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LA LIBÉRATION DE LA PROPRIÉTÉ, ou Réforme de l'administration des impôts directs et des hypothèques, par le marquis d'Audiffret. Paris, 1844, brochure in-8°.

M. le marquis d'Audiffret est connu par plusieurs publications sur les finances. Il nous a donné successivement l'Examen des revenus publics, le Budget et le Système financier de la France. M. d'Audiffret a occupé pendant longtemps une haute position dans l'administration. Il a une grande expérience et une connaissance approfondie des matières financières. L'idée qu'il développe dans la brochure que nous avons sous les yeux a déjà été indiquée dans ses ouvrages précédents. Il y revient aujourd'hui d'une manière plus détaillée, et en indiquant plus particulièrement les réformes à opérer. L'auteur, comme il l'indique dans son introduction, n'embrasse pas la question hypothécaire dans son ensemble. Le point spécialement traité par M. d'Audiffret est la centralisation des quatre services des contributions directes, du `cadastre, de l'enregistrement et des hypothèques. Le projet de l'auteur centralise d'abord sous une même direction, par un simple changement dans les formes de la comptabilité, les divers moyens d'action de deux administrations séparées, celle de l'enregistrement et celle des contributions directes. Il réunit dans un seul registre, par canton, tous les faits qui établissent la valeur et la situation des biens-fonds. Cet unique document, qui a pour élément les actes translatifs de propriété et tous ceux qui modifient la position de chaque propriétaire, se forme sur les copies authentiques fournies par les officiers publics à chacun des receveurs de l'enregistrement; il doit servir de base à l'établissement des rôles, à l'appréciation des capitaux et des revenus des immeubles, et, par conséquent, à l'exacte application des droits qui frappent les premiers, ainsi qu'à la juste répartition des impôts qui grèvent les seconds; il remplit, avec les pièces régulières dont il est appuyé, l'office du registre actuel des formalites d'enregistrement, de la matrice des contributions directes, du sommier cadastral, et du livre des hypothèques. Ainsi, sans changer essentiellement la législation, ni le système général, ni le but actuel des quatre grands services qui touchent à la même matière, à la propriété territoriale, il suffirait d'une simplification dans les écritures administratives pour accomplir toutes les améliorations depuis si longtemps réclamées sur la péréquation des contributions directes, sur l'exacte perception des droits d'enregistrement, sur le perfectionnement du régime hypothécaire, sur les évaluations cadastrales et sur la démonstration du cens électoral.

Tel est le résumé du plan de M. d'Audiffret. Dans l'état actuel des choses, on n'in

scrit que les hypothèques conventionnelles et judiciaires sur la seule réquisition des parties; on exclut des écritures les inscriptions qu'on désigne sous le titre de légales, ainsi que toutes celles que néglige l'imprévoyance ou que rejette la parcimonie. L'application des principes de M. d'Audiffret rendrait identiques et simultanés tous les actes de mutation; lajformalité de l'enregistrement et la garantie de l'hypothèque atteindraient le but vers lequel tendent aujourd'hui les voeux de la propriété, les efforts d'un grand nombre de jurisconsultes, et les travaux de quelques administrateurs.

M. d'Audiffret répond à toutes les objections qui ont été faites contre son projet ; il les réfute une à une, et il nous semble qu'il a fort bien réussi dans cette entreprise. Après avoir ainsi consolidé les principes généraux de son plan, il arrive aux détails et aux applications, et il montre comment, sans apporter de notables changements dans l'administration, il serait possible de réaliser la réforme qu'il propose. Le travail 'de M. d'Audiffret peut servir, comme il le dit lui-même, d'appendice et de pièce complémentaire à l'instruction préparatoire des questions hypothécaires qui viennent d'être livrées à la discussion publique par M. le garde des sceaux.

T. Z.

CHRONIQUE.

Paris, 15 janvier 1845.

Le fait qui domine toutes les questions, le fait saillant par excellence, est le manifeste économique publié par l'honorable M. de Lamartine dans le Journal de Mâcon.

