ne sera-t-il pas sans intérêt d'indiquer par quelles voies les moyens de subsistances arrivent à tant de personnes étrangères à la culture. Nos chiffres ne doivent être considérés que comme de simples approximations.

Produit brut à répartir, déduction faite des semences.

Portion qui échoit aux classes non agricoles,

Montant des fermages.

.

3,000,000,000

700,000,000

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2 Il serait impossible de garantir la parfaite exactitude de ces divers chiffres. Ceux qui se rapportent à l'Italie nous semblent d'autant plus vrais qu'ils sont conformes aux proportions dans lesquelles les récoltes se partagent entre les propriétaires et les métayers. Pour la Belgique, des recherches faites assez récemment ont porté la population agricole des deux Flandres à 60 pour 100 du chiffre total. Mais il est essentiel de remarquer que nulle part ne se trouvent tant de cultivateurs exerçant une industrie manufacturière. Les petites fermes du pays de Waes, entre autres, sont aussi de petites manufactures. En France, ce sont les conseils de révision qui fournissent les données sur le classement des populations, et là où se mêlent dans les villages des industries diverses, les réponses des

Voici des chiffres qui marquent le montant des différences à cet

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Ces chiffres montrent combien, à raison des quantités de maind'œuvre dont ils ont besoin, les divers modes d'exploitation influent sur la composition et la densité des populations. Les différences qu'ils expriment sont néanmoins atténuées par le manque d'uniformité complète des cultures. Partout il existe un certain mélange; et en France, entre autres, la région qui nous a fourni nos termes de comparaison non-seulement contient autant de fermes moyennes que de petites, mais en compte aussi bon nombre de grandes. S'il nous fallait réduire les faits en chiffres définitifs, nous dirions qu'en moyenne, tandis que la petite culture emploie quarante cultivateurs pour réaliser un excédant qui puisse nourrir soixante autres personnes, la grande n'en nécessite pas plus de trente.

Dans tous les cas, ce qu'il importe et ce qu'il suffit de constater, c'est qu'à superficie semblable, la petite culture, tout en peuplant davantage les campagnes, est de toutes celle qui entretient le plus de familles exemptes de soins agricoles. Son produit net, du moment où il n'est

jeunes gens interrogés sur leurs professions peuvent amener quelques incertitudes, Mais une cause d'incertitude plus grande sur la véritable répartition naît du mouvement des importations et des exportations de subsistances. L'Angleterre importe le treizième environ de ses consommations alimentaires, et il est en France des départements, comme celui de la Seine-Inférieure, dont une très-forte partie des subsistances vient des départements voisins. En pareille matière, il faut se contenter d'approximations.

1 La moyenne générale du revenu net de l'Angleterre est d'un peu moins de 62 franes par hectare: or, en supposant que, pour compenser toutes les différences de prix entre les diverses denrées, il faille n'évaluer l'hectolitre de blé qu'à 22 francs, la part des rentes ou fermages serait de 282 litres. Dans la région de la France que nous mentionnons, le prix moyen des baux monte à plus de 55 francs, ce qui, en comptant le blé à 18 francs l'hectolitre, fait au delà de 300 litres.

pas moindre que celui des autres, commence par en faire subsister autant; puis la portion de produit brut à l'aide de laquelle le surcroît de laboureurs qu'elle occupe pourvoit à ses besoins en produits ouvrés, en alimente une quantité additionnelle. C'est ce qui ressort de tous les chiffres, un seul excepté. Or, celui-là même devient confirmatif quand nous tenons compte des importations qui nourrissent un quinzième au moins de la population de l'Angleterre, et qui réduisent à moins de soixante par kilomètre carré le nombre des individus auxquels vingt-sept cultivateurs fournissent la subsistance.

Quelles sont les conséquences des proportions si différentes que les divers modes d'organisation agricole établissent entre toutes les fractions des populations? Est-il bon que la culture n'occupe que trèspeu de familles, et que les autres industries en occupent proportionnellement davantage? Ceci n'a jamais fait doute dans l'esprit des partisans des grandes fermes, et le moindre nombre de bras que ces fermes emploient leur a paru l'un des principaux titres à la supériorité.

