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qui servent de lieux de dépôt et de marché pour les produits destinés à traverser ces zones. En partant du littoral de la mer, on rencontre ces différentes stations, qui sont pour ainsi dire les échelles de ce commerce de transit. Ce sont : Philippeville, Constantine, El-Kantara, Biscara, Tuggurt, et plus au sud, hors du territoire de l'Algérie, Ghédamès, El-Golia, Tombouctou, etc.

Philippeville approvisionne le Sahel, et expédie sur Constantine.

Constantine fournit directement aux tribus du Tell, et envoie dans le Zabs par l'intermédiaire d'El-Kantara.

Le marché de Biskara est fréquenté par une partie considérable des Noaïl-OuledNayl, par Sidi Okba, El-Feich et les tribus sédentaires de l'Est. Avant la perturbation produite dans ces contrées par les révolutions qui ont suivi la chute d'Ahmed-Bey, Biskara était en relation avec Tuggurt, au moins pour certains articles.

Tuggurt tire directement les grains dont elle a besoin du Tell, par l'intermédiaire des nomades; et les tribus de l'Est, en rapport avec la régence de Tunis, lui fournissent des objets tirés de Tunis.

La nature et le mouvement du commerce qui se fait à Philippeville et à Constantine sont trop connus pour qu'on ait besoin d'entrer dans de plus grands détails.

Les gens d'El-Kantara portent dans le Zabs, et dans le D'jebel-Aurès, des cotonnades, quelques soieries tunisiennes, des épices, de la quincaillerie; ils en rapportent des étoffes de laine (kaïks), des dattes, des fruits secs, du beurre, quelques nattes.

Les Ouled-Nayl, qui fréquentent le marché de Biskara, viennent y échanger des moutons, du beurre, de la laine, contre les importations du Nord et les dates du pays.

La population du Zabs-Chergui porte à Biskara et surtout à Sidi-Okba quelques grains, et y prend des étoffes de coton et des soieries de préférence aux mêmes objets qui de Tunis arrivent sur le grand marché de l'Oued à Souf.

Le marché de Tuggurt est fréquenté: 1o par les Ouled-Nayl, qui y amènent des chameaux, des moutons, de la laine, du beurre, et y achètent des dattes, des burnous et des étoffes de laine (kaïks), désignées sous le nom de kissouas.

2o Par les nomades de la province de Constantine, qui fournissent des grains, de la graisse, des légumes secs, et achètent des dattes et des kissouas.

3° Par les gens de Souf, qui vendent des soieries de Tunis, des cotonnades, des étoffes de laine fine, des essences, des épices, des Nègres amenés de Ghédamès, des armes venues de Tunis ; ils prennent en échange des chameaux, des moutons, de la laine, du beurre et de la graisse.

4o Par les tribus du Beled-el-Djerid, qui portent divers tissus ou produits de l'industrie tunisienne, et emportent de la laine et des espèces monnayées.

5o Par les Ouled-Sid-Yaya, qui viennent y vendre des vêtements de laine achetés chez les Beni-Mazal, et enlèvent en échange des dattes et des kissouas;

6 Par les Arabes, les Azaz-Lia et les Mek-Halif, qui viennent de l'Ouest avec de la laine, des moutons, du beurre, des plumes d'autruche, et prennent en retour des dattes et des kissouas;

7° Par les Miyoussa, les Ouarguela, les Bhétout, tribus du Sud, qui apportent de la poudre, des chapeaux de paille pour les cavaliers (medhala), des esclaves noirs, et emportent du blé, du beurre et des kissouas.

Toutes ces tribus apparaissent sur le marché de Tuggurt en hiver; après le mois de mai, la chaleur devient si ardente qu'aucun étranger ne peut vivre dans le pays. Autrefois, lorsque le cheik de Tuggurt exerçait une domination absolue et non contestée sur les peuplades situées auprès de l'Oued-el-Bikh, des caravanes venaient directement de Ghédamès, et amenaient des noirs, de la poudre d'or, de l'ivoire, et divers autres produits de l'Afrique centrale; quinze journées séparent Tuggurt de

Ghédhamès, et on ne trouve qu'un puits à moitié distance. Aujourd'hui, la sécurité ayant été détruite, les caravanes vont aborder à Souf, plus au nord et plus rapproché de Ghédhamès, puisque dix journées seulement l'en séparent.

