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DE LA CHAIRE.

E discours Chrétien est devenu un spectacle; cette tristesse Evangelique qui en est l'ame ne s'y remarque plus; elle est suppleée par l'avantage de la mine, par les inflexions de la voix, par la regularité du geste, par le choix des mots et par les longues énumerations; on n'écoute plus serieusement la parole sainte : c'est une sorte d'amusement entre mille autres, c'est un jeu où il y a de l'émulation et des parieurs.

L'on fait assaut d'Eloquence jusques au pied de l'Autel et dans la Chaire de la verité; celuy qui écoute s'établit juge de celuy qui presche, pour condamner ou pour applaudir, et n'est pas plus converti par le discours qu'il favorise que par celuy auquel il est contraire. L'Orateur plaist aux uns, déplaît aux autres, et convient

avec tous en une chose : que, comme il ne cherche point à les rendre meilleurs, ils ne pensent pas aussi à le devenir.

¶ Jusqu'à ce qu'il revienne un homme qui, avec un style nourri des saintes Ecritures, explique au peuple la parole divine uniment et familierement, les Orateurs et les Declamateurs seront suivis.

Les citations profanes, les froides allusions, le mauvais pathetique, les antitheses, les figures outrées, ont fini; les portraits finiront et feront place à une simple explication de l'Evangile, jointe aux mouvemens qui inspirent la conversion.

C'est avoir de l'esprit que de plaire au peuple dans un Sermon par un style fleuri, une morale enjoüée, des figures reïterées, des traits brillants et de vives descriptions; mais ce n'est point en avoir assez. Un meilleur esprit condamne dans les autres et neglige pour soy ces ornemens étrangers, indignes de servir à l'Evangile il presche simplement, fortement, chrétiennement.

¶ L'Orateur fait de si belles images de certains desordres, y fait entrer des circonstances si delicates, met tant d'esprit, de tour et de raffinement dans celuy qui peche, que, si je n'ay pas de pente à vouloir ressembler à ses portraits, j'ay besoin du moins que quelque Apôtre, avec un

style plus Chrétien, me degoûte des vices dont l'on m'avoit fait une peinture si agreable.

¶La morale douce et relâchée tombe avec celuy qui la prêche; elle n'a rien qui réveille et qui pique la curiosité d'un homme du monde, qui craint moins qu'on ne pense une doctrine severe, et qui l'aime mesme dans celuy qui fait son devoir en l'annonçant. Il semble donc qu'il y ait dans l'Eglise comme deux états qui doivent la partager: celuy de dire la verité dans toute son étendue, sans égards, sans déguisement; celuy de l'écouter avidément, avec goust, avec admiration, avec eloges, et de n'en faire cependant ny pis ny mieux.

¶Theodule a moins reüssi que quelques uns de ses Auditeurs ne l'apprehendoient; ils sont contens de luy et de son discours, et il a mieux fait à leur gré que de charmer l'esprit et les oreilles, qui est de flatter leur jalousie.

Le métier de la parole ressemble en une chose à celuy de la guerre; il y a plus de risque qu'ailleurs, mais la fortune y est plus rapide.

¶ Si vous estes d'une certaine qualité, et que vous ne vous sentiez point d'autres talens que celuy de faire de froids discours, prêchez : il n'y a rien de pire pour sa fortune que d'estre entierement ignoré. Theodore a esté payé de ses mauvaises phrases et de son ennuyeuse monotonie.

L'on eu de grands Evêchez par un merite de Chaire qui presentement ne vaudroit pas à son homme une simple prebende.

Le nom de ce Panegyriste semble gemir sous le poids des titres dont il est accablé, leur grand nombre remplit de vastes affiches qui sont distribuées dans les maisons ou que l'on lit par les ruës en caracteres monstrueux, et qu'on ne peut non plus ignorer que la place publique ; quand sur une si belle montre l'on a seulement essayé du personnage et qu'on l'a un peu écouté, l'on reconnoist qu'il manque au dénombrement de ses qualitez celle de mauvais Predicateur.

¶ L'Orateur cherche par ses discours un Evesché; l'Apostre fait des conversions, il merite de trouver ce que l'autre cherche.

¶ L'on voit des Clercs revenir de quelques Provinces où ils n'ont pas fait un long sejour, vains des conversions qu'ils ont trouvées toutes faites comme de celles qu'ils n'ont pû faire, se comparer déja aux VINCENS et aux XAVIERS, et se croire des hommes Apostoliques : de si grands travaux et de si heureuses missions ne seroient pas à leur gré payées d'une Abbaye.

Un Clerc mondain ou irreligieux, s'il monte en Chaire, est declamateur.

1. Ecclesiastiques.

Il y a au contraire des hommes saints et dont le seul caractere est efficace pour la persuasion : ils paroissent, et tout un peuple qui doit les écouter est déja émû et comme persuadé par leur presence; le discours qu'ils vont prononcer fera le reste.

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