Eh bien, tout, dans cette opinion, ne repose que sur une fausse appréciation des faits. Si les contrées les moins avancées n'ont que peu de vie et d'activité industrielle, ce n'est pas, comme on l'a supposé, parce que l'agriculture y occupe trop de bras; c'est uniquement parce que les connaissances et les ressources applicables à d'autres soins y manquent. Ce qui partout détermine la quantité des familles vouées à l'exercice des arts et du commerce, c'est la quantité même de capital qui rétribue leurs labeurs. Jamais un genre de production n'amasse les moyens d'offrir un nouveau salaire sans qu'il survienne un homme pour en subsister: c'est un point auquel pourvoit suffisamment le développement naturel des populations toutes les fois qu'elles croissent en richesse et en lumières.

Aussi, pour que certaines formes de culture pussent arrêter ou limiter l'essor de l'industrie, faudrait-il qu'elles eussent pour effet de réduire les épargnes dont l'accumulation étend et diversifie les applications du travail : or, cela est de toute impossibilité. Nul cultivateur n'obtient ou ne garde la terre qu'à la condition d'en payer la plus haute rente qu'elle peut donner; et, d'un autre côté, nul journalier n'est admis à prendre part au travail qu'autant qu'il ajoute au produit, outre l'équivalent de ses gages, un surplus à titre d'intérêts et profits du montant des sommes qu'il reçoit. Aussi, quelques dépenses que coûte la main-d'œuvre, ces dépenses n'en rentrent pas moins grossies d'un excédant égal à celui que donne tout autre emploi de capital, et il s'ensuit qu'elles contribuent dans la mesure habituelle à la formation des épargnes dont la société a besoin pour s'ouvrir de nouvelles voies de production.

Il n'y a donc, comme on le voit, dans la force des classes rurales rien qui puisse faire obstacle au développement des autres classes.

Quelque nombre de bras qu'il lui faille, l'agriculture n'en ôte pas à l'industrie manufacturière: celle-ci en a toujours autant qu'il lui est possible d'en payer, et cela est si vrai, qu'il est des pays, comme l'Angleterre et la Hollande, où, grâce à l'abondance des capitaux amassés, il existe plus de population que n'en saurait nourrir la portion des récoltes dont ceux qui les obtiennent peuvent se passer.

Qu'y a-t-il donc à examiner ici? Une seule question, et, au fond, une question fort simple: celle de savoir ce que les sociétés gagnent ou perdent à ce qu'à côté de classes dont le chiffre est donné par la quantité de capital affecté aux entreprises commerciales et manufacturières subsiste plus ou moins de population rurale. Ainsi réduite à ses véritables termes, la question devient facile à résoudre.

En effet, tout consiste à reconnaître, d'une part, s'il est avantageux aux Etats de renfermer dans leur sein des populations plus ou moins nombreuses, et, de l'autre, quelle influence produit sur le sort des classes industrielles la présence de quantités différentes de familles occupées de soins agricoles. Attachons-nous d'abord au premier point.

Jusqu'ici la prospérité des Etats s'est rattachée par des liens étroits au degré de densité des populations qu'ils contiennent. Ce n'est pas seulement la force et la puissance publique qui croissent en raison de la quantité des familles réunies sur le territoire, c'est aussi l'activité et la richesse sociales. A moins qu'un concours extraordinaire de circonstances ne déjoue leurs efforts, les hommes, considérés en masse, n'arrivent ici-bas que pour y créer plus d'éléments de production qu'ils n'en épuisent, et plus ils se serrent sur le sol qui les porte, plus leurs travaux ajoutent à sa fécondité. C'est là ce dont rend témoignage le mouvement tout entier de la civilisation. A mesure que les différentes contrées se sont peuplées davantage, de nouvelles ressources y ont facilité les œuvres les plus nécessaires au bien-être commun; les capitaux et les occupations s'y sont multipliés, et avec le nombre de leurs habitants ont crû plus rapidement la richesse et l'aisance. De quelque part que soit venu l'accroissement, qu'il se soit accompli dans les campagnes ou dans les villes, dans les fermes ou dans les manufactures, l'effet, toutes les fois qu'il est sorti de causes naturelles, en a toujours été le même, toujours bon et profitable à tous.