Nous n'avons pas besoin de dire de quelle chaleur sont empreintes les paroles de l'auteur, et quel parfum d'humanité respire dans toutes ses phrases. Pour M. de Lamartine tous les hommes sont égaux, et s'il défend la cause des travailleurs, ce n'est pas du moins de la dépouille des riches qu'il veut les couvrir. Cette fois il demeure bien entendu que le travail produit la richesse: il est donc inutile de chercher des secours pour les misères des pauvres dans la spoliation des travailleurs devenus riches; c'est au travail qu'il demande la réforme, c'est à la liberté qu'il en appelle des abus de la puissance du capital.

Deux mots sont le thème de l'article de M. de Lamartine : l'organisation du travail, le droit au travail. Il va sans dire que l'éloquent député critique l'interprétation donnée à ces mots sonores. Organiser, mettre de l'ordre, c'est poser des limites; c'est dire à l'un tu iras jusque-là, à l'autre tu ne dépasseras pas ce point. Organiser le travail, cela veut dire, ce me semble, que la production sera, de par la loi, réglée; que la consommation sera, de par la loi, bornée ou étendue; que la distribution sera faite selon des règles fixes et invariables.

Jusqu'à présent, une seule intelligence a pu accomplir une aussi vaste tâche c'est Dieu.

Aux petits des oiseaux il donne leur pâture,

Et sa bonté s'étend sur toute la nature.

Mais que cette tâche soit possible aux hommes, c'est une présomption que l'esprit des ténèbres peut seul inspirer. Orgueil! orgueil!

Aussi n'est-ce pas là ce que M. de Lamartine réclame. Mais dans les tristes

soubresauts du salaire, M. de Lamartine demande que l'État, que la société vienne au secours des travailleurs atteints par la misère, et qu'elle leur donne un salaire, tant petit soit-il, en échange d'un travail temporaire.

Certes, une telle pensée est louable, elle est digne d'un homme de charité, d'un homme de cœur; mais est-ce bien là une organisation? Et cette idée, d'ailleurs, est-elle bien nouvelle ? L'Angleterre ne la pratique-t-elle pas légalement depuis le règne d'Élisabeth? et s'il en est ainsi, n'est-il pas injuste d'accuser l'Angleterre d'abandonner les hommes et de ne les compter que comme des outils dans le grand développement du travail national?

« L'Assemblée constituante, dit M. de Lamartine, dans tous les droits de l'homme qu'elle a proclamés, n'en a oublié qu'un seul, le droit de vivre. » Eh bien! ce que l'Assemblée constituante a oublié, ce qui eût complété, selon l'honorable député, sa tâche humanitaire, les hommes d'État anglais, les aristocrates, les tories, l'avaient fait. Le droit de vivre : il est écrit dans tous les préambules des lois des pauvres. Le droit de vivre : Pitt l'a proclamé à la tribune des communes : « Tout homme a droit à sa subsistance, en échange de son travail. » Le droit de vivre : Puffendorf l'avait proclamé avant Pitt : « La nation doit la subsistance à tous les citoyens. >>

Qu'elles sont donc vaines les discussions qui s'élèvent sur le droit au travail et sur le droit de vivre! Qui donc a jamais pu nier qu'une créature mise au monde par la Providence ait droit à la vie? Est-ce bien là qu'est la question économique ? La charité, en un mot, est-elle en cause dans ce débat? Écoutons M. de Lamartine :

« Les anciennes sociétés n'avaient pas ce problème à examiner. Nul ne pouvait y mourir de faim légalement. Le maître y nourrissait l'esclave, le seigneur y nourrissait le serf, le gouvernement y nourrissait le peuple, l'Église y nourrissait le mendiant. Mais l'industriel qui liquide sa fortune et qui ferme ses ateliers ne nourrit personne. La vie du peuple des ouvriers est remise au hasard. L'ouvrier renyoyé de son usine fermée, ne trouvant pas de place dans une autre, sans toit, sans pain, pour loger et nourrir lui, sa femme et ses enfants, n'a pas le droit d'aller à un magistrat de la Providence publique, et de lui dire : Voilà mes bras, occupez-les; occupez-les à un salaire aussi minime que vous voudrez, mais occupez-les, pour que je vive de mon travail en attendant que l'industrie privée me rouvre ses ateliers et me rende mon salaire. Voilà le droit que nous voulons que la société reconnaisse à tout individu qui la compose. La société qui s'est moralisée, perfectionnée et enrichie à mesure qu'elle a reconnu et garanti un plus grand nombre de propriétés à ceux qui vivent sous ses lois, doit reconnaître une propriété de plus au travailleur, et la plus naturelle et la plus sainte de toutes les propriétés : la propriété de ses bras. Or, que ferait la propriété de ses bras reconnue à l'ouvrier, s'il n'avait pas, dans certains cas d'urgence, le droit de demander à la société d'occuper ses bras et de lui en payer un salaire de nécessité? C'est ce que nous voulons, c'est ce que veulent la justice, la religion, l'humanité, la prudence. Une société qui se mure dans son égoïsme, qui s'en rapporte de tout à l'égoïsme, qui se désintéresse de la vie de ses derniers citoyens, qui glorifie l'axiome du chacun chez soi, chacun pour soi; qui dit : mourez ! là où la nature dit : je dois vivre! une société sans entrailles, sans âme et sans vertu, qui appelle ainsi sur ses gouvernements, sur ses chefs, sur ses législateurs, sur ses riches, le ressentiment, le blasphème et le désordre, cette vengeance des masses; une société à qui on tend des bras sans travail et qui se refuse à s'en occuper! à qui on

