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AVERTISSEMENT

e n'est pas, à proprement parler, une édition de La Bruyère1 que nous donnons aujourd'hui. Nous reproduisons simple

ment l'édition originale, très-intéressante à cause des nombreux changements que le texte de La Bruyère a subis dans les éditions suivantes, mais devenue tellement rare qu'il nous a paru utile de la réimprimer pour venir en aide aux travaux des littérateurs et des bibliophiles.

Cette première édition n'est, pour ainsi dire, que

1. L'édition complète de La Bruyère que nous devons publier avec M. Louis Lacour dans notre collection des Classiques français in-8° renverra à celle-ci pour la conférence des textes. b

Blaushateau 25 May

1936

l'embryon des Caractères tels que nous les lisons aujourd'hui; mais les additions successives apportées par La Bruyère à son travail, en augmentant la valeur de l'œuvre définitive, n’ôtent rien au mérite de l'œuvre originale. Tel qu'il est, ce premier jet est un coup de maître, et La Bruyère, n'eût-il produit que cet essai, se trouverait encore classé au premier rang parmi les grands génies dont s'honore notre littéra

ture.

Huit éditions ont été publiées du vivant de l'auteur. Les trois premières, toutes trois de 1688, sont à peu près identiques. C'est seulement à la 4o (1689) que commencèrent les additions importantes, tellement importantes que l'ouvrage se trouve presque doublé. Elles continuent à la 5e édition (1690), dans laquelle l'auteur annonce pour la première fois qu'il a fait des augmentations à l'édition originale. La 6o édition (1691) et la 7o (1692) portent chacune des additions nouvelles, et ce n'est qu'à la 8o (1694) que le texte se trouve fixé définitivement. La 9o édition, qui parut en 1696, peu de jours après la mort de La Bruyère, ne s'écarte de la précédente que par quelques variantes. Les neuf éditions que nous venons de mentionner ne diffèrent pas seulement par l'addition de pensées nouvelles, mais encore par une foule de transpositions et de modifications. On se trouve fort embarrassé quand on veut suivre la dernière édition avec l'édition originale. Non-seulement on est dé

routé par ces augmentations nombreuses qui sont arrivées à faire du livre le triple de ce qu'il était d'abord; mais souvent on croit qu'une pensée a été supprimée, et on la retrouve autre part, soit dans les mêmes termes, soit formulée différemment.

Il semble, du reste, que tel soit le sort des livres de ce genre. Les Maximes de La Rochefoucauld, entre la re édition (1665) et la dernière imprimée du vivant de l'auteur (1678), ont subi des changements qui, s'ils ne sont pas relativement aussi considérables que ceux des Caractères, sont néanmoins très-importants. Cette particularité a sa raison d'être dans la nature même de ces ouvrages. La précision et la concision que réclament des écrits où tout est axiomes, descriptions, définitions, appellent des changements incessants. Des écrivains qui, comme La Bruyère et La Rochefoucauld, avaient la conscience de leur œuvre, devaient être toujours préoccupés du désir de faire mieux et plus complet; la forme de leurs ouvrages, composés de pensées courtes et sans liaisons entre elles, se prêtait merveilleusement aux additions, aux suppressions et aux transpositions, et il n'est pas étonnant que leurs œuvres aient passé par tant de changements successifs avant d'arriver à une forme définitive.

Nous n'avons ici ni à raconter la vie de La Bruyère, ni à juger son œuvre : on a dit là-dessus et plus et mieux que nous ne pourrions dire. Nous

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