Il n'y aurait qu'un cas où l'existence d'un surplus de population du aux formes de la culture pourrait devenir regrettable, ce serait si, comme l'a supposé Arthur Young, ce surplus se composait nécessairement de familles condamnées à végéter dans l'ignorance et la misère. Mais sur quels faits s'appuie cette assertion que contrediraient au besoin toutes les observations recueillies par la science? Nulle part la situation des laboureurs ne dépend de leur nombre absolu ou relatif; nulle part, ils n'ont un sort moins heureux que ceux des industriels qui, comme eux, subsistent de salaires et de profits de capitaux. Entre les ressources dont ils jouissent et celles qui appartiennent aux

classes manufacturières se rencontrent des proportions dont le maintien est assuré par l'affluence des individus vers les occupations qui deviennent les plus lucratives. En agriculture comme dans les autres professions, maîtres et journaliers obtiennent tout ce qui, dans la mesure du moment, revient à toutes les sortes de productions et de main-d'œuvre, et s'il arrive que d'ordinaire l'ouvrier des campagnes soit un peu moins chèrement payé que celui des villes, c'est qu'il préfère un genre de labeurs dont la régularité continue le préserve de chômages féconds en souffrances.

Quant à l'idée tant de fois reproduite que les grandes fermes contribuent plus que les petites au bien-être des populations qu'elles font travailler, à peine mérite-t-elle quelque mention. Toute la différence qui se rencontre entre les deux systèmes, c'est qu'il y a, dans l'un, peu de maîtres et beaucoup de journaliers; dans l'autre, plus de maîtres et moins de journaliers. Or, ne serait-ce pas là plutôt une raison à faire valoir en faveur du dernier? En effet, d'une part, il fait des avantages bien réels de l'indépendance le partage d'un plus grand nombre d'individus; de l'autre, en étendant pour les simples ouvriers la faculté de choisir leurs chefs, il relève leur condition et leur assure plus d'égards. Ce qui est certain, c'est que dans les petites fermes, la distance est peu marquée entre les deux classes; les serviteurs font en quelque sorte partie de la famille ; ce sont des compagnons de travail et non de simples salariés ; et de là, dans les relations, plus de douceur et de sûreté.

L'effet des cultures qui réclament le plus de main-d'œuvre se borne donc à ajouter à la population, qui subsisterait également dans tout autre régime rural, un surplus dont l'existence ne présente aucun inconvénient particulier. Dès lors, il n'y a à juger les conséquences de la présence de ce surplus que par les règles applicables au degré de densité des populations, et à ne le considérer que comme une addition utile, comme une de ces additions qui, en multipliant le nombre des habitants d'un pays, en augmentent la force et l'activité.

Maintenant, quelle influence particulière exerce sur le sort du reste de la population le surcroît d'habitants que les petites cultures donnent aux contrées où elles prévalent? Peu de mots suffiront pour le dire.

De tous les mobiles de l'activité industrielle, le plus efficace, c'est l'étendue et la sûreté du marché. Plus elle a de consommateurs à pourvoir, plus la subdivision du travail permet d'en perfectionner les procédés, plus les entreprises se multiplient, plus s'élargissent les sources où les classes étrangères à la culture puisent les bénéfices qui les font avancer. Or, c'est précisément une extension du marché que leur assurent les systèmes d'exploitation qui, pour réaliser autant de produit net que les autres, exigent davantage de main-d'œuvre. Le surcroît de population qu'ils font subsister ne vit pas seulement des

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