demande du pain et qui laisse affamer ses enfants'; une telle société n'est ni de la religion, ni de l'esprit, ni de la date de ce siècle. Ce n'est ni une société de chrétiens, ni une société de philosophes, ni une société de frères; ou plutôt ce n'est pas une société, c'est une avarice civilisée !

« Nous dirons, dans les développements, sous quelles formes ce droit au travail pour cause de vie seulement, propter vitam, peut être proclamé et pratiqué, sans qu'il doive jamais créer contre le travail des industries libres et contre le tarif des salaires volontaires la concurrence meurtrière de l'État. » Que M. de Lamartine se réjouisse donc; ce qu'il demande là existe, existe dans toute son étendue, existe légalement, constitutionnellement; et c'est précisément en Angleterre, chez ces économistes sans entrailles que stigmatise la parole éloquente de l'honorable orateur, que le droit de vivre est reconnu, proclamé, et que a l'ouvrier, renvoyé de son usine fermée, ne trouvant pas de place dans une autre, sans toit, sans pain, pour nourrir lui, sa femme et ses enfants, a le droit d'aller à un magistrat de la Providence publique (qui dispose, pour ces cas de misère, de deux cents millions par an), et de lui dire : Voilà des bras, occupez-les occupez-les à un salaire aussi minime que vous voudrez, mais occupez-les, pour que je vive de mon travail en attendant que l'industrie privée me rouvre ses ateliers et me rende mon salaire. »

Félicitez-vous donc, monsieur; car ce que vous demandez, et ce qui certes n'est pas le dernier mot de l'économie politique, le secours de tous pour ceux qui chôment et souffrent, existe à soixante lieues de nous, et sur la plus vaste échelle; et ces malheureux sont recueillis, ils sont habillés, chauffés, nourris abondamment, mieux nourris, hélas! que certains travailleurs de nos contrées; et si la nuit on sépare le mari de la femme et les enfants de tous deux, c'est surtout pour conserver à ces pauvres, qu'avilit déjà la charité, de saines idées de décence et de morale.

Cette séparation, je le sais, a pris, en certains livres, le nom d'affreuse tyrannie; ces maisons de travail ne sont que de sales et obscures prisons, des lieux infects où la mort se promène et fauche à son aise. Veuillez les aller voir, monsieur, et que votre impartialité fasse justice de ces mensonges. Allez voir si l'éducation que reçoivent les enfants des paupers n'est pas tout ce que vous pourriez désirer pour eux. Prenez le rapport de MM. Day et Tufnell sur cette question, et donnez à vos enfants à résoudre les problèmes que résolvent ces enfants de la nation. Suivez leur carrière, et voyez les uns devenus subrécargues de navires, les autres fermiers, intendants, marchands. La marine surtout est leur vocation, et voilà pourquoi la science mathématique est celle qu'ils cultivent de préférence.

Il faut le dire, on cherche à rendre la vie du work-house moins agréable que celle de la cottage ou de l'usine. Le travail s'y fait en silence, les ménages sont séparés; mais chaque jour à diner on se retrouve, et chaque semaine un jour est consacré à chercher de l'ouvrage au dehors, et ce jour-là, les époux se réunissent.