On voit, par ce rapide exposé, que Tuggurt est un centre commercial important, un lieu d'échange considérable. La nécessité, depuis longtemps établie, qui force cette population de tirer de Constantine les grains indispensables à sa nourriture, la rend tributaire de cette province. Des autres points lui arrivent des caravanes plus ou moins importantes, mais de Constantine lui viennent trois grandes tribus nomades (les Felmia, les Balmans et les Bou-Azid), qui passent l'hiver dans le pays et lui donnent littéralement son pain.

La prépondérance des nomades de Constantine, dans les échanges nombreux qui se font à Tuggurt, se manifeste d'une manière irréfragable. Ces tribus sont devenues propriétaires dans l'Oued-el-Bickh d'un grand nombre de plantations de palmiers, par suite des créances considérables qu'elles avaient sur la population.

Or, c'est dans le Tel! de Constantine, à neuf lieues à l'ouest de Constantine, que les nomades achètent des grains qui les rendent maîtres du marché de Tuggurt; il sera donc facile de dominer ce marché, de diriger ces échanges à notre gré et selon nos intérêts.

Cette situation, exposée à divers commerçants notables, a fait une vive sensation sur leur esprit. Ils ont compris qu'avec la protection que l'ordonnance du 16 décembre dernier garantit à leurs produits, ils doivent supplanter aisément à Tuggurt toutes les provenances tunisiennes ou européennes, par des produits nationaux.

Mais une exploration préalable pour constater la nature, la qualité et la quantité des divers articles consommés par la population saharienne sera indispensable; aussi quelques-uns d'entre eux se proposent-ils, dès que la saison le permettra, c'est-à-dire vers la fin de novembre, d'aller voir par eux-mêmes le grand marché de Tuggurt.

Enfin, grâce aux avertissements de l'autorité et aux renseignements précis qu'elle leur a fournis, ces négociants ont demandé à aller suivre pendant quelques jours la grande foire que tiennent les nomades à l'Oued-el-Attemania, à neuf lieues ouest de Constantine, et où se font des transactions très-importantes sur les grains. Ils veulent reconnaitre si ces nomades n'achètent pas aussi des produits européens pour les gens de Tuggurt, ou s'il ne serait pas possible de les employer pour le transit.

Ces notions, ces résolutions seraient incomplètes et sans résultat si l'autorité, par de sages mesures, n'intervenait soit pour préparer la voie aux commerçants européens et leur faciliter le succès, soit pour veiller aux intérêts des indigènes, dont l'approvisionnement pourrait être compromis par une trop grande précipitation dans l'application des prohibitions.

Des ordres sévères sont donnés pour qu'aucun marchand européen ou indigène ne puisse se présenter sur les marchés de la province, dans le Tell comme dans le Sahara, sans être muni d'une autorisation expresse de l'autorité supérieure. Cette mesure, commandée aujourd'hui par la prudence, a pour but de régulariser la protection du commerce; elle permettra de constater l'importance des relations, de les surveiller et de les diriger au besoin.

L'intervention officielle de l'autorité lui donnera la faculté d'utiliser à l'avantage des commerçants le voyage annuel que les nomades font du Sahara dans le Tell et du Tell dans le Sahara. En dehors des caravanes purement commerciales, qu'il sera facile d'organiser en leur garantissant une protection efficace jusqu'à Biskara et même jusqu'à Tuggurt, les émigrations des nomades peuvent fournir l'occasion d'opérations considérables, qui, abandonnées aux efforts isolés des négociants, n'auraient aucune chance de succès.

Mais une prudente défense des intérêts du pays arabe commande de s'assurer de l'existence d'un dépôt des marchandises demandées par ces contrées, capable de four

nir à leur consommation, avant la mise en vigueur des dispositions prohibitives de l'ordonnance du 16 décembre 1843. Le dépôt devrait être non à Tuggurt, où il serait vraisemblablement aventuré en ce moment, mais à Biskara, où la présence d'une garnison française ne lui laisse aucune crainte et où les commerçants seraient efficacement protégés.

L'organisation du marché de Tuggurt aura des résultats politiques plus importants encore, surtout pour la population de l'Oued-el-Bikh, que nos nomades exploitent aujourd'hui et qu'ils dépossèdent sans pitié. Or, il est de notre intérêt politique autant que commercial que les nomades ne soient pas à la fois maîtres des deux termes de l'échange du blé et des dattes. (Moniteur algérien.)

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Les chiffres suivants sont extraits d'un

INDUSTRIE COTONNIÈRE DE LA CATALOGNE. rapport publié à Madrid par M. Estaban Sayrò, au nom d'une commission nommée par le gouvernement espagnol et chargée d'une enquête sur la situation de l'industrie cotonnière dans les provinces catalanes. Ils se rapportent à l'année 1840. Les établissements sont au nombre de 4,583; ils possèdent un capital de 414 millions 083,109 réaux', que l'on décompose comme suit :

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Ces établissements emploient 97,346 ouvriers, qui ont à se répartir 151,524,480 réaux par an, soit 1,577 réaux par ouvrier, ou 4 1/3 réaux par jour, ou 1 franc 16 centimes en moyenne, ce qui met bien bas le salaire des femmes, des enfants et des ouvriers de second ordre.

Le total de la force motrice mise en œuvre pour le travail du coton comprend 335 chevaux-vapeur, 568 chevaux-hydauliques et 1,577 chevaux vivants.

Il y a 11,052 métiers à filer, produisant 1,206,378 bobines, et 32,521 métiers à tisser. A propos du nombre de bobines, un article de la Revista de los intereses, dont M. Ramon de la Sagra est sans doute l'auteur, traite les résultats de M. Sayrò d'absurdes (tome I, page 144), puisqu'un métier donnerait 16 livres de fil par an, beaucoup moins que le fuseau de la première vieille femme venue.

Le rapporteur de la commission, M. Sayrò, a classé les produits des fabriques catalanes en différentes sections, qui se résument par les données suivantes :

78,619,032 varas de toiles, valant......
940,248 douzaines de mouchoirs de poche..
30,828 couvertures.......

En produits de toute sorte

297,965,607 réaux. 155,520,811

1,431,178 68,840,709

521,556,305 réaux.

Cette somme de réaux équivaut à 131 millions de francs pour le montant des valeurs produites par l'industrie catalane.

La même fabrication consomme 111,898 arrobas de diverses matières premières

Les réaux dont il s'agit ici sont les réaux de veillon, vingtième de la piastre, ayant pour valeur intrinsèque 27 centimes. On peut donc convertir approximativement toutes les sommes de réaux ci-dessus en francs, en prenant le quart. (JPH. G.)

2 La vara de Castille, d'environ un tiers plus petite que l'aune, vaut 84.796 centimètres. (JPH. G.)

L'arroba est le quart du quintal ordinaire de 100 livres de Castille, 46.009 kilogrammes, ou 11 1/2 kilogrammes environ. (JPH. G.)

provenant de l'intérieur et ayant une valeur de 7,981,728 réaux; 1,327,370 arrobas de diverses matières étrangères valant 64,502,626 réaux.

Le nombre des personnes qui échangent leur travail ou leurs produits contre ceux de l'industrie catalane, y compris les personnes qu'elle emploie, s'élève à 800,000 individus. Il y a en Espagne 15,464,000 habitants'.

JPH. G.

COMMERCE DE LA Russie avec la ChINE. — Un développement extraordinaire s'est fait remarquer depuis quelque temps dans le commerce de la Russie avec la Chine. L'apport des thés sur le marché de Kiakhta, déjà très-considérable pendant les années précédentes, s'est encore accru en 1841. Voici l'ensemble des quantités importées tant par Kiakhta que par la Sibérie et les ports méridionaux.

Thé en caisses : par Kiakhta...........
par la ligne de la Sibérie..

Thé en briques : par Kiakhta....

par la ligne de la Sibérie.. Autre, importé par les ports méridionaux...

2,755,580 kil. 27,905,000 fr.

22,351

1,218,582

28,081

32,418

266,000

1,468,000

89,000

350,000

Total..... 4,057,012 kil. 30,078,000 fr. Comparativement à 1840, ces chiffres accusent, pour le thé en caisses arrivé par la voie de Kiakhta, une augmentation de 304,500 kilogrammes, représentant une valeur de 18,690,000 francs, et sur l'ensemble, celle de 472,000 kilogrammes et de 19,701,000 francs. D'après le document auquel les renseignements ci-dessus ont été empruntés, les prix des thés mis en vente sur le marché de Kiakhta avaient, en 1841, subi une hausse extraordinaire. Mais les échanges s'opérant sur cette place par Pintermédiaire d'un comité composé partie de négociants chinois, partie de commerçants russes, qui débattent et arbitrent les prix des marchandises, ces derniers ont élevé d'autant le prix de leurs articles, et le commerce russe, en définitive, n'a pas eu à souffrir de la hausse des thés. Loin de là, les achats considérables qu'il a faits de cette denrée ont permis aux vendeurs de prende en retour des quantités d'autant plus fortes d'objets manufacturés, dont une partie assez considérable se trouvait depuis plusieurs années accumulée dans les magasins.