Si Pitt vivait encore, il partagerait l'indignation des tories actuels contre ce système que vous louez, monsieur, et qui est appliqué depuis 1834. Ce qu'il voulait, ce qu'il avait établi, c'était le secours donné à domicile; c'était le complément d'un salaire insuffisant, donné de par la loi à tous les travailleurs ; c'était le servage de toute la commune qui alors votait pour le maître, parce que le maître avait le droit d'exiger. Et d'ailleurs ce n'était pas le maître qui payait, c'était la commune, c'était tout le monde, et il arrivait souvent que

le maître profitait de l'argent ainsi distribué. Il suffisait pour cela qu'il vint déclarer au magistrat que l'état de ses affaires ne lui permettait plus de donner à ses laboureurs qu'un salaire réduit. Le magistrat complétait le salaire, et le maître épargnait la différence.

J'ai parlé des laboureurs; c'est qu'en effet c'est une grave erreur que de croire que c'est l'industrie manufacturière qui, en se développant, a développé le paupérisme. Je l'ai démontré déjà, et il faut le répéter souvent, afin de porter à réflexion les hommes impartiaux, les comtés agricoles sont plus chargés par la loi des pauvres que les comtés manufacturiers.

Oh! le bel usage qu'alors, dans le louable but de soulager les misères des travailleurs, les magistrats des comtés faisaient de leur intelligence : « Tout homme a droit au travail », disaient-ils. Et alors ils envoyaient les paupers ôter des pierres d'un champ, et quand les pierres étaient ôtées, ils envoyaient les paupers les semer dans le champ de nouveau. De cette sorte, tous les intérêts étaient satisfaits, tous les droits garantis. Les pauvres travaillaient; ils ne faisaient pas concurrence aux ouvriers libres, car pour ces magistrats aussi la concurrence avait amené tous les maux. La concurrence! du temps d'Élisabeth, du temps de Jacques II, d'Anne, de Marie! Tous les édits sont pleins de mesures contre cette fatale concurrence, qui a, dit-on, causé tous les maux. Et qu'est-ce donc que cette concurrence? et comment l'extirper de ce monde? Le communisme le pourra-t-il ? Mais il faudrait pour cela que les intelligences fussent pareilles, car la concurrence de l'esprit est la plus fatale, elle écrase. Faudra-t-il écraser l'esprit ?

La concurrence! mais ce mot c'est un nom pour la liberté. Quoi! parce que M. de Lamartine écrit de sa plume si riche d'éloquentes pages sur l'économie politique, la loi me défendrait d'écrire à mon tour, sous le prétexte que le monde est suffisamment édifié par sa haute parole, et que c'est perdre mon temps que de courir au même but que lui! Quoi! parce que longtemps avant le célèbre poëte je me suis livré à l'étude de la science sociale, j'exigerais qu'il ne vint pas éclairer le monde aujourd'hui sous le prétexte qu'il me ferait tort, à moi qui vis du produit de ma plume!

La liberté, mais étendez-la donc, au lieu de la restreindre, et peut-être toucherez-vous du doigt la cause de ces soubresauts de production manufacturière que vous signalez avec douleur et pour lesquels vous cherchez des remèdes au lieu de les prévenir. Cette cause, elle est pour nous dans le plus ou le moins d'abondance des récoltes. Autrefois cette cause tuait des générations tout entières, et il n'y avait pas de manufactures. Aujourd'hui les travaux sont suspendus, le peuple souffre; mais s'il y a de nombreux malheurs à déplorer, au moins la famine ne dépeuple pas toute une contrée. Essayez avant tout de cette concurrence des grains et des farines; faites tomber à vil prix, par la concurrence, les choses nécessaires à la vie, et attendez l'effet de cette concurrence-là. Vous avez dit un jour un grand mot : « La bonne économie politique, c'est celle des produits à bas prix. » Eh bien! tentez donc son application franchement, largement: ouvrez les ports, nivelez les prix pour tous les pays du monde, au lieu d'aider l'horrible famine, comme à plaisir, en empêchant le pain du bon Dieu d'arriver jusqu'à la bouche des malheureux; facilitez les apports des blés, des bestiaux, des denrées alimentaires de toute espèce. N'est-ce donc pas assez que l'homme reste exposé aux effets des mauvaises saisons? faut-il que la loi décrète que pour le pauvre toutes les saisons seront mauvaises?

L'inconstance dans la production des blés fest la cause générale des crises

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