Voici, avec l'indication des principaux articles exportés de Russie en Chine, la marche qu'a suivie l'exportation de 1838 à 1841 :

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Ainsi, 1841 aurait plus que triplé les opérations de 1840. Les échanges par Kiakhta entre la Russie et la Chine s'opèrent uniquement en marchandises: le numéraire y joue un très-faible rôle. Si l'on ajoute aux importations du thé, dont il a été question ci-dessus, celle de quelques parties de soieries ou autres articles également venus de Chine, l'ensemble des échanges entre la Russie et la Chine s'élèvera, pour 1841, à environ 62 millions.

1 Chiffre de 1838 donné par M. Moreau de Jonnès. Voir le Journal des Économistes, tome I, page 165.

Cette somme représente près des trois quarts de la valeur totale du commerce des États-Unis avec la Chine (environ 90 millions), et le sixième, approximativement, des opérations que l'Angleterre faisait en 1841 avec cette dernière puissance (380 millions). (Extrait des Documents sur le commerce extérieur, publiés par le ministère de l'agriculture et du commerce.)

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BIBLIOGRAPHIE.

CATÉCHISME D'ÉCONOMIE POLITIQUE, par Henri Jouffroy. - Un volume in-8°.
Leipsick et Paris, chez Brockhaus et Avenarius, 1844.

M. Jouffroy est un publiciste très-fécond qui écrit à la fois en allemand et en français, et dont nous possédons déjà plusieurs ouvrages sur les matières de droit public, d'administration et d'économie politique. Aujourd'hui c'est cette dernière science qui a été l'objet de ses investigations, et il nous donne, sous le titre de Catéchisme d'économie politique, un aperçu assez détaillé de la science. La forme de ce traité n'est pas très-régulière, et le titre de catéchisme nous paraît mal approprié à l'ensemble du travail. M. Jouffroy appartient à l'école allemande, et il donne à la science des limites plus étendues que celles qu'on lui assigne de ce côté du Rhin et de l'autre côté de la Manche.

Après avoir présenté dans des notions préliminaires un exposé de la science de l'État, et fait voir quelle place l'économie politique occupe dans cette science, il ajoute que ses recherches ont pour objet de savoir: 1o de quoi se compose la richesse nationale; 2o ce que l'État peut faire pour l'augmenter ; 3° et comment il doit l'employer aux fins de la société. Elle a par conséquent, dit l'auteur, trois parties: la première s'occupe de l'analyse de la richesse nationale; la seconde a pour objet la police des professions; la troisième traite du système des finances. Voilà l'ordre adopté par M. Jouffroy, et pour donner une idée plus précise de son livre, nous en ferons connaître les sous-divisions. L'analyse de la richesse nationale comprend quatre parties distinctes: 1o la définition des idées fondamentales, telles que celles du revenu, du travail, de la valeur, de l'argent et de la monnaie; la seconde les échanges qui se font dans la nation, ou un aperçu général des métiers, de l'économie rurale, de l'industrie, des rentes et du commerce; la troisième contient l'exposition des systèmes économiques de Colbert, de Smith et de Quesnay; la quatrième partie, enfin, traite de la population et de la civilisation nationale. La deuxième section de l'ouvrage, intitulée Police de l'État en fait d'économie politique, s'occupe d'abord des moyens généraux de prospérité, tels que les mesures de salubrité, du régime des prisous, des hôpitaux, des voies de communication, des postes, des monnaies, des monts-de-piété, des lois contre l'usure, de la liberté des cultes, etc. Ensuite l'auteur passe aux moyens particuliers de faire prospérer les différents genres de professions. Pour cela, il passe de nouveau en revue l'économie rurale, l'industrie manufacturière et le commerce. Enfin, la troisième et dernière division du livre est, comme nous l'avons dit, consacrée aux finances. Trois chapitres composent cette partie : les dépenses, les recettes et les dettes publiques. Les domaines de la couronne, les droits régaliens et les impôts figurent dans le second de ces chapitres.

Nous venons de reproduire en quelque sorte la table des matières de l'ouvrage de M. Jouffroy. On aura ainsi une idée des différentes parties qu'il a fait entrer dans l'économie politique. Quant à l'esprit du livre, il serait difficile d'en donner une